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Un Volkan s’est éteint

Par Florian Lefèvre, à Istanbul
Un Volkan s’est éteint

Volkan Demirel, 37 ans, a pris sa retraite il y a un mois après dix-sept ans de fidélité à Fenerbahçe. Sans lui, le derby d’Istanbul perd une partie de son piment. Retour sur une carrière enflammée avant le premier Gala-Fener de la saison.

le 28/09/2019 à 19:00
championnat de Turquie
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Un coup de genou dans les couilles, ça fait mal. Cassio Lincoln en a fait l’expérience un soir de derby d’Istanbul explosif. 27 février 2008 : Galatasaray reçoit Fenerbahçe en quarts de finale retour de la Coupe de Turquie. Il y a eu 0-0 à l’aller, Gala doit l’emporter, mais c’est Fener qui tient sa qualification grâce au but à l’extérieur (1-1). Et puis, tout bascule à la 91e lorsque Shabani Nonda s’arrache sur la droite et centre en retrait vers Ümit Karan. Le tir en force froisse les ficelles, Galatasaray mène 2-1 et va se qualifier pour les demi-finales. Arda Turan enlève son maillot, monte sur un panneau publicitaire et exulte en communion avec le stade Ali-Sami Yen. Dans le camp adverse, le gardien Volkan Demirel bouillonne. Et les parties génitales de Lincoln vont en faire les frais.

Car, après avoir célébré le but de la qualification, le numéro 10 brésilien des Sarı Kırmızılılar (jaune et rouge) a l’outrecuidance de chambrer le portier des Sarı-Lacivertliler (jaune et bleu marine) en repassant dans la surface. Ni une, ni deux, Volkan se retourne, attrape son bras, lui court après. Avant de lui filer un coup de genou dans l’entrejambe. L’action est furtive, mais l’arbitre Cüneyt Cakir a tout vu et sort évidemment le carton rouge. Perdu pour perdu, Volkan se rue sur Lincoln dans l’idée de lui coller une dérouillée. La bête enragée est finalement retenue par deux coéquipiers. Verdict : le gardien écope de quatre matchs de suspension, qui concernent le championnat, non la Coupe d’Europe.

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« Le plus grand supporter de Fenerbahçe »

Or, une semaine plus tard, Fenerbahçe se rend au stade Sánchez Pizjuán en C1. Ce soir-là, Volkan entre en éruption une nouvelle fois. Une bagarre ? Non, une démonstration au bout du suspense de la séance de tirs au but (égalité 5-5 sur l’ensemble des deux matchs). Le dernier rempart turc arrête trois tirs adverses. Et Fenerbahçe se qualifie pour la première fois de son histoire en quarts de finale de la Ligue des champions. En l’espace d’une semaine, Volkan Demirel a prouvé qu’il portait aussi bien son prénom que son nom : Demirel signifiant « main de fer » en turc.

Hasan, 34 ans, travaille dans une sandwicherie (plus galette au poulet que kebab) en face du stade Şükrü Saracoğlu du Fener. Il accepte volontiers de nous parler du gardien qui a raccroché les gants il y a un mois, jusqu’au moment où son patron lui indique la fin de la pause déjeuner. « Volkan est le plus grand supporter de Fenerbahçe » , pose Hasan, qui a la barbe fournie et la coupe brossée dans le style de Volkan. Le supporter se rappelle les festivités du dernier titre de champion de Turquie du Fener, en 2014 : « Ici, la rue était remplie de monde. En haut du bus, Volkan dirigeait les festivités comme une rock star. Il faisait chanter les supporters encore et encore ! » En tout, Volkan aura remporté cinq titres de champion, disputant un total de 525 matchs(1) en dix-sept ans sous les couleurs jaune et bleu marine du Fener.

En novembre 2008, Arsenal se heurte sur son terrain à la muraille Volkan : 0-0.

Successeur de Rüştü

Arrivé dans son club de cœur à l’âge de 20 ans, en provenance de Samsunspor, Volkan doit prendre la succession de Rüştü Reçber – l’un des héros turcs du Mondial 2002 au Japon et en Corée – qui signe au Barça l’été suivant. Sauf que l’aventure barcelonaise de celui-ci vire au fiasco. Le gardien aux peintures de guerre retrouve un temps sa place de titulaire au Fener, puis Volkan s’impose progressivement. La voie est tracée lorsque Rüştü signe au Beşiktaş en 2006. Volkan s’installe alors définitivement dans les cages du Fener. Jusqu’à devenir un capitaine emblématique.

Des coups de sang du dernier rempart de Kadikoy (le quartier branché d’Istanbul associé à Fenerbahçe et situé sur la rive asiatique de la capitale), il y en aura : Volkan qui donne du genou aux testicules de Lincoln, Volkan qui attrape Sabri Sarıoğlu par le cou, Volkan qui arrête un penalty de Felipe Melo et lui monte dessus… À chaque fois, c’est contre Galatasaray. Et souvent, le gardien de Fenerbahçe est décisif. Comme s’il avait besoin de se nourrir de l’atmosphère électrique du derby d’Istanbul ultime pour sortir des grands matchs. Les supporters de Fener l’adorent, les supporters de Gala le détestent.

Tête de Turc à Galatasaray

En novembre 2014, la Turquie reçoit le Kazakhstan dans le cadre des éliminatoires pour l’Euro 2016. Le match se déroule à la Türk Telekom Arena, l’antre de Galatasaray (inaugurée en 2011). Insulté par des supporters derrière le but pendant l’échauffement, Volkan se dirige vers la tribune avec un doigt sur la bouche pour leur intimer tranquillement d’arrêter. En réalité, il est tout sauf calme dans son for intérieur. Quelques secondes plus tard, le gardien enlève, puis balance ses gants sur sa pelouse après avoir signifié à l’entraîneur des gardiens qu’il ne voulait plus jouer ce match. Il ne rejouera plus jamais pour la Turquie. La preuve que, parfois, des insultes peuvent faire encore plus mal qu’un coup de genou dans les couilles.

« Quand on perdait, sa tristesse et sa colère étaient vraiment perceptibles. Il le ressentait dans ses tripes comme un supporter. Bien plus qu’un autre joueur » , note Hasan, le supporter qui prédit une défaite des siens avant le prochain derby chez le rival. Volkan avait juré fidélité au Fenerbahçe en certifiant qu’il terminerait sa carrière dans son club de toujours. Il a tenu parole, puisqu’il a officiellement raccroché les gants cet été après dix-sept saisons consécutives au Fener. Reste cette phrase désormais indélébile : Volkan Demirel n’a jamais perdu un derby à domicile face à Galatasaray.

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(1) d’autres sources brassent large : entre 515 et 541 matchs.

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