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Yusuf Sarı : « Balotelli voit en moi la folie qu’il avait plus jeune »

Propos recueillis par Diren Fesli, à Adana

Devenu l’une des valeurs sûres du football turc depuis son arrivée au pays, le minot de Marseille ne cesse de grandir et de devenir ambitieux. Plus mature, le virevoltant ailier de 25 ans donne des nouvelles de sa carrière. Entretien avec celui qui ratera l’Euro 2024 avec la Turquie à cause des nombreuses blessures, mais qui compte ne pas lâcher, comme à son habitude.

Yusuf Sarı : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Balotelli voit en moi la folie qu’il avait plus jeune<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Devenir footballeur professionnel était une évidence pour toi, étant petit ?

Je suis un Marseillais qui rêvait d’être footballeur en suivant son grand frère. Il était beaucoup plus fort que moi, mais disons qu’avec les femmes, les boîtes de nuit, il s’était perdu. Mon père, qui travaillait au chantier, avait tout arrêté pour me soutenir dans le but que je ne fasse pas les mêmes erreurs et que je devienne professionnel. Si j’en suis là, c’est en grande partie grâce à lui. Mon frère n’avait pas réussi, il fallait de mon côté que je fasse le nécessaire. J’avais une responsabilité sur les épaules, j’avais tout fait pour l’assumer et rendre fière la famille.

Tu fais partie de la génération de Boubacar Kamara et Maxime Lopez. Tu t’attendais à ce qu’ils fassent de belles carrières ?

Pour moi, c’était évident qu’ils allaient avoir de belles carrières tellement ils étaient forts. Il y avait aussi Christopher Rocchia et Florian Chabrolle qui se sont un peu perdus, mais qui étaient impressionnants. On était une petite bande qui savait ce qu’elle voulait. On s’entraînait déjà avec les pros, on avait nos contrats de stagiaire, donc on avait de l’avance.

Dimitri Payet était très exigeant. Une fois, j’avais eu deux minutes de retard à l’entraînement, il insistait pour que je paie une amende de 1500 euros, ce qui était une somme énorme pour moi.

Yusuf Sarı

Tu t’étais toi aussi retrouvé très vite avec le groupe professionnel. Quels souvenirs en gardes-tu ?

J’avais 18 ans et des étoiles plein les yeux. Ma première fois avec le groupe pro, j’étais choqué de manger avec Mandanda et Payet par exemple, alors que je les regardais jouer en tant que fan de Marseille. Je ne m’étais jamais affirmé avec eux au départ, ce sont des gars que je voyais à la télé. Ils étaient dans un autre monde, c’était compliqué d’être à l’aise. Personne ne me calculait, tout était nouveau. Quand tu ratais une passe à l’entraînement, les anciens pouvaient être très durs avec toi, c’étaient des choses nouvelles pour nous, les jeunes. Dimitri Payet était très exigeant, mais ça se comprenait parce qu’il était capitaine. Une fois, j’avais eu deux minutes de retard à l’entraînement, il insistait pour que je paie une amende de 1500 euros, ce qui était une somme énorme pour moi. (Rires.)

Beaucoup disent que tu étais au fil du temps l’un des préférés des anciens. C’était le cas ?

J’avais créé de bons liens avec Luiz Gustavo, Florian Thauvin et Bouna Sarr, qui était le meilleur, on discute encore souvent avec lui. On s’appelle aussi par moments avec Luiz, même s’il y a la barrière de la langue. Je respecte tout le monde dans un vestiaire, mais ces trois-là ont été ceux qui m’ont vraiment fait du bien. Florian me poussait beaucoup, on restait s’entraîner, il me conseillait. On était gauchers, on jouait au même poste, donc c’était très agréable.

À l’époque, tu enchaînais les matchs en Coupe de France, et tu avais même fait une petite apparition de quelques minutes en Ligue 1 face à Toulouse. Ça montre la confiance que Rudi Garcia avait en toi.

