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  • CAN 2019
  • Les yeux dans le Zimbabwe

Zimbabwe : Broken State Warriors

Par Tendai Michot
Zimbabwe : Broken State Warriors

La CAN débute ce vendredi (22h), mais elle a bien failli ne voir que l'Égypte sur le terrain. Le Zimbabwe a en effet menacé de boycotter le match d'ouverture pour une histoire de primes de qualification pour la compétition non payées. Un malaise qui traduit bien les situations sportive et politique du pays ces dernières semaines et années.

18 novembre 2017. Après plus de 35 ans de pouvoir vite transformé en une dictature brutale, ce qui ne semblait plus possible finit par arriver : Robert Mugabe, « président » du Zimbabwe, est forcé de quitter son poste par les forces armées, et ses anciens alliés lui tournent le dos. À Harare, capitale du pays, les scènes d’effusion de joie sont légion, et le peuple entier descend dans la rue pour célébrer la fin de règne d’un véritable tyran. Au milieu de cette foule de tous âges, un homme brandit avec fierté une énorme pancarte. Contrairement aux nombreuses autres, celle-ci n’est pas adressée à Mugabe. Une autre personne est la cible surprenante de ce jeune Zimbabwéen : Arsène Wenger. Un grand « Wenger Out » peint en blanc sur fond brun porté fièrement par ce jeune homme ayant apparemment un message tout aussi important à faire passer. Signe que même dans un des moments historiques les plus importants du pays, certaines priorités demeurent.

Une crise qui touche à tout

Au Zimbabwe, anciennement « Rhodésie » et l’une des dernières nations africaines à avoir obtenu son indépendance, les passions sportives sont fortement influencées par le passé de membre du Commonwealth. Comprendre par là qu’hormis rugby, cricket et football, peu de sports passionnent la masse. Et à l’image de la globalité du monde, c’est bien le ballon rond qui est le plus populaire. Dans un pays qui peut se vanter d’avoir eu le plus grand taux d’inflation de l’histoire (estimé à 80 milliards par mois selon les spécialistes obligés d’inventer un nouveau terme d’ « hyperinflation » ) et qui est à nouveau englué dans une terrible crise financière, un exploit sportif des Warriors ne serait pas de refus pour offrir un peu de joie à la populace. Par exploit, comprendre qualification. La question étant : en sont-ils capables ?

Corruption et crise économique

Dans ce contexte politico-social de corruption et de crise économique, le football ne fait pas figure d’exception. Il suffit de regarder les deux dernières grandes compétitions internationales auxquelles la sélection était éligible. En 2017, les joueurs ont tout simplement fait grève et refusé de se déplacer pour un amical de pré-compétition, demandant des augmentations de leurs émoluments (à titre d’exemple, une des demandes était de passer à un paiement quotidien de… 150 à 500 dollars). Et pour ce qui est du Mondial en Russie, les Warriors ont tout simplement été exclus des qualifications par la FIFA pour avoir refusé de payer ce qui était dû à leur précédent sélectionneur. Ambiance.

Un bal organisé à la dernière minute pour financer le déplacement en Égypte

Une situation similaire semblait être sur le point de se produire pour cette édition. Si l’idée d’un préstage à Dubaï a vite été abandonné faute de liquidités, c’est bien le financement de la compétition en elle-même qui a semblé impossible. Mais un bal de dernière minute organisé mercredi – soit dix jours avant le début de la compétition – a permis de récolter les fonds nécessaires. C’est le président Mnangagwa, extrêmement décrié depuis la dernière crise financière, qui a décidé de faire de la compétition un porte-drapeau censé montrer le courage et l’abnégation du pays. L’union sacrée ayant été prônée, les 500 000$ nécessaires pour payer l’ensemble du staff et joueurs désormais récoltés (soit un tout petit peu plus que ce qu’a touché chaque joueur de l’équipe de France pour sa victoire à la Coupe du monde), l’équipe peut maintenant se concentrer sur ce qui compte le plus : le sportif.

Une équipe en progression

Le Zimbabwe, niveau foot, c’est pas folichon. Sur le papier, difficile de tirer un autre constat que cela. 109e nation au classement FIFA, avec seulement quatre participations à la CAN (pour zéro passage au deuxième tour), et aucune qualification pour une Coupe du monde, force est de constater que l’équipe a tout d’une victime désignée. Mais, en analysant les chiffres de plus près, on peut remarquer une certaine progression. Par exemple, ces quatre participations ont commencé à partir de 2004, ce qui fait alors quatre participations en neuf compétitions. Déjà plus honorable.

Tombée avec les honneurs il y a deux ans dans ce qui était le groupe de la mort (match nul contre l’Algérie 2-2, et défaites respectables contre le Sénégal 0-2 et la Tunisie 2-4), l’équipe a continué de progresser et s’est de façon surprenante plutôt baladée dans son groupe de qualifications composé du Liberia, du Congo et de la RD Congo, terminant première ainsi que meilleure attaque et meilleure défense. Avec un groupe composé majoritairement de joueurs évoluant en Afrique (seuls six joueurs, dont le néo-Rémois Munetsi, évoluent en Europe), l’équipe a développé certains automatismes et ne débarquera pas au Caire en victime expiatoire.

Une malédiction à briser

Aussi, le format de cette édition, comprenant maintenant 24 équipes au lieu de 16, offre certes bien plus de garanties aux favoris, mais aussi aux équipes plus modestes d’aller chercher la qualif : sur les 6 groupes, les deux premiers passeront, ainsi que les quatre meilleurs troisièmes. Dans le groupe de l’Égypte, de l’Ouganda et de la RD Congo, il y a donc ici une carte à jouer pour aller chercher ne serait-ce qu’une place de meilleur troisième et enfin briser la malédiction des poules.

Il y a donc dans cette CAN 2019 un véritable espoir de réussir à enfin passer un tour d’une compétition d’envergure. Probablement plus confronté à une compétition à trois pour une voire deux places (l’Égypte semblant clairement boxer dans une autre catégorie), l’effectif veut croire en ses chances de passer un tour. Le président de la ZIFA, Felten Kamambo, abonde dans ce sens : « Bien que la majorité des nations visent des budgets de millions de dollars, les conditions économiques du pays nous ont obligés à nous orienter vers un budget plus modeste qui n’arrivera pas à nous décourager. » Ça tombe bien, car de courage, il y en aura besoin ce 21 juin dans un stade international du Caire survolté, lors du match d’ouverture, face au pays hôte : l’Égypte d’un certain Mohamed Salah.

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