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Un Tournoi de France ? Mais pour quoi faire ?
Moins d’un an après la Coupe du monde, les Bleues accueillent de nouveau une compétition internationale : le Tournoi de France. Pour sa première édition, les joueuses de Corinne Diacre affronteront le Brésil, le Canada et les Pays-Bas. Soit trois nations qui participeront aux Jeux olympiques, contrairement à leur hôte. Malgré tout, ce nouveau mini-championnat ne devrait pas manquer d'intérêt.
Pour se tailler une place de choix dans le concert des nations
Dans le monde du football pratiqué par les femmes, les tournois printaniers sont légion et permettent aux sélections nationales de garder la forme au vu de leur calendrier bien plus léger que celui des garçons. L’Algarve Cup, le plus ancien, s’apprête à vivre sa 27e édition. Idem avec la Cyprus Cup, qui va souffler sa treizième bougie. Mais depuis cinq ans, tous les regards sont braqués sur la Shebelieves Cup, organisée aux États-Unis et qui reçoit généralement le gratin du foot féminin mondial.
Mais pour éviter de surcharger les joueuses dont la saison en club est loin d’être terminée, impossible d’élargir les tournois déjà existants. Et c’est là où la France intervient avec son bien nommé Tournoi de France, lequel permettra à trois nations qualifiées pour les Jeux olympiques d’affronter les Bleues le temps d’une semaine. Pour une fois, les locales ne feront pas figure de favorites, l’honneur revenant aux Pays-Bas, finalistes du dernier Mondial et qui survolent actuellement leur groupe de qualification pour l’Euro 2021. Avec le Brésil et le Canada pour compléter le panier de ce mini-championnat, les Bleues s’offrent donc l’occasion de disputer des matchs de haut vol. Idem pour leurs adversaires, qui auront l’opportunité de se jauger en conditions réelles avant les JO cet été.
Pour continuer l’opération séduction
Si l’effet Coupe du monde n’a pas eu lieu en D1 (moins de 1000 spectateurs assistent en moyenne aux six rencontres organisées chaque week-end), force est de constater que l’équipe de France a conquis le cœur d’une partie du public tricolore et pas seulement en matière d’audiences télévisuelles. Depuis le quart de finale perdu face aux États-Unis, les Bleues ont rejoué trois fois à domicile : un amical contre l’Espagne et deux matchs de qualification contre l’Islande et la Serbie, attirant 13 500 spectateurs de moyenne à chaque fois. Surtout, contrairement à leurs homologues masculins, les filles n’ont pas de stade attitré et tournent de ville en ville pour aller à la rencontre de leur public.
Pour le Tournoi de France, c’est dans le Nord qu’elles auront leurs quartiers, puisque les deux stades retenus sont ceux de Calais et de Valenciennes. On est loin du climat ensoleillé qui caractérise les Coupes de l’Algarve et de Chypre, mais au moins, les deux enceintes sont juste assez grandes pour faire le plein, surtout au vu de la politique tarifaire mise en place (cinq euros le billet en moyenne). Dans le cas du Stade de l’Épopée, ce sera également l’occasion de mettre un peu de vie dans les gradins qui sonnent habituellement creux. Quant au choix de Valenciennes, il n’est évidemment en rien dû au hasard : c’est dans la cité nordiste que les supporters néerlandais avaient afflué telle une marée orange lors du dernier Mondial, à l’occasion d’un match épique contre le Cameroun.
Pour tenter de donner raison à Corinne Diacre
Rien à dire sportivement, les Bleues vont bien. Depuis l’échec du Mondial, les quatre matchs qui ont suivi se sont soldés par autant de victoires, agrémentées d’autant de clean-sheets et de quinze buts marqués. Mais sans manquer de respect à l’Islande, la Serbie et le Kazakhstan, battre des nations d’un rang moindre ne suffit pas à juger pleinement du véritable état de forme des Bleues. En revanche, affronter les vice-championnes du monde, un Canada quatrième des derniers JO et un Brésil que les Françaises n’ont réussi à écarter qu’au terme de la prolongation en huitièmes de finale l’été dernier, voilà un test véritable pour voir où en sont les joueuses de Corinne Diacre.
Pour Diacre, cette triple confrontation sera l’occasion de vérifier que ses choix récents ont porté leur fruits. Citons par exemple la titularisation de Sakina Karchaoui au poste de latérale gauche et de Grace Geyoro dans l’entrejeu, le repositionnement d’Amel Majri au milieu de terrain, mais aussi l’éviction de Gaëtane Thiney, qui laisse ouverte plusieurs possibilités dans la conduite du jeu. Verra-t-on par exemple le retour d’une attaque à deux avec Eugénie Le Sommer en soutien de Valérie Gauvin ? Ou bien un replacement en neuf et demi et une titularisation d’office pour Marie-Antoinette Katoto ? Ou encore plusieurs schémas de jeu expérimentaux afin de trouver la formule qui fasse parfaitement mouche ? L’intérêt du Tournoi de France réside donc avant tout dans l’opportunité qu’il offre de voir le potentiel visage de l’EDF de demain. Et c’est déjà pas mal.
Et sinon ?
En tout cas, le Tournoi de France a déjà eu droit à sa première polémique et celle-ci émane de l’Olympique lyonnais. En effet, la direction des Fenottes a interjeté appel auprès de la Fédération pour que le choc face au PSG, prévu le 14 mars (soit quatre jours après la fin du tournoi) et lors duquel se jouera vraisemblablement le titre de D1, soit reporté au dimanche 15. Appel rejeté et ire de Jean-Michel Aulas qui critique un calendrier désavantageux pour son équipe, laquelle sera privée de quelques cadres comme Lucy Bronze et Saki Kumagai, qui disputeront justement la Shebelieves Cup à Dallas, moins de 48 heures plus tôt. Évidemment, le PSG n’avait aucun intérêt à aller dans le sens de son rival, compétition acharnée oblige, mais force est de constater que cette coupure internationale, dont les dates sont pourtant connues à l’avance, relance le débat du calendrier infernal de la D1.
Peut-être faudrait-il d’abord repenser le découpage des 22 journées de championnat, qui brille aujourd’hui par son irrégularité et débouche presque logiquement sur des conséquences fâcheuses comme celle-ci. Car même si les joueuses de D1 retenues par Diacre évoluent toutes dans le top 4, c’est l’ensemble des clubs qui en pâtit. Avec le risque d’augmenter la fracture entre les meilleurs éléments et les autres et, in extenso, dand le football féminin dans son ensemble. Finalement, qu’importe la création de nouvelles compétitions, tant que l’essentiel n’est pas perdu de vue. Et il reste encore pas mal de boulot.
Par Julien Duez