Je ne suis plus en contact avec Rudi Garcia, mais je me souviens que quand j’étais à Trabzonspor, Gervinho lui avait envoyé une photo de moi. Il avait dit : « C’est mon petit Yusuf ça, je l’ai fait monter à l’OM », ça m’avait fait plaisir. Il m’aimait beaucoup et quand je l’écoutais parler, je me disais que j’allais faire une très grande carrière. Je ne réalisais pas la chance que j’avais de jouer pour l’OM, je m’en étais rendu compte plus tard.

Pourquoi ça ne l’a pas fait à l’OM ?

Je n’étais pas assez patient. Attention, je ne demandais pas à être titulaire, mais de voir que je jouais si peu était frustrant aussi jeune. De jouer un petit quart d’heure par-ci, par-là aurait été déjà très bien, on parle de l’OM quand même. C’est vrai que c’était compliqué à l’époque, l’équipe était en finale de la Ligue Europa, donc ce n’était pas évident de gratter des minutes. Le Yusuf d’aujourd’hui aurait conseillé à l’ancien de patienter, mais c’est comme ça. Je n’ai pas de regret, je m’estime chanceux. Beaucoup de très bons jeunes de l’OM sont tombés dans l’anonymat, j’ai la chance de suivre une carrière honorable.

En France, c’est très compliqué de retrouver ton équipe quand ton prêt a échoué. C’est comme si tu avais raté ton stage.

Yusuf Sarı

Après Marseille, tu avais enchaîné en 2018 un prêt à Clermont en Ligue 2 qui s’était mal passé. Les doutes s’étaient-ils installés à ce moment-là ?

Rudi Garcia m’avait convoqué pour me dire qu’il fallait que je parte en prêt pour avoir du temps de jeu. Il y avait Ajaccio, Troyes et Clermont. Le coach Pascal Gastien m’avait appelé et m’avait donné beaucoup d’importance au téléphone. Il faisait beaucoup de promesses, mais rien ne s’était passé comme prévu. Dès le départ, j’avais senti la bombe. Il m’avait envoyé en réserve. Je venais de passer en quelques semaines d’être dans le groupe, certes sans jouer, d’une équipe finaliste de Coupe d’Europe, à une équipe B de Ligue 2. Je prenais sur moi, je jouais contre des équipes de quartier, mes performances étaient bonnes, mais je ne jouais toujours pas avec l’équipe une. Le pire, c’est qu’il disait à mon agent qu’il était très content de moi, je ne comprenais pas. En France, c’est très compliqué de retrouver ton équipe quand ton prêt a échoué. C’est comme si tu avais raté ton stage. Tout allait trop vite, je me sentais mal. Je n’étais pas parfait, mais j’étais toujours droit.

Le tournant de ta carrière a été de signer à Trabzonspor en 2019. Tes origines turques ont-elles joué un rôle important dans ce choix ?

Je ne regardais même pas le championnat turc, il ne m’intéressait pas, mais Trabzonspor, c’est un des plus grands clubs du pays, ce n’était pas rien. Le fait d’être turc n’a pas joué dans mon choix de venir en Turquie, je voyais ça comme un tremplin. Je ne pensais qu’au football. J’avais du mal à m’adapter à Trabzon, parce que j’avais beau parler la langue, je suis né en France et j’avais toujours vécu en France. Puis je passais des plages, du soleil de Marseille, à Trabzon qui est l’extrême contraire. Ils m’ont donné beaucoup d’importance, j’étais bon, et Andoni Zubizarreta avait appelé mon agent pour lui dire qu’il ne s’attendait pas à ce que ça se passe si bien. Une grosse différence aussi, c’est l’intensité. Si Montella, Younès Belhanda ou Benjamin Stambouli n’étaient pas à Adana par exemple, je serais devenu fainéant. La discipline, ce sont les Européens qui l’apportent.

Aujourd’hui, tu portes les couleurs d’Adana Demirspor et tu es international turc. Quel rôle a joué le sélectionneur actuel et ancien coach d’Adana, Vincenzo Montella, dans ta progression ?

