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Un phœnix nommé Rangers

Par Florent Caffery, à Glasgow
Un phœnix nommé Rangers

En renversant Leipzig dans un stade incandescent, les Écossais ont définitivement mis fin au pire chapitre de leur histoire. Dix ans après avoir été relégué en quatrième division pour des soucis financiers, l'autre club de Glasgow s'offre une première finale européenne depuis 2008 et revient véritablement sur la carte du Vieux Continent. Cela ne pouvait passer que par une soirée comme seul Ibrox peut les réserver...

23h07 ce jeudi soir devant Ibrox. Depuis une heure, les Rangers ne rêvent plus d’une finale européenne, ils y sont. Et Joe, sous son costume trois pièces couleur crème, prend un malin plaisir à envoyer un bras d’honneur bien maîtrisé aux joueurs de Leipzig terrés dans leur bus. « We are back », leur gueule le quadra au crâne de bébé, pendant que la garde montée escorte les Allemands. Dix mètres plus loin, Sam, 80 printemps au compteur et autant d’anecdotes planquées dans son imper, éclate de rire. « Il n’a pas bu que de l’eau », se marre l’octogénaire. Lui non plus à vrai dire, mais ce grand-père a les yeux d’un môme de cinq ans lorsqu’il porte son regard sur l’immense façade de l’enceinte en briques rouges. « Ce stade est fait pour les soirées européennes. Ce club est fait pour les soirées européennes. Je suis supporter depuis plus de 70 ans et, même après autant d’années, je peux avoir le poil qui se hérisse. Ce match est entré dans l’histoire. »

Ce stade est fait pour les soirées européennes. Ce club est fait pour les soirées européennes.

C’est justement ce que prédisait Mike, deux heures avant la demi-finale, sur l’Albion Car Park qui jouxte l’antre des Rangers. Entre deux relents de fish and chips, il jure qu’après « tant d’années de galère où tout le monde nous a enterrés, ce soir nous allons prouver à toute l’Europe que les Rangers sont de retour ».

La quatrième division avec 45 000 spectateurs de moyenne

Très peu auraient misé sur une résurrection aussi rapide. Parce qu’à l’été 2012, les Light Blues sont catapultés au quatrième échelon national. Le fisc britannique leur réclame 115 millions d’euros, les dettes totales (166 millions d’euros) sont aussi profondes que l’océan, et le consortium de l’homme d’affaires anglais Charles Green est rejeté. 25 des 30 clubs professionnels expédient la plus grande armoire à trophées du pays (54 titres de champion à l’époque) dans les tréfonds de la League Two, pour un club qui n’avait jamais connu la relégation depuis son arrivée chez les pros en 1890. « Je l’ai encore là », mime Bryan en mettant sa main sur la gorge. Le supporter de 48 ans peine encore à évoquer cette chute libre où « on a cru qu’on allait nous rayer de la carte, qu’on ne parlerais plus que du Celtic. Mais avec le cœur et l’abnégation, un club comme le nôtre ne meurt jamais ».

Dépecés – seulement trois pros restèrent lors de la relégation –, les Rangers sont remontés step by step à la surface. 45 000 supporters de moyenne à domicile en D4, deux accessions de suite avant celle dans l’élite au printemps 2016, une intégration des supporters au capital (5% des parts), un boardde dirigeants réajusté, la machine est relancée. Elle le sera d’autant plus avec Steven Gerrard sur le banc (2018-2021) dont le titre de champion, chipé au Celtic au printemps 2021, est devenu un marqueur indélébile. Mais il manquait « cette aura sur la scène européenne, reprend Bryan. Ce retour au premier plan est une réussite énorme. Mais ailleurs qu’en Écosse, on ne parlait plus vraiment de nous. »

Avec cette relégation, on sait ce qu’ont enduré les gens ici, ils défendent leur club, peu importe les conditions.

« Rien ne nous arrêtera »

Jusqu’à véritablement ces dernières semaines où Dortmund, l’Étoile rouge de Belgrade, Braga et Leipzig se sont heurtés au mur d’Hadrien. Avec l’apothéose pour les Allemands qui se sont pris des décibels dans la tronche à n’en plus finir, où un record mondial de pintes écoulées a dû être battu et où le but de la délivrance dans les dix dernières minutes a provoqué une énième secousse sismique. S’en sont suivies vingt minutes de tour d’honneur avec 50 000 fous furieux sautant au même moment. « Devant une telle foule, prendre un but très rapidement, ça n’aide pas », estimait après coup l’entraîneur allemand Domenico Tedesco, lui aussi désarçonné. Presque autant que Giovanni van Bronckhorst dont le passage de relais avec Steven Gerrard parti à Aston Villa à l’automne dernier s’avérait être le bon. « La dernière fois que j’ai connu ça ici, c’était face à Parme(lors d’un troisième tour préliminaire de C1 en 1999, NDLR). J’ai beau le répéter, mais c’est pour ces moments qu’on fait ce métier. »

Le Simply the best de Tina Turner résonnait encore sous la main stand que le défenseur central Leon Balogun sortait la carte émotion, une de plus : « Avant le match, j’ai échangé par messages avec des supporters. On savait que l’ambiance serait dingue, mais je ne m’attendais pas à ça. Avec cette relégation, on sait ce qu’ont enduré les gens ici, ils défendent leur club peu importe les conditions. Et là, on leur offre une finale européenne. » Ils étaient des milliers à se farcir des déplacements dans les Highlands en quatrième division il y a tout juste dix ans. Ils seront une armée à Séville le 18 mai. « Peu importe qu’on y aille en avion, en train, en voiture, à pied ou à vélo, rien ne nous arrêtera », promet Bryan. Détermination XXL.

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