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Wesley Fofana, l’incassable du siècle
C’est l’un des gros coups du dernier mercato estival. Contre un beau chèque de 85 millions d'euros, Chelsea s'est offert les services de Wesley Fofana, faisant du Français de 21 ans l'un des défenseurs les plus chers du monde, devant le transfert de Van Dijk à Liverpool et suivant les arrivées de Maguire à Manchester United ou de De Ligt à la Juventus. Alors qu'il a étrenné le bleu de Chelsea samedi contre West Ham et qu'il s'apprête à découvrir la Ligue des champions mardi à Zagreb, ce mort de faim issu de Marseille s'offre une belle revanche sur un début de vie marqué par une jeunesse difficile, quelques problèmes scolaires et une énorme blessure.
Dans la vie de tous les jours comme dans le sport de haut niveau, les retours s’accompagnent souvent d’un vent de nostalgie, d’une euphorie parfois, d’un sourire au coin des lèvres et de toutes sortes de festivités rendant ce moment si rayonnant. Wesley Fofana, lui, a opté pour le silence, les pleurs, les visages bouleversés et une touche d’angoisse. Le 17 mars dernier, pour son grand retour à la compétition depuis 223 jours d’absence et 41 matchs manqués, il décidait de gâcher la soirée des 30 000 supporters venus au Roazhon Park pour assister au huitième de finale retour de Ligue Europa Conférence (2-1). Alors que les hommes de Bruno Genesio avaient pris la mesure de l’évènement en menant 1-0 au retour des vestiaires, tous leurs rêves européens se sont envolés en même temps que le premier but du Français sous la tunique des Foxes. D’un coup de casque ravageur, Fofana égalise et signe un retour gagnant après avoir été écarté des terrains pendant près de sept mois.
« À vrai dire, il aurait pu revenir une semaine plus tôt, mais il a été rattrapé par le coronavirus, se souvient Sébastien Poulet, le kiné personnel du jeune joueur depuis presque deux maintenant. Aujourd’hui, ça me fait sourire, mais sur le moment, il y avait énormément de frustration. Il comptait les jours et était très impatient de revenir. » Bouleversé par l’émotion, le gamin de 21 ans court alors vers son banc pour prendre son entraîneur dans les bras et crie pour extérioriser toute sa joie. D’un petit cœur avec les mains, il envoie un message d’amour à ses proches présents dans l’enceinte bretonne avant de regagner sa place sur le terrain. « Ce sont des moments comme ça que l’on veut vivre. Je voulais revenir le plus vite possible avec le groupe et ce soir, je marque mon premier but avec le club qui est synonyme de qualification. C’est extraordinaire », confiait l’homonyme de l’ailier du XV de France, toujours sur son nuage en conférence de presse. Comme un symbole, ce but restera la seule et unique réalisation du natif de Marseille dans les rangs de Leicester, sans que ça ne l’empêche pour autant de rendre des copies tout aussi propres les unes que les autres jusqu’au terme de la saison. De quoi pousser Chelsea à casser sa tirelire et faire la semaine dernière de Wesley, à 21 ans, l’un des défenseurs les plus chers de l’histoire. Une bien juste récompense pour lui qui a dû avancer seul, contre vents et marées.
