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Unai Emery vu du banc adverse

Propos recueillis par Mathieu Rollinger
Unai Emery vu du banc adverse

Samedi, le Basque a passé sa dernière soirée sur le banc parisien. Et au moment de quitter la Ligue 1, Unai Emery restera aux yeux de ses homologues français comme un personnage intègre, disponible et bosseur, même si la plupart déplore qu’il n’ait pas réussi imposer son projet de jeu.

Casting :

Christian Gourcuff (Rennais), déplorant un bilan de 9 buts à 0 contre le PSG d’Emery en trois rencontres. Philippe Hinschberger (Metz), déplorant un bilan de 15 buts à 3 contre le PSG d’Emery en quatre rencontres.Stéphane Masala (Les Herbiers), défait 2-0 par le PSG d’Emery en finale de Coupe de France 2018.Stéphane Moulin (Angers), déplorant un bilan de 12 buts à 1 contre le PSG d’Emery en cinq rencontres.

Unai et moi

PH : Emery est quelqu’un de très convivial et sympathique. Chaque fois, avant les matchs, il me félicitait pour mon travail. Je ne sais pas trop ce qu’il voulait dire par là, mais on a connu des entraîneurs bien moins chaleureux et qui n’ont pas son palmarès. On sent qu’il respecte vraiment les coachs des plus petits clubs.

SMo : La seule fois où j’ai pu échanger avec lui, c’était avant la finale de la Coupe de France 2017, lorsqu’on a été réunis par les arbitres. Sinon, c’est quelqu’un que je connais peu. Mais s’il paraît assez accessible, ça se résume à une poignée de main, un mot. Mais c’est pas de sa faute, c’est le système qui est comme ça.

SMa : Une finale de coupe, c’est un contexte forcément original.

Même si on n’est pas de la même catégorie d’entraîneur, lui avait beaucoup plus à perdre que moi. Lui avait une finale à gagner contre une petite équipe.

Je l’ai vu dans le vestiaire des arbitres pour un briefing. Et j’ai eu affaire à quelqu’un de très disponible et avec beaucoup d’humilité. Il m’a demandé si j’avais des besoins en particulier ou des questions auxquelles il pouvait répondre. Un grand professionnel. Même si on n’est pas de la même catégorie d’entraîneur, lui avait beaucoup plus à perdre que moi. Il avait une finale à gagner contre une petite équipe : la pression était de son côté parce que perdre contre nous aurait été ridicule. Mais malgré ça, il a été très avenant. Au moment de se serrer la main avant le match, il m’a félicité pour le parcours et d’être arrivé là. Moi, je ne lui ai pas dit « bon match » , parce qu’il n’avait pas besoin de ça pour le faire. Pendant le match, j’étais concentré sur mon équipe et je n’ai pas pu regarder sa manière de vivre le match.

L’agitateur

PH : La première fois que je l’ai croisé, c’était en août 2016, pour son premier match au Parc des Princes (victoire 3-0 pour le PSG, N.D.L.R.). Il m’avait surpris par son agitation sur le bord du terrain. Il parlait énormément, était beaucoup après ses joueurs. Les mois passant, il le faisait moins, mais au début, il était vachement interventionniste.

CG : Dans la compétition, chacun a son tempérament. Certains sont plus excités que d’autres au bord du terrain. Lui est du genre extraverti. Au début, cela plaît au public, aux joueurs aussi. Mais souvent dans un deuxième temps, ça énerve. Je pense qu’il vaut mieux ne pas faire de théâtre. Quand on a fait le travail dans la semaine, on n’a pas besoin de haranguer ses joueurs de la sorte pendant le match. Moi, je préfère l’attitude de Wenger par exemple, parce que mon tempérament est plus proche de celui-là. Après, Emery n’a jamais été agressif par rapport au banc adverse, comme la plupart des entraîneurs étrangers qui ont de l’expérience. D’ailleurs, c’était le point fort de Carlo Ancelotti. Même si c’est de la compétition, cela reste humain.

La patte Emery

SMa : Sous Emery, on a vu un PSG très vertical avec des latéraux très hauts dans le couloir. Avec cette volonté de faire mal très vite à son adversaire. Le milieu de terrain est peut-être un des meilleurs d’Europe pour tenir le ballon, mais même cette année, je trouve qu’ils avaient cette volonté d’aller plus vite vers l’avant que les saisons précédentes.

PH : Pour moi, le vrai apport d’Unai Emery, ce sont ses transitions défensives.

En Ligue 1, après une récupération, l’adversaire faisait rarement plus de deux passes. À Saint-Symphorien, on a fait 47 passes en première mi-temps : une passe par minute !

C’est la vraie marque du Paris Saint-Germain 2016-2018. Barcelone le faisait très bien il y a quatre ou cinq ans. Quand je parle de transition défensive, c’est la faculté à récupérer le ballon dès sa perte. En Ligue 1, après une récupération, l’adversaire faisait rarement plus de deux passes. Lors du match retour en 2017 à Saint-Symphorien, on perd à la dernière minute sur un but de Matuidi (2-3), on a fait 47 passes en première mi-temps. Je ne sais pas si vous imaginez : une passe par minute !

SMo : Ce qui le distingue de ses prédécesseurs, c’est surtout à travers l’apport de deux joueurs d’exception dans l’équipe. Neymar et Mbappé ont modifié l’impact offensif du PSG. Sinon, le système de jeu et la manière de faire sont assez semblables à ce que Paris proposait ces dernières années.

