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Vardy, l’autre face de l’Angleterre

Par Maxime Brigand
Vardy, l’autre face de l’Angleterre

Quatorze buts en quatorze matchs, un record qui tombe, Jamie Vardy est l'intrigue de la saison anglaise. Plus que ses performances, l'attaquant international de Leicester est avant tout un symbole : celui de l'Angleterre qui galère, rejetée des arcanes d'un football dopé aux millions. Analyse d'un phénomène.

C’est la fracture d’une époque. Le football a changé. Il est devenu global, commercial et par moment formaté jusque dans ses fondations. La mise en place de la Premier League en 1992 avait cette arrière-pensée. Il fallait organiser, sécuriser, soigner le football d’un pays miné par ses dérives. Progressivement, venir au stade est devenu une question de sacrifices. Le club est devenu dans le même temps une entreprise avec ses antichambres que sont les centres de formation et les joueurs se sont transformés en produits. Reste l’essence qui fabrique l’histoire, la passion, la raison. Depuis plusieurs semaines, Jamie Vardy est devenu l’incarnation à taille humaine de l’autre football anglais.

Le temps des soucis

Son destin est humain, on s’y attache et il interroge. Pour la première fois depuis longtemps, un gosse à écharpe colorée, assis dans les tribunes de son stade favori, prend pour modèle un homme normal. Quelqu’un dont le destin a pété à la gueule du Royaume en quelques mois. Celui d’un homme de 28 ans, dégagé de l’académie de Sheffield Wednesday à l’âge de 16 ans, employé à la chaîne d’une fabrique d’attelles à vingt et qui est aujourd’hui le meilleur buteur du championnat. Jamie Vardy n’a rien de comparable à la trajectoire connue l’an passé par Harry Kane. Car lui n’est plus une révélation, c’est un nom, inscrit depuis ce week-end dans l’histoire de la Premier League pour être devenu le premier joueur à inscrire onze buts lors de onze rencontres consécutives en championnat.

Il était né il y a 14 mois, un soir de septembre 2014. Leicester venait de mettre à terre le grand Manchester United (5-3) dans un match qui servira de détonateur de confiance pour les Foxes. Jamie Vardy, lui, avait inscrit ce jour-là son premier but en Premier League. Il en inscrira quatre autres au cours de sa première saison dans l’élite. Aujourd’hui, après quatorze journées de championnat, Vardy en a déjà inscrit quatorze et porte son club à la tête du championnat. Reste que l’attaquant de Leicester est avant tout un style, affiné par l’arrivée de Ranieri et accompagné sur le terrain d’un physique d’allumette au cœur des défenses réputées comme les plus rugueuses d’Europe. Un profil complet qui explose et apporte un vent frais au formatage croissant de la Premier League. Vardy raconte une histoire de la nouvelle Angleterre. Leicester aussi, avec un football dopé par la connaissance d’un entraîneur non britannique dont la dimension tactique fait la différence dans un championnat où celle-ci est le plus souvent absente.

Le temps du modèle

Ce que raconte également l’émergence de Jamie Vardy est l’histoire de ces nouveaux profils. On pense à Charlie Austin, Troy Deeney ou encore Rickie Lambert. Eux non plus n’ont pas connu les académies nationales, mais se sont déchirés dans la très exigeante non-league. L’un a connu la prison, l’autre était maçon, alors que le dernier vendait des betteraves. Ces trajectoires en disent long sur le fonctionnement des académies de football britanniques devenues progressivement globalisées. On retrouve alors certains oubliés dans les tours de FA Cup et on les repêche. Là, le spectacle ne compte plus. On parle de combat, de galère, de destins. Depuis quelques années, la Premier League en voit débarquer tous les ans, avec pour ambassadeur initial l’ancien international Ian Wright, récupéré dans les années 90 sur les terrains amateurs.

Jamie Vardy appelle ces joueurs « les délaissés du système » ou « les oubliés » . Vendredi dernier, veille de record, le buteur de Leicester avait alors annoncé le lancement de son académie V9 destinée à repérer, par périodes dans l’année, des footballeurs amateurs dont le système de détection national aurait perdu la trace. « Je sais qu’il y a beaucoup de joueurs qui sont dans la position que j’ai connue. Ils ont simplement besoin d’une chance, d’une opportunité » , expliquait la semaine dernière Vardy. Histoire que le symbole qu’il véhicule puisse servir d’exemple. La première détection devrait avoir lieu l’été prochain, alors que Jamie Vardy, lui, devrait être en France pour disputer le championnat d’Europe avec l’Angleterre. Samedi, le King Power Stadium le demandait à coups de « England number 9 » sous les yeux de Roy Hodgson. Une histoire de destin, encore.

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