Il n’y a pas d’héroïsme sans cicatrices
« Oh oui, il revient de très loin. » Sébastien Poulet l’assure, ce que Fofana a traversé récemment n’a pas été simple. Sèchement taclé par Fer Niño lors d’un simple match amical au King Power Stadium face à Villarreal le 4 août 2021, Fofana ne sait pas encore qu’il vient de tirer un trait sur une bonne partie de sa saison. Aujourd’hui, il en parle comme du pire moment de sa jeune carrière. « Je ne ressens pas la douleur sur le moment, mais quelques secondes après. En fait, c’est dès que je me mets à regarder ma jambe, dès que je vois ce que j’ai, que je comprends que c’était terminé, se rappelle le défenseur dans une interview pour Oh My Goal. À ce moment-là tu penses à des trucs sombres comme la fin de carrière. Et ils te foutent un tube dans la bouche… je devenais fou ! » Un véritable cauchemar. « J’ai eu tout de suite l’intuition que ça allait très mal, se souvient Sébastien Poulet, alors dans une des loges du stade des Foxes aux côtés de la femme du joueur et de son cousin. La famille l’a vécu comme un drame et avait l’impression que tout allait s’arrêter, d’un coup. » Pendant une poignée de minutes, les supporters retiennent leur souffle, certains des coéquipiers de Fofana sont apeurés, à l’image de Söyüncü, au bord des larmes, mettant les mains sur sa tête en approchant de son coéquipier au sol. Le kiné de Fofana commence à angoisser : « C’était du sérieux. On le voit très peu simuler sur un terrain, et là, je l’entendais crier depuis les tribunes. Quand je vois le Samu débarquer, je sais que ce n’est pas bon… » Avant de le rejoindre dans le tunnel, dix minutes seulement après la fracture, Sébastien confirme malheureusement ses craintes en revoyant les ralentis de l’action sur un téléphone. « On prend ensuite vite la direction de l’hôpital, et pendant qu’on attendait les résultats de la première radio, le médecin nous affirme avoir replacé la cheville subluxée de Wesley. » Le préparateur physique refait alors l’inventaire les dégâts : « Il y a eu une fracture du péroné, un arrachement du ligament médial, un faisceau de tissu interne de la cheville et puis le talus, un os au niveau du pied, a aussi été abîmé ». Après une bonne heure de patience, toute la famille raccompagne Wesley chez lui, plâtré et en béquilles. L’ambiance est morose, mais tout s’organise très vite pour ne pas laisser le temps au joueur de se noyer dans ce mauvais rêve. Le médecin du club débarque dans la belle maison de la région des Midlands de l’Est vers une heure du matin et engage déjà des discussions quant à la suite des opérations. « Wesley ne veut savoir qu’une chose : le temps d’indisponibilité. Il s’en fout presque de la blessure. On savait que c’était un athlète de très haut niveau avec une mentalité incroyable, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il ne s’apitoie à aucun moment sur son sort et qu’il tourne aussi rapidement son regard vers la rééducation. »
Les premiers jours, Fofana va évidemment se reposer et évacuer toute la pression. Son kiné reste proche de lui pour suivre de près l’évolution de sa blessure et expliquer les douleurs au joueur. Les discussions entre chirurgiens via vidéoconférence s’enchaînent pour évoquer l’état de la cheville et la future opération. Après le passage sur le billard, le temps d’absence de Fofana se précise : sept à huit mois. « Je commence à envoyer des exercices à Wesley, paré à relever la tête dès le début. C’était incroyable. » Tous les jours, le joueur de Leicester va s’exécuter et mettre toutes les cartes de son côté pour revenir au plus vite. Les premières semaines à la maison, puis au centre d’entraînement de Leicester, si bien équipé pour réhabiliter son corps. Fofana s’entoure des nutritionnistes du club pour reconstruire les cellules détruites de sa cheville de la meilleure des façons et compte les jours. S’il traverse des phases compliquées, avec le mental parfois en berne, le Français commence à voir le bout du tunnel en janvier 2022. À l’approche de son retour, il prend même la décision d’anticiper en demandant à Sébastien Poulet d’installer une salle de rééducation sur mesure dans sa maison. « Il m’a chargé de faire ça, et chez lui, il y a désormais une salle dédiée à ça. Il m’a donné carte blanche, et sa salle est un endroit de réhabilitation fantastique. » Fofana fait énormément d’investissements dans la santé, dans la prévention et débarque donc en Bretagne tout neuf en mars dernier. Avec du caractère et une détermination hors norme, le Marseillais sort de ce triste chapitre. Un tempérament qu’il a forgé dans la chaude banlieue de Félix-Pyat.