PH : Quand il est arrivé, je pense qu’il a voulu changer cette ultra-possession qui était en vigueur sous Laurent Blanc, en adoptant un jeu plus direct. Avec l’obsession de trouver le joueur lancé dans les 30 derniers mètres, que ça soit les latéraux qui arrivent lancés, les mecs qui prennent la profondeur, etc. Mais au fil des mois, il a adapté son style de jeu aux joueurs qu’il avait et à leurs habitudes.

CG : Je pense qu’il y avait un travail à l’entraînement qui se retrouvait dans le match. Surtout au début, quand on observait l’organisation et le pressing du PSG. Toujours cette maîtrise. Il y avait la même possession que sous Laurent Blanc, auquel on a adjoint un jeu plus de dynamisme, de rythme et d’intensité. Après, je pense que ça s’est dilué. Ils ont une telle domination technique dans le championnat de France… Je pense que ça a fini par leur nuire quand ils se sont retrouvés face à des adversaires d’une autre envergure.

Emery et son vestiaire

PH : Si on parle de quelconque ingérence de la direction, je pense que globalement, les dirigeants s’en foutent du style de jeu. Eux attendent des résultats et des titres. Le Paris Saint-Germain est largement supérieur à toutes les équipes en Ligue 1. Mais d’après ce que j’ai compris, c’est que dès les premières semaines de compétition, il a eu affaire à son vestiaires, aux tauliers. C’est une équipe qui aime ronronner et placer une accélération dans les 20 ou 30 derniers mètres. Et certaines choses dans le projet d’Emery ne leur ont pas plu.

SMo : On a vu des prémices d’évolution les premières semaines après son arrivée. Emery voulait joueur avec un numéro 10. Mais il est rapidement revenu en 4-3-3, parce que les joueurs ont demandé à revenir à un jeu de possession. Auquel les caractéristiques de Neymar et Mbappé ont permis d’ajouter des attaques plus rapides et plus de verticalité. Mais Emery semble s’être plié à la volonté des joueurs.

PH : Déjà à Metz, quand des joueurs qui ont de la bouteille, comme Jouffre ou Biševac, viennent parler de jeu avec vous, le minimum à faire est de les écouter. Alors quand vous managez des joueurs internationaux comme à Paris, vous êtes obligés de prendre en considération leurs desiderata. C’est compliqué de leur imposer des choses à moins d’avoir des dons en matière de communication.

Le sort injuste du champion

SMo : Changer d’entraîneur quand on est champion, même si cette décision est plus reliée aux résultats en Ligue des champions qu’à ceux dans les compétitions nationales, cela reste étonnant, mais plus rien ne me surprend dans le football. C’est comme ça.

CG : Dans le cas d’Unai Emery, la « règles des trois L » de Jean-François Kahn sur le traitement médiatique et populaire est très à-propos.

Emery a prouvé des choses, mais en deux matchs malheureux, voire seulement quelques minutes d’absence contre Barcelone et le Real, sa légitimité s’est effritée.

C’était « léchage, lâchage et lynchage » . Je pense qu’il est arrivé dans un contexte de défiance. Il a prouvé des choses, mais en deux matchs malheureux, voire seulement quelques minutes d’absence contre Barcelone et le Real, sa légitimité s’est effritée. Quand vous jouez tout sur une compétition à élimination directe, vous êtes tributaire des aléas. Si Neymar n’est pas blessé, si l’équipe est au mieux contre le Real, derrière ils auraient très bien pu gagner la Ligue des champions. Quand je vois la finale, Liverpool-Real, un bon PSG n’aurait pas fait tache. C’est pour ça que les jugements sont très péremptoires.

PH : L’objectif des Qataris n’est pas d’être champion de France, hein. C’est l’objectif minimal et si je ne m’abuse, sur les huit titres possibles, il en a décroché sept, finissant l’an dernier derrière un Monaco qui a fait une saison tellement exceptionnelle. En Ligue des champions, ils se font sortir par le Barça au terme d’un scénario exceptionnel. Donc c’est difficile de parler d’échec. Mais Paris a cette obligation d’avancer.

CG : Sur la fin de saison, il y a eu un peu d’apaisement, mais Emery ne pouvait pas continuer dans ce contexte-là. Il faut savoir tourner la page. C’était nécessaire pour tout le monde. Un changement d’entraîneur était donc inéluctable. On ne peut pas toujours faire abstraction de tout un contexte et de tout un environnement. Il y avait trop de frustrations.

Et maintenant, place à Tuchel

SMa : Je pense que Paris, chaque année, se rapproche de son objectif en Ligue des champions. Les échecs vont lui permettre d’avancer. On ne gagne pas cette compétition uniquement grâce à une bonne équipe et un bon entraîneur. C’est un ensemble et il faut être patient. Mais si les dirigeants changent d’entraîneur malgré le titre de champion, c’est qu’ils savent ce qu’ils font.

SMo : Si Paris conserve la même ossature et les mêmes joueurs, Thomas Tuchel ne changera rien.

Si Paris conserve la même ossature et les mêmes joueurs, Thomas Tuchel ne changera rien.

Parce que le problème, c’est que les joueurs ont tout de même signifié qu’ils n’avaient pas la même vision des choses que leur entraîneur. Chaque coach, quel que soit son projet de départ, est obligé de de mettre ses joueurs dans les meilleures conditions. C’est ça la réalité. Tuchel essayera certainement d’imposer ses choix : si ça marche, il pourra continuer, si ça marche moins bien, ils reviendront à ce qu’ils connaissent.

CG : Maintenant dire que Tuchel est le bon choix et qu’il ne va pas avoir les mêmes problèmes qu’Emery, ça c’est une autre histoire.

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