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UNFP : Dénoncer les lofts et sortir du confessionnal

Par Nicolas Kssis-Martov

L’UNFP vient de lancer une procédure judiciaire dénonçant certaines pratiques malheureusement trop courantes de la part des clubs français, dont l’usage des lofts. Cette démarche illustre de manière inattendue la question du rapport entre employeurs et salariés, au-delà même du foot professionnel.

UNFP : Dénoncer les lofts et sortir du confessionnal

Ce mardi 16 janvier, c’est via X et contre X que l’UNFP a porté sa plainte. Une action qui n’a rien de surprenant ni de déplacé de la part d’une organisation défendant les intérêts des salariés. Le syndicat a saisi le procureur de la République de Paris en lui demandant de « bien vouloir engager des poursuites à l’encontre des auteurs et complices […] pour extorsion, tentative d’extorsion et harcèlement moral ». La liste des cas dont elle dispose se révèle assez longue et compte quelques noms prestigieux (Hatem Ben Arfa en fut le plus symptomatique), preuve que le problème ne se résume pas simplement à un conflit entre tel joueur et tel club. Toutefois, en amenant l’affaire devant les tribunaux, l’UNFP interpelle non seulement les instances du ballon rond, mais finalement la République et le pays.

Personne n’y échappe, pas même Mbappé

Cette démarche positionne en effet ce conflit autour d’une thématique qui s’est imposée depuis 20  ans aussi bien dans les prud’hommes que dans la vie quotidienne des Français : le harcèlement moral sur le lieu de travail. L’usage de loft, qui vise à marginaliser un joueur pour le conduire à accepter les exigences de son « patron » (départ, transfert, baisse de rémunération) en constitue l’outil le plus connu et médiatique. Il est si répandu et banalisé que le PSG l’avait même employé envers Kylian Mbappé, afin de prouver le retour de son « autorité » (certes largement mise en doute depuis des années).

Une mesure de mise à l’écart pour obtenir de cette personne qu’elle renouvelle son contrat, quitte le club ou accepte de revoir à la baisse les conditions de son contrat de travail, c’est une pratique d’extorsion et une infraction pénale.

Julia Minkowski

De la sorte, il ne s’agit pas seulement de lancer une énième bataille en priant pour instaurer une jurisprudence, mais bien de recentrer finalement le débat. L’avocate Julia Minkowski, répondant à L’Équipe, confirme cette volonté de nommer les choses avec le juste vocabulaire juridique plutôt que de les laisser flotter dans le flou des anglicismes, qui dissimulent souvent une brutalité illicite sous couvert de « management ». Selon elle, « une mesure de mise à l’écart pour obtenir de cette personne qu’elle renouvelle son contrat, quitte le club ou accepte de revoir à la baisse les conditions de son contrat de travail, c’est une pratique d’extorsion et une infraction pénale. » Point.

Plus qu’une jurisprudence

Peut-on réintroduire un peu de droit et de droit du travail, voire de droit national, dans les rapports sociaux si singuliers et violents au sein du petit monde du ballon rond ? Vaste ambition au regard de ce qui se passe dans les autres secteurs économiques, comme le BTP notamment, celui qui construit les stades. Dans ce cadre, l’UNFP se doute qu’il part de loin. La constitution balbutiante de la profession de footballeur professionnel accouche aujourd’hui d’un environnement complexe, excessif et atypique. La corporation a depuis dû s’aligner sur un marché du travail européen, voire mondial, où les règles de l’UEFA ou de la FIFA l’emportaient sur la souveraineté des États. La course folle de l’économie du football, qui a contribué à la flambée des salaires, a aussi contribué à réduire de plus en plus les joueurs à la merci de leurs employeurs. Pour faire entendre la légitimité de sa requête, l’UNFP devra aussi surmonter le statut et l’image de « privilégiés » des footballeurs pros. Des hommes qui touchent un salaire moyen net mensuel de 78 000 euros en Ligue 1, 52 000 hors PSG, quand le revenu médian annuel des Français tourne autour de 23 000 euros.

David Terrier, vice-président de l’UNFP, semble découvrir un peu tardivement, dans son entretien accordé à L’Équipe, ce paradoxe du capitalisme sportif des années 2000 : « Les joueurs sont devenus des actifs financiers. Nous, nous souhaitons qu’ils soient traités comme des salariés. » La bataille ne se déroulera donc pas simplement dans le prétoire. Elle vise à poser des jalons pour l’avenir, alors même que le foot pro s’apprête à connaître de nouvelles et profondes mutations. L’UNFP redoute sûrement un durcissement des relations entre les joueurs et un affaiblissement de leur capacité à résister, hormis donc des personnalités hors normes comme Mbappé. Ce procès ne sera pas anodin, mais sûrement symbolique quant à la façon dont les conditions de travail sont considérées et prises en compte dans notre pays.

Par Nicolas Kssis-Martov

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