Wild Wild Wes’
« Ce n’est pas quelqu’un de turbulent. Disons que comme il vient d’un milieu difficile, il reflète ce combat de tous les jours, tout le temps, aussi bien sur et en dehors du terrain. Dans sa tête, depuis tout petit, si ce n’est pas toi qui gagnes, t’es mort », assure David Wantier, ancien responsable de la cellule de recrutement de Saint-Étienne entre 2015 et février 2020 qui a longuement suivi Wesley Fofana. « Je n’ai pas eu une vie difficile, on n’a jamais manqué de quelque chose. Mais bon, ce n’était pas la belle vie, livrait la nouvelle recrue des Blues. Quand on est arrivés dans le quartier de Félix-Pyat, c’était compliqué. Avant, on vivait à Vitrolles(commune des Bouches-du-Rhône située à vingt-cinq kilomètres de Marseille, NDLR), c’était plus simple. Là, dans ce quartier, j’ai vu la difficulté de mes yeux. Ça m’a forgé, et je voulais surtout sortir ma mère et mes sœurs de là. » Orpheline du papa parti quelques mois avant la naissance de Wesley, la famille Fofana vit alors à cinq dans un petit logement de deux chambres. Sa mère et son nouveau mari se partagent les quelques mètres carrés avec le jeune Wesley de 13 ans, sa première petite sœur de 6 ans et la petite dernière. « On ne mangeait pas ce qu’on voulait. Un repas le soir et un repas le midi. C’est tout. Si tu veux boire ton Fanta, tu vas te débrouiller par tes propres moyens. » Souhaitant offrir une vie meilleure à sa famille, le Marseillais s’entraîne dur et gravit tous les échelons des catégories jeunes au Sporting Club Air Bel, club formateur réputé des terres phocéennes.
« Au départ, il joue aux Pennes Mirabeau. C’était un ami qui l’entraînait en U11 et quand j’arrive à Air Bel en U12, je l’ai récupéré », se souvient un de ses premiers éducateurs, David Diaz, aussi passé par la cellule de recrutement de l’OM et des Girondins de Bordeaux par la suite. Une vingtaine de kilomètres séparent les deux clubs, mais Fofana n’hésite pas une seule seconde à intégrer le Sporting. Sa grand-mère, « une femme remarquable, dévouée et très respectueuse » dixit David Diaz, et son grand-père l’emmenaient à l’entraînement. Tout de suite, le jeune adolescent prend ses marques et impressionne tout son petit monde. « C’était un chien. Il aimait les duels et n’y allait pas de main morte. Que ce soit un grand ou un petit face à lui, c’était du pareil au même. » L’éducateur parle de quelqu’un de discret, toujours partant pour partager sa canette avec les autres, à l’écoute, qui se transforme une fois les deux pieds sur le rectangle vert. Lors d’un match important en U13, comptant pour la coupe régionale, d’ailleurs remportée par Air Bel, le petit Wesley a dû faire face au meilleur attaquant de sa génération des Bouches-du-Rhône. « C’était un petit Haaland, le garçon. Mon dirigeant en avait un peu peur et me demande de rajouter un défenseur pour épauler Wesley dans l’axe. Je lui ai dit de le laisser tranquille », se rappelle David Diaz. Au bout de quelques minutes de jeu, ledit attaquant récupère une belle passe en profondeur et, alors qu’il a quelques mètres d’avance, se fait vite harponner par Wesley. « Il me l’a monté en l’air ! Tout le monde s’est précipité vers les deux joueurs pour savoir si tout allait bien… Fofana était déjà debout et était reparti vers l’avant. » D’un regard malicieux, comme pour dire « t’as vu, j’avais raison » , Diaz regarde son dirigeant dans les tribunes avant que le match reprenne. Cette année-là, le Sporting termine champion de la région, remporte la coupe, et Fofana attire la convoitise de nombreux recruteurs, donc ceux de l’ASSE.
