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Union, la fin des illusions

Par Julien Duez
Union, la fin des illusions

Pour sa toute première apparition en Bundesliga ce dimanche, l’Union Berlin reçoit chez elle le RB Leipzig. Un clash au niveau sportif, mais aussi du point de vue du modèle défendu par les deux équipes. D’un côté, la performance érigée en piédestal. De l’autre, l’envie de rester connecté à sa base : populaire, fidèle et critique. Qu’importe le prix. Mais si l’objectif est de s’imposer au sein de l’élite allemande, des concessions devront être faites. Et sans surprise, la mutation est déjà en cours chez les Eisernen.

La saison n’a même pas encore commencé, que l’Union Berlin est déjà championne d’Allemagne. Pas de football non, mais d’une chose presque aussi importante chez les fans de ballon rond outre-Rhin : le combo pinte de bière-saucisse grillée. Au Stade An der alten Försterei (la Vieille maison forestière, en VF), il coûte 6,50 euros et personne ne fait mieux. En particulier au niveau de la Bratwurst, réputée dans tout le pays.

Malheureusement, ce duo magique ne compte pas pour un vrai titre. Mais il faudra malgré tout s’en contenter, tant les chances de remporter le Meisterschale sont faiblardes pour les Schlosserjungs (les Mécanos) de l’arrondissement de Köpenick. Presque aussi faibles que les pronostics qui les voient se maintenir dans l’élite, au terme de l’exercice à venir.

Prix stables, identité forte

La saison dernière, alors que le club semblait bien parti pour décrocher la première promotion en D1 de son histoire depuis la réunification de l’Allemagne en 1990, des ultras avaient déployé une banderole qui fit alors grand bruit : « Merde ! On va monter… » Beaucoup avaient alors ricané de ce trait d’humour caractéristique du public populaire de l’Union. Mais derrière la vanne se cachait une inquiétude palpable : quid de l’identité du club, en cas d’accession à la Bundesliga ? Car une chose est sûre, on ne joue pas dans l’élite avec des centimes. À moins d’en n’avoir rien à faire, mais ce n’est pas le cas ici. À Köpenick, l’attente de l’expérience de l’élite est grande et va de pair avec l’excitation d’un public qui fait entièrement partie de l’ADN du club.

Évidemment, quelques milliers d’opportunistes ont rejoint le train en marche : en l’espace d’un an, l’Union a enregistré plus de 6000 nouveaux membres. Ce qui porte son total à environ 28 000, aujourd’hui. Encore 8000, et le Hertha Berlin sera relégué au second rang des clubs les plus populaires de la capitale allemande. Pourtant, la direction n’a pas profité de cette vague d’engouement pour faire n’importe quoi. Il faut dire que le président Dirk Zingler a lui-même commencé sa relation avec l’Union, en assistant à des matchs dans la tribune. Et depuis quinze ans qu’il est en poste, il en a vu passer ! Entre menaces de faillite à répétition, engagement bénévole des supporters pour mettre eux-même le stade aux normes ou promotions successives de l’échelon régional jusqu’à l’antichambre… Zingler n’a pas la mémoire courte et l’a prouvé en n’augmentant ni le prix des abonnements, ni celui des tickets. Et lorsque les ultras ont annoncé vouloir boycotter les quinze premières minutes du match contre le RB Leipzig, le président a fini par se ranger de leurs côtés en assurant au passage que le club les soutenait officiellement dans cette démarche.

Le sponsor de la discorde

Ce qui ne veut pas pour autant dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. En Bundesliga, l’Union sera un petit poisson dans une très grosse mare. Et pour ne pas se faire manger tout cru, le budget du club a considérablement augmenté en passant de 47 millions d’euros en D2 à 80 millions aujourd’hui. Parmi les nouveaux pourvoyeurs de fonds, on retrouve un sponsor qui s’affiche désormais sur le traditionnel maillot rouge des Eisernen. Son nom : Aroundtown, une société immobilière basée au Luxembourg et désormais liée au club jusqu’en 2021 (plus un an en option). Sa contribution s’élève à environ 1,5 million par saison.

Le problème, c’est que la société-mère d’Aroundtown, Grand City Properties, qui sponsorisait déjà les catégories U14 et U15 du club, possède plus de 90 000 logements dont 8000 à Berlin (y compris à Köpenick). Et l’année dernière, le loyer de ces logements a augmenté de 5,9% en moyenne selon une étude de la Fondation Rosa Luxemburg. Dans une ville où la gentrification immobilière est devenue telle qu’il devient de plus en plus difficile de se loger quand on a un salaire modeste, le nouveau partenariat fait forcément grincer bon nombre de supporters d’un club qui a toujours revendiqué une image populaire.

Trois onze à disposition

Au niveau du mercato, c’est également l’incertitude. Pendant l’intersaison, le directeur général Oliver Ruhnert n’a pas chômé puisque ce ne sont pas moins de treize recrues qui ont débarqué dans l’Est de Berlin. Ce qui porte à 33, le nombre de joueurs de l’équipe première. Ruhnert avait déclaré vouloir doubler tous les postes, il a désormais de quoi aligner trois XI de départ ! Reste à savoir si le noyau sera finalement un peu amaigri à la clôture du mercato, le 2 septembre prochain. En attendant, l’Union Berlin a rendez-vous avec un nouveau chapitre de son histoire qui s’écrira sur la pelouse de son stade tant aimé. Un stade qui ne bougera pas cette saison, comme l’a promis le Président. Ensuite, ce sont 15 000 places supplémentaires qui seront ajoutées au 22 000 actuelles pour répondre au changement de dimension dans lequel est entré le club.

Et c’est tant mieux : face à Leipzig, l’Alte Försterei sera pleine. Comme pour chaque futur match à domicile, cette année. Et si, comme le prône l’hymne du club chanté par Nina Hagen, on ne « se laisse pas acheter par l’Ouest » , certaines places ont atteint des sommes indécentes au marché noir (2500 euros, pour ne citer qu’un seul exemple). Dès lors, si les ultras du Sektor 2 déploient une banderole sur laquelle on lira « Merde ! On est montés… » , il ne faudra pas s’en étonner. Berlin est une ville qui a, de toute façon, la division dans le sang.

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