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Turquie, Grèce : c’est arrivé près de chez vous

Par Nicolas Kssis-Martov

Aux marges méditerranéennes du football européen, la Grèce et la Turquie traversent des crises sans précédents. Il serait pourtant erroné voire dangereux de les réduire aux extravagances de pays de « seconde zone » au sein de l’UEFA.

Turquie, Grèce : c’est arrivé près de chez vous

C’est un vrai coup de tournevis qui a été donné. La totalité des matchs de la Super Ligue en Grèce se dérouleront à huis clos jusqu’en février prochain (cela pourra toucher également les matchs européens cas par cas). Une décision radicale des autorités qui fait suite notamment aux violences envers des policiers lors d’un match de volleyball entre le Panathinaïkos et l’Olympiakos. Il faut se souvenir que la plupart des grands clubs grecs restent des structures omnisports et que les ultras en suivent les diverses sections, jusqu’à craquer des fumis dans les piscines pour les rencontres de water-polo. L’ampleur du problème s’avère donc telle que Kyriákos Mitsotákis, le Premier ministre, a annoncé officiellement la terrible décision, surtout au regard du poids et de l’importance du ballon rond dans le pays (Gerald Darmanin a dû prendre des notes, sait-on jamais ce que l’avenir nous réserve). Si la venue des supporters de l’AEK à Marseille s’était parfaitement déroulée – une grande amitié existe entre les deux tribunes –, il faut se souvenir que le passage de leurs homologues du PAOK Salonique en 2022 avait été nettement plus agité. La situation a également provoqué des remous dans les instances du foot pro. Evángelos « Vangélis » Marinákis, président de l’Olympiakos (et de Nottingham Forest), mais surtout de la Ligue grecque de football a démissionné de cette dernière à la suite d’une motion de censure soumise à son encontre par plusieurs clubs, dont le PAOK, le Panathinaïkos et l’AEK Athènes.

De l’autre côté de la mer Égée, en Turquie, le corps arbitral s’est retrouvé au cœur d’un drame, poussant également le gouvernement à intervenir. Le 11 décembre, lors d’une confrontation entre Rizespor et Ankaragücü, l’arbitre, Halil Umut Meler, a été, après l’égalisation de l’équipe adverse, jeté à terre et frappé alors qu’il s’était mis en boule, par des membres du staff d’Ankaragücü, dont le président Faruk Koca – pourtant récompensé l’an dernier pour son fair-play. Résultat, selon l’hôpital Acibadem d’Ankara, « il a un saignement autour de l’œil gauche et une petite fissure à cet endroit ». Pour se justifier, Faruk Koca, qui a quitté son poste depuis et s’est retrouvé en détention avec deux comparses, a fourni sur Beyaz TV une explication surréaliste. « Mon cerveau est devenu fou, ma vue s’est brouillée, je ne me souviens plus de ce que j’ai fait. » Le scandale a même forcé Recep Tayyip Erdoğan à voler au secours du sport numéro 1 dans la Sublime Porte. « Je condamne l’attaque contre l’arbitre Halil Umut Meler. […] Nous ne permettrons jamais que la violence s’immisce dans le sport turc », a commenté le président de la République. Toutefois, le foot a déjà repris ses droits et reprendra le 19 décembre, laissant dans le désarroi des hommes en noir.

Un problème sans frontière

Beaucoup ont regardé avec condescendance et même un sourire ces événements, qui paraissent fort éloignés de l’Hexagone. Il s’est installé l’idée d’un football à deux, voire trois étages, que la Ligue des champions valide en devenant quasiment une Superligue dès les quarts, voire les huitièmes. Au sommet, les championnats « occidentaux » qui découvrent la dure réalité du « Far East » lors des rencontres européennes, surtout en Ligue Europa ou Conférence. Pourtant, les tensions autour des déplacements de supporters en France, avec encore de nombreuses interdictions pour la prochaine journée de Ligue 1, ou plus largement le contexte autour de l’arbitrage, devraient pousser à s’interroger sur ce qui menace en profondeur le football tel que nous pensions le connaître. Le spectre du huis clos ne plane pas qu’au-dessus du mont Olympe, et sans travail de fond et d’anticipation, il risque de s’imposer de plus en plus comme une solution jugée inévitable.

De la même manière, la désignation généralisée de l’arbitre comme le « méchant de service », renforcé par le fonctionnement chaotique de la VAR dont l’usage accable plus qu’il ne soulage les détenteurs du sifflet, risque, au fur et à mesure, de dériver vers l’inadmissible (le coup de pression subi par Stéphanie Frappart ne constitue sûrement qu’une alerte). Dans ses dernières déclarations, Isco ne dit finalement pas autre chose, lorsqu’il s’agace  qu’« aujourd’hui, on parle trop des arbitres. Nous nous plaignons tous beaucoup. Je n’aime pas la tournure que prend le football, avec des émissions consacrées à parler de l’arbitrage. Le football est trop beau pour qu’on perde du temps à se demander si l’arbitre siffle bien ou mal… Aujourd’hui, avec les caméras et la VAR, les arbitres sont encore plus mis en scène. Ce que nous devons faire, c’est nous consacrer au football. » Un vœu pieux ?

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