Sur cette fin d’exercice 2014-2015, Wesley réalise quelques essais pour les Verts et met tout le monde d’accord. Malheureusement, la crainte de sa mère de le voir partir si loin du cocon familial empêche les recruteurs stéphanois de dégainer la moindre offre pour que le joueur rejoigne le centre de formation forézien. Les négociations marquent le pas, s’arrêtent presque, et David Diaz se fend d’un joli coup de poker pour décanter la situation : « J’ai pris mon téléphone et j’ai appelé Gérard(Fernandez, ancien responsable du recrutement avant Wantier, NDLR)et je lui ai dit :« L’OM s’est positionné, je ne sais pas du tout ce que le club va proposer, mais Marseille va recevoir la famille prochainement, mais si vous êtes toujours intéressés, il faut faire quelque chose maintenant. » » Ni une ni deux, les dirigeants de l’ASSE mettent le cap sur la cité phocéenne avec tous les documents et engagent Fofana. Par la suite, ce qui était un bluff finira tout de même par se concrétiser, puisqu’un éducateur de l’OM joint David Diaz par téléphone, malheureusement pour lui, bien après la guerre. Le projet scolaire proposé par Saint-Étienne a convaincu la mère de Wesley qui accepte le deal et voit alors son fils quitter le troisième arrondissement de Marseille. « Il a été très vite livré à lui-même, mais savait où il voulait aller, clame David Wantier, qui croise le joueur pour la première fois en U15. Mais si sur le terrain, tout allait bien, il y a un petit bémol : il est très vite déscolarisé. » « Ça ne devait pas être le premier de la classe, mais ce n’était pas un cancre non plus », nuance Diaz.
Volontaire, travailleur et surtout toujours autant résolu à sortir sa famille de la galère, Fofana gravit les échelons loin du lycée, mais toujours plus proche du ballon rond. Mais les petits problèmes de comportement dérangent, et le rêve est à deux doigts de prendre fin en U17 : « Certains membres du club ont conseillé au directeur du centre de formation de ne pas le garder pour des raisons disciplinaires comme des retards et ce côté un peu perturbateur. » Après ce coup de pression et l’ouverture d’une cellule de performance, Fofana s’assagit et performe à chaque séance d’entraînement. « On décide alors de lui proposer trois ans de contrat. Mais il faut savoir deux choses : d’abord les dirigeants sont toujours un peu sceptiques, et ensuite Everton, Watford et l’Udinese arrivent avec chacun une offre sur la table », recontextualise l’ancien responsable de la cellule de recrutement. Pour que l’ASSE ne perde pas son joueur, Fofana signe finalement son premier contrat pro le 15 mai 2018, du haut de son mètre 85 pour 76 kilos. Tout de suite et comme promis lors de son départ à 13 ans de la cité phocéenne, Wesley profite de son salaire pour offrir une maison à sa famille à Saint-Étienne. « C’est un gars très reconnaissant, j’étais épaté. Il a une parole, il va au bout de choses », félicite Wantier. Sur sa lancée, Fofana intègre le groupe pro en 2019 – tout juste après avoir remporté la Coupe Gambardella – de Jean-Louis Gasset, remplacé rapidement par Ghislain Printant pendant l’été. « Quand Printant arrive, il écarte Fofana de ses plans et on reçoit une offre de 4,5 millions d’euros du Red Bull Salzbourg », continue Wantier. Une réunion est organisée pour décider de l’avenir du joueur, et Printant fait savoir qu’il veut se séparer du joueur pour s’offrir les services d’Olivier Boscagli, pensionnaire du PSV Eindhoven. « Je mets mon veto, je suis suivi par Romeyer, présent autour de la table et j’explique devant tout le monde ne pas vouloir me séparer de Fofana après avoir vendu William Saliba à Arsenal », se souvient Wantier. Convaincant, ce dernier redistribue même toutes les cartes en évoquant l’idée d’une prolongation. Petit tour de table, tout le monde est d’accord, et Fofana prolonge son bail de deux ans en juin 2019. Arrivé en cours de route, Puel accepte évidemment la décision du board. Son aventure avec les Verts prend alors une tout autre dimension.
