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Willian folie

Par Théo Denmat
Willian folie

Comme quoi, il suffit parfois d'un coup de silex bien placé : comme le feu des premiers hommes, Willian a été aussi étincelant face au Mexique que falot lors des trois matchs du premier tour. Et si Douglas Costa a même un temps cru pouvoir lui chiper sa place de titulaire, c'était compter sans le réveil du schizophrène formidable. Sortez la camisole !

Il faut croire que l’endroit est propice aux décollages. Le premier, c’était un mercredi d’avril 1961, à une heure locale consignée dans les livres d’histoire comme étant 6h07 du matin. Avant de quitter le sol pour le premier voyage spatial habité de l’ère humaine, un petit gars au nez en trompette nommé Youri Gagarine avait eu ces mots : « Chers amis, connus et inconnus pour moi, mes chers compatriotes et toutes les personnes du monde ! Dans quelques instants, une puissante fusée soviétique va propulser mon vaisseau dans l’étendue de l’espace. Toute ma vie est désormais devant moi comme une simple inspiration. »

Cette fusée, la Vostok 1, avait été construite et assemblée dans l’usine Progress de la ville de Samara, en Russie, à quelques kilomètres de l’emplacement de l’actuelle Cosmos Arena. L’enceinte de 45 000 sièges construite pour le Mondial 2018 a d’ailleurs joué le clin d’œil à fond : vu de haut, de l’espace donc, le stade a la forme d’une soucoupe volante et d’une étoile. Bref, l’endroit rêvé pour faire décoller un Mondial. Surtout quand on s’appelle Willian, que l’on joue un huitième contre le Mexique et que Tite vous surnomme O Foguetinho (La Petite Fusée, en VF) depuis bientôt deux mois.

Des poules de chèvre

On ne va pas jouer le refrain des « si » , mais quand même : et si la cuisse droite de Douglas Costa n’avait pas sifflé en poules face au Costa Rica ? Le bonhomme n’était que remplaçant face à la Tricolor et on ne parlait pourtant que de lui au coup de sifflet final. Ce gars-là n’est pas un pétard, c’est une roquette. Son entrée tonitruante à la mi-temps d’un match de boueux saluée d’une passe décisive pour Neymar en fin de match contrastait foutrement, il faut le dire, avec la salade mollassonne dressée jusque-là par Willian. L’ailier droit de la Seleção n’avait convaincu personne à part Tite, et même ses stats étaient plus létales que ses dribbles ratés : un tir tenté (non cadré) en 45 minutes, suivant un match de sagouin face à la Suisse où il n’avait remporté que 33% de ses duels et envoyé ses deux seules frappes en tribune présidentielle.

Contre la Serbie, pour le dernier match du groupe E, c’était à peine mieux (trois fautes subies, six ballons récupérés) et toujours sans but ou passe décisive. La presse du pays l’affirme alors : il faut sortir le boulet. Et puis, comme les croque-morts mordillaient autrefois l’orteil de leurs patients pour vérifier leur inertie, Tite a continué à tester son poulain, et Willian a ouvert les yeux dans son linceul. Une passe décisive pour Neymar face au Mexique au moment où l’on commençait à douter des forces offensives brésiliennes (68e), et une prestation d’homme du match sans en avoir l’air à coups de démarrages répétés qu’il aurait parfois pu conclure lui-même si Ochoa avait eu les réflexes moins prompts (63e). Hommage du portier trentenaire, d’ailleurs, une fois les lumières éteintes : « Il était trop fort. Rapide, et vraiment très dangereux. Quand ils(les Brésiliens) travaillent tous ensemble, on a pu voir de quoi il était capable. » Pendant ce temps-là, Juan Carlos Osorio insultait Neymar.

Seule certitude : son irrégularité

On a souvent lu ici et là que le joueur de Chelsea considérait Tite comme « (s)on père » , et la réciproque est vraie même quand elle échappe des lèvres de son assistant Sylvinho : « Willian a beaucoup de choses à faire pour nous et, tactiquement, c’était un magnifique travail. Du coup en seconde période, on lui a permis de se livrer un peu plus. » Son association avec Coutinho, Gabriel Jesus et Neymar, tentée puis actée au moment des qualifications au Mondial dans la zone de la CONMEBOL en 2017, fonctionne aussi par son abattage défensif supérieur à Douglas Costa, souligné par le garçon à longueur d’interview… comme celle livrée le 2 juillet à la FIFA. « Je monte en puissance au fil des matchs, dit-il. C’est important de savoir jouer sans ballon, on arrive très bien à le faire ensemble, et sans négliger l’aspect défensif. » Avant, en conclusion, de glisser à la Luchini que « si l’on tombe dans le confort, on perd sa place » .

Heureusement bien au courant que l’aise tient parfois à une bonne position dans le canapé, il faut aussi juger les performances de Willian à travers le prisme de ses placements sur le terrain, étant plus à l’aise dans le 4-2-3-1 aligné face à la Tri que dans le 4-3-3 du premier tour. Et puis Willian, c’est aussi un type complètement ambivalent, irrégulier au possible, jamais meilleur que dans le Chelsea mortifère de la saison 2015-2016 et capable de s’éteindre quand les lumières alentours brillent un peu plus que lui. Alors, titulaire ou pas face aux Diables ? On pose une grosse pièce sur le oui, encore une fois. « La Petite Fusée ? Le staff a commencé à m’appeler par ce surnom et pour être honnête, j’en suis ravi. Il résume ma manière de jouer » , confiait-il il y a peu. Puisque le décollage est maintenant assuré, reste à assumer le reste : on a longtemps cru que Gagarine était redescendu sur Terre à bord de la sienne, près de la Volga, elle s’était en fait écrasée sans lui. Un parachute, c’est parfois utile.


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