Ici, je me sens comme à Marseille parce qu’il fait toujours chaud et les gens sont fans de football. J’ai toujours su que j’avais des qualités, mais je ne savais pas comment bien les mettre en avant. Montella m’a appris à utiliser ma tête, je le remercie. Je l’ai en appel visio quand il le faut, il donne beaucoup d’importance à ses joueurs et les conseille. Il est très franc, donc c’est ce que j’aime chez lui. Tu peux lui parler comme si tu discutais avec un ami. Il m’a demandé si ça allait mieux physiquement parce que je vis une saison où je ne suis pas épargné par les blessures. Il voulait me convoquer pour les matchs amicaux du mois de mars avec la Turquie, je lui avais avoué que je ne pouvais pas, parce que je n’étais pas prêt. On parle de représenter une patrie, il ne faut pas jouer à 50 %, c’est irrespectueux. Dès son arrivée, il a changé beaucoup de choses, ramenant une bonne ambiance, ça nous avait manqué.

Tu évolues aux côtés de Mario Balotelli, et vous avez l’air très complices.

C’est un tout autre mec que tu vois à la télé. Devant ton écran, tu peux croire qu’il est méchant parce que les gens parlent mal de lui. Il est extraordinaire, et il a un grand cœur. Si tu le respectes, il te le rendra en beaucoup plus. On est complices, parce qu’il est fou et je le suis aussi. Peut-être qu’il voit en moi la folie qu’il avait plus jeune. Il a dû m’inviter au moins dix fois à manger. Pour être honnête, je n’accepte pas toujours son invitation parce que Mario peut à tout moment te jeter un coca dessus alors que tu ne t’y attends pas. (Rires.) Je l’adore vraiment, heureusement qu’il est là. C’est surtout un talent fou, il ne faut pas l’oublier. Je pense que le fait de ne pas avoir été de retour avec la sélection italienne lui a fait mal.

Le fait que la compétition soit en Allemagne est un avantage, on a une très grosse communauté, donc on jouera à domicile tous les matchs.

Yusuf Sarı

Le 18 novembre 2023, tu as marqué le but de la victoire face à l’Allemagne, à Berlin. C’était un rêve de gosse qui se réalisait ?

Le lendemain de ce but, j’en avais pleuré dans ma chambre. Quand il s’agit de football, je suis émotif. Je pensais à ma carrière, mes galères, mes sacrifices. De marquer en amical face à l’Allemagne, ça ne veut pas dire que tu as fait le plus dur, mais symboliquement, c’est fort de contribuer à battre une telle nation chez elle, même si ce jour-là, c’est surtout la Turquie qui jouait à domicile.

Quelles sont les chances de la Turquie à l’Euro ?

Tout le monde a une carte à jouer, une compétition comme l’Euro transforme les joueurs. En sélection, les joueurs se donnent beaucoup plus parce que tu joues pour un pays. On a beaucoup de jeunes, beaucoup de qualités, tout est possible. On a beaucoup d’envie, mais il va falloir se battre quand tu vois les effectifs des grosses nations. J’aurais adoré la disputer, jouer surtout contre le Portugal. Tu te rends compte, tu joues contre Ronaldo ! Mis à part lui, Bruno Fernandes, Leão, Pepe… Ils n’ont que des gros noms, ça donne envie de se confronter à eux. Le fait que la compétition soit en Allemagne est un avantage, on a une très grosse communauté, donc on jouera à domicile tous les matchs.

Ton nom circule avec les gros clubs de la Turquie, mais aussi avec des clubs français. C’est quoi la suite pour toi ?

J’aurais pu partir cet hiver, ça ne s’est pas fait. En toute humilité, je pense que je mérite mieux parce que je suis régulier dans mes performances. On m’avait parlé de Nice, de Lyon, de l’OM, de Rennes, de Beşiktaş… Le club attendait peut-être une grosse somme me concernant, je ne sais pas. J’aime Adana, je continue à me battre pour être de nouveau au top et pouvoir servir la sélection. Si demain je dois revenir à l’OM, je serai le plus heureux au monde, mais je n’irai pas là-bas juste pour y aller. Je suis très ambitieux, j’ai envie de viser le plus haut possible. Je me suis fait un vrai nom en Turquie, donc je sais que c’est peut-être le moment de voir autre chose.

Propos recueillis par Diren Fesli, à Adana

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