Guéguerre avec Puel, Premier League, e-sport. In that order
« Dès le premier entraînement(novembre 2019, NDLR), je trouvais déjà qu’il avait des caractéristiques de très haut niveau, atteste Claude Puel. Il possédait des qualités hors normes, il lui restait certaines choses sur lesquelles il fallait travailler. Je pense au jeu avec le ballon, dans la relance, dans ses contrôles et dans ses passes qui étaient au départ un peu approximatives. Il était un peu long dans ses contrôles-enchaînements, dans sa qualité de passe. » Malgré ce petit déficit au niveau technique, Puel prend vite la pleine mesure du talent de Fofana et décide de lui donner énormément de temps de jeu. Aux côtés de Loïc Perrin dans la charnière centrale, Fofana grille la priorité dans la hiérarchie à Harold Moukoudi, William Saliba ou encore Timothée Kolodziejczak, de quoi en faire grimacer certains. « Des joueurs d’expérience dans l’équipe ne voyaient pas ce choix d’un très bon œil. Et ça, principalement parce que Fofana n’était pas encore bien discipliné, que ce soit sur le terrain ou dans la vie de tous les jours, développe Puel. Il lui manquait un peu de professionnalisme par moments, mais nous avons fait un travail avec lui en dehors du terrain pour le responsabiliser et qu’il mette complètement les deux pieds dans ce monde-là. Il y a donc eu une prise de risque, en lui donnant beaucoup de temps de jeu, complètement assumée, mais qui nous a finalement donné raison, puisque l’ASSE a pu rester en première division. » Fofana boucle la saison avec quatorze apparitions dans l’élite française et deux matchs en Coupe de la Ligue, prolonge accessoirement une nouvelle fois son contrat en avril, sous les conseils de Claude Puel, et participe grandement à l’épopée des Verts en Coupe de France, défaits par le Paris Saint-Germain au Stade de France (1-0) en juillet 2020. Wesley met ce soir-là Mauro Icardi et Ángel Di María dans sa poche, et se fait enfin un nom.
Quelques années plus tard, il le sait, il y a eu un avant et un après-finale de Coupe de France : « Avant ce match, s’il y avait eu une offre, disons de vingt millions d’euros, je serais parti. Mais après, tout a changé. Le club ne voulait pas me lâcher, sauf contre un beau chèque. Et tout d’un coup, Leicester arrive avec un projet cohérent. J’échange avec Brendan Rodgers et Kolo Touré et je n’ai qu’une envie : partir à Leicester. » Du côté de Claude Puel, ancien qui connaît la maison Leicester, ça ne passe pas : « Comme nous n’avions pas les moyens de recruter, j’avais obtenu de mes dirigeants que l’on garde Wesley. En plus de ça, j’avais réussi à le prolonger quelques mois plus tôt, alors qu’à ce moment-là, cette option n’était pas dans l’air du temps. Il était donc question qu’il reste avec nous un an de plus. C’était acté avec mes dirigeants, répète une dernière fois le tacticien français de 60 ans. Je voulais faire l’équipe autour de lui parce qu’il devenait incontournable. Il donnait une ossature à l’équipe intéressante, mais lui voulait partir, et c’était compréhensible. Il m’est arrivé de faire passer le même message à d’anciens internationaux. Il faut parfois confirmer avant de prendre le train. »
