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Wolverhampton, une révolution portugaise

Par Valentin Lutz
Wolverhampton, une révolution portugaise

Il y a trois ans, Wolverhampton était au bord de l'abîme et végétait en Championship. Depuis, le parfum de l'Europe plane à nouveau sur Molineux (les Wolves affronteront le Torino en barrages de Ligue Europa jeudi) et le club des Midlands est devenu l'un des meilleurs d'Angleterre. Plus surprenant, le club est devenu, alors que rien ne l'y prédisposait, l'une des principales terres d'accueil de la diaspora du football portugais. En coulisses, l'un de ses représentants les plus éminents, le super agent Jorge Mendes, s'active. À l'heure où les Wolves s'apprêtent à recevoir Manchester United dans le cadre de la 2e journée de Premier League, retour sur une saga portugaise.

Trois ans après la reprise du club par un consortium d’investisseurs chinois, Fosun Group, Wolverhampton, doté d’un effectif complet et de qualité, constitue désormais sans doute la principale menace pour le top 6 anglais. Plus surprenant encore, le club des Midlands parle désormais couramment le portugais, à tel point que les observateurs anglais évoquent une « révolution portugaise » . En effet, en plus de l’entraîneur Nuño Espirito Santo, le club anglais compte sept joueurs lusitaniens dans son effectif, quelques autres dans ses équipes de jeunes, sans compter ceux achetés à des clubs portugais. En coulisses, une autre personnalité lusitanienne s’agite, peut-être la plus influente dans le monde du football contemporain, Jorge Mendes. Mais comment un club au bord du vide il y a peu a-t-il pu connaître une réussite aussi fulgurante ?

L’ombre planante de Jorge Mendes

À l’été 2016, Wolverhampton est mal en point : en pleine traversée du désert, le pensionnaire de Molineux traverse un désert sportif et végète depuis quelques saisons en Championship. Mais il n’en demeure pas moins un club paré de bien des atours, une écurie dotée d’une longue histoire et d’un palmarès fourni, ainsi qu’une institution soutenue par un large bassin de supporters. Autrement dit, une cible intéressante pour des investisseurs désireux d’étendre leur sphère d’influence. Il n’est donc pas étonnant de voir le club être racheté par le consortium chinois Fosun International, pour un montant de 45 millions de livres. En coulisses cependant, une ombre planante interpelle, celle de Jorge Mendes. Pour le super-agent lusitanien aux velléités expansionnistes, le club des Midlands est un potentiel à faire fructifier dans le jeu d’échecs qu’il mène grandeur nature, et surtout, une porte d’entrée vers un marché anglais qui est jusqu’alors resté méfiant à son égard. Catalyseur de la reprise des investisseurs (dont l’un possède d’ailleurs des parts dans sa société Gestifoot), Jorge Mendes devient aussi vite la pierre angulaire de leur projet, l’éminence grise, celui qui en tire les ficelles dans l’ombre et en détermine les principales lignes de force.

Jorge Mendes, officiellement « conseiller » , attire en peu de temps quelques-uns des plus grands talents portugais, et si les exemples sont légion (Ruben Neves et Rui Patrício en particulier), la méthode, elle, ne change jamais. Il s’agit d’une part de recourir aux réseaux d’influence déjà tissés, que ce soit au Portugal ou ailleurs : par exemple à Monaco, où le super agent débauche João Moutinho en 2018 pour seulement cinq millions d’euros. Il s’agit d’autre part d’user de son aura, voire de son emprise, auprès des jeunes joueurs portugais, à l’image de Diogo Jota, envoyé à Wolverhampton en 2017. « Il est comme mon bras droit, avait déclaré l’intéressé en 2018 au Guardian. Je suis persuadé qu’il n’y a personne de meilleur que lui pour gérer ma carrière, donc je n’ai à me préoccuper de rien, simplement à faire mon travail sur le terrain. Il est très confiant et croit en vous plus que vous ne le faites vous-mêmes parfois. »

Derrière les géants d’Angleterre, les loups

En quelques années, la diaspora portugaise de Wolverhampton, si elle fluctue beaucoup au gré des turpitudes de la politique d’investissements mise en place par les dirigeants, reste particulièrement nombreuse : environ sept éléments chaque année, sans compter les jeunes pousses réparties au sein des équipes de jeunes. Mais son principal représentant ne foule pas, du moins plus, les pelouses : la plus belle trouvaille de Jorge Mendes n’est autre que Nuño Espírito Santo, ami de longue date et ancien gardien du FC Porto, propulsé sur le banc du club anglais en 2017 après une série d’expériences mitigées du côté de Rio Ave (2012-2014), de Valence (2014-2015) et surtout de Porto (2016-2017). Mais Santo n’a rien du parachuté chanceux, encore moins du simple sous-fifre : bien au contraire, alors qu’il avait repris l’équipe à une anonyme quinzième place de deuxième vision, le natif de São Tomé, architecte de talent, a remporté le Championship l’année suivante, avant de décrocher avec la manière une septième place remarquable la saison dernière. Les Wolves sont ainsi devenus la principale menace pour les géants anglais, dont beaucoup sont tombés face à Santo et ses hommes (six victoires, quatre nuls, quatre défaites toutes compétitions confondues contre les équipes du Top 6).

La réussite fulgurante de Wolverhampton et de son entraîneur est fondée sur un dispositif tactique singulier en Angleterre, souvent efficace à défaut d’être toujours flamboyant, celui d’une défense à trois, d’un milieu de terrain particulièrement dense et d’un tandem sur le front de l’attaque. Les principes sont simples (un pressing continu, des transitions rapides vers l’avant et un jeu de contre-attaques tranchantes), mais particulièrement adaptés aux qualités de l’effectif. Cet été, ce dernier, déjà surprenant d’équilibre entre expérience et jeunesse, solidité et créativité, s’est encore renforcé : en plus des transferts définitifs de Leander Dendoncker et Raúl Jiménez (pour un nouveau montant record de 30 millions de livres), sont arrivés Jesús Vallejo (Real Madrid), Patrick Cutrone (AC Milan), ainsi que deux nouveaux Portugais, Pedro Neto et Bruno Jordão (Lazio). Si bien qu’à l’heure où l’odeur de l’Europe plane à nouveau sur Molineux (il reste à Wolverhampton à écarter le Torino pour accéder aux phases de groupes de la Ligue Europa), les Wolves semblent prêts à lutter sur tous les fronts. Et si nouveau périple il y a, il commencera dès ce soir puisque le club des Midlands, tenu en échec par Leicester la semaine dernière (0-0) accueille Manchester United. Pas de quoi faire trembler les Loups : la saison dernière, avec un nul et, surtout, deux victoires en l’espace de deux semaines en FA Cup, puis en championnat à la fin du mois de mars, le tourbillon portugais avait éparpillé les Red Devils.

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