Problème, Fofana ne voulait absolument pas le rater, ce train, et a bien pris soin de le faire savoir. Très souvent, pendant plus d’un mois, le Français prenait la direction du bureau de son entraîneur pour lui demander de le laisser partir. Un forcing insistant auquel Puel n’a jamais cédé. Les négociations n’avancent plus et, désireux de rejoindre le champion d’Angleterre 2016, Wesley décide de foncer tête baissée contre les envies de son coach mi-septembre : « J’ai reçu beaucoup d’offres et je les ai toutes checkées avec mes agents. Ils n’étaient pas d’accord pour que je parte. Mais ma décision est prise, j’accepte une offre : celle de Leicester, lance-t-il dans les colonnes de L’Équipe. Je ne peux pas refuser. D’où je viens, des quartiers nord de Marseille et d’une famille pas aisée, ce n’est pas possible. Je serais fou de dire non à Leicester. Ce contrat peut changer ma vie. Je dois protéger ma famille en la mettant à l’abri. Les aspects sportif et financier étant réunis, je suis obligé de dire oui. » Claude Puel et la maison verte à dos, Fofana s’engage à l’avant-dernier jour du mercato avec les Foxes pour 35 millions d’euros et devient la meilleure vente de l’histoire de l’ASSE, devant William Saliba. Après les différends, l’entraîneur français enterre la hache de guerre en envoyant un message à son ancien protégé. « Il m’a dit :« Casse tout en Premier League maintenant » » , en rigole aujourd’hui Fofana. Puel clôt le sujet : « Il était encore jeune et venait à peine de boucler une année complète avec des choses bonnes et moins bonnes. Il n’y avait rien de pénalisant de le garder un an, bien au contraire. »
La suite de cette histoire n’est qu’un récital défensif d’un minot, aujourd’hui jeune marié, venu prendre ses aises dans le Royaume de la Reine comme s’il y avait toujours été. 52 apparitions avec les Foxes, un retour de blessure étincelant et un transfert en grande pompe à Chelsea pour un montant monstrueux estimé à 85 millions d’euros (bonus inclus). Beaucoup plus mature, plus que jamais professionnel, le joueur de 21 ans a même intégré la structure e-sport MCES (Mon Club d’Esport). « Pour nous, c’est l’ambassadeur parfait, se réjouit Romain Sombret, fondateur de MCES. Il adhère à 100% à notre vision de ce monde-là. C’est vraiment quelqu’un de rayonnant, de très ouvert qui a pris une journée dans un emploi du temps chargé pour venir nous rencontrer et rejoindre notre équipe. » Fofana n’est pas un grand joueur de jeux vidéo, mais se sert sûrement de son passé pour apporter aux jeunes et moins jeunes ce qu’il lui a manqué. Au-delà du fait que l’entreprise soit basée dans la cité phocéenne, le joueur de Chelsea a surtout été charmé par l’apport et le gain de concentration chez les jeunes grâce à l’e-sport. « Il a un parallèle véritablement concret entre ces deux mondes. Dans l’encadrement, dans le management, puisque tous les joueurs travaillent avec des coachs qui sont systématiquement en contact avec eux. On a souvent dû faire avec des personnes déscolarisées, des jeunes avec des problèmes de santé comme l’obésité, et en retravaillant la vie collective, l’organisation des heures de jeu et la sociabilité, le gamin repart changé, après plusieurs expériences avec nous », explique Romain. La volonté est commune de sensibiliser les jeunes gamers à une pratique saine des jeux vidéo et surtout de lier entraînement, stratégie, esprit de compétition, communication entre les joueurs et professionnalisme, et a sûrement rappelé de beaux souvenirs à Fofana. Même sans ce petit bagage, il a toujours su se démener de situations compliquées, et devrait pouvoir surfer sur ce beau parcours dans les rangs de Chelsea, avec qui il découvrira la Ligue des champions cette saison. « Le connaissant, il n’aura aucun problème à s’imposer et deviendra très vite incontournable avec son nouveau maillot bleu », songe Claude Puel. La question est désormais de savoir de quel maillot il s’agit. Pourquoi pas celui brodé d’un coq ?
Par Matthieu Darbas
Tous propos recueillis par MD sauf ceux de Fofana par Oh My Goal, L'Équipe et conférences de presse.