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Tuchel : « Je ne cherche pas à réinventer le football »

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Qui n'a jamais rêvé d'entrer dans la boîte noire du football moderne et de maîtriser, enfin, l'art de diriger un club de foot ? Décrypter les histoires des plus grands sans tomber dans des discussions de comptoirs ? Journaliste sportif de formation et directeur de l'agence Soccernomics qui conseille des clubs de foot dans l'amélioration de leurs performances, Ben Lyttleton a publié un livre évènement qui sort en France ce mois-ci : Manager United, la science du leadership par les stratèges du foot. Au travers de ses rencontres avec des entraîneurs, dirigeants, présidents et autres acteurs des plus grands clubs (Barcelone, Liverpool, Ajax, Chelsea, Leipzig...) et sélections (Angleterre, Pays-Bas, France...), l’écrivain anglais nous plonge dans le monde des innovations du football. So Foot publie ici en avant-première quelques bonnes feuilles, avec des vrais morceaux de Thomas Tuchel et Didier Deschamps. Entre autres.

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#1 - Thomas Tuchel - Briser les règles

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Je lui demande alors s’il s’est mis en tête de réinventer le football. « Non, pas du tout. Je ne cherche pas à réinventer le football. Ça voudrait dire que je modifie des choses au nom du changement. Je ne cherche pas à changer quoi que ce soit. Je cherche seulement à progresser. » Il évoque le P.D.G. de Mercedes, Dieter Zetsche, qui comparait le monde de l’entreprise à la remontée d’un escalator à contresens. Si l’on reste immobile sur les marches, on descend. Si l’on marche à une certaine vitesse, on reste au même niveau. Le mieux, c’est donc de courir. « On doit s’adapter, explique Tuchel. Ça n’a rien à voir avec le fait de réinventer. C’est une question d’adaptation continue, un mouvement perpétuel qui permet de trouver des solutions plus vite que les autres. » […]

Au terme de la première saison de Tuchel à la tête de Mayence, elle a terminé à la neuvième place du championnat, la plus haute qu’elle ait atteinte jusqu’ici. L’année d’après, alors que tout le monde les donnait victimes du « syndrome de la deuxième saison » et partis pour la relégation, ils ont remporté leurs sept premiers matchs et atteint la cinquième place, se qualifiant ainsi pour la Ligue Europa. La saison suivante fut plus difficile, et Mayence termina le championnat en treizième position. L’équipe n’est jamais descendue jusqu’à la seizième place (synonyme de relégation si l’équipe qui s’y trouve échoue face à l’équipe classée troisième du championnat de deuxième division). Durant les cinq années de mandat de Tuchel, seuls les quatre meilleurs clubs allemands (Bayern Munich, Borussia Dortmund, Schalke et Bayer Leverkusen) ont engrangé plus de points que son équipe 1.

« Lorsqu’il a voulu qu’ils arrêtent de se tirer le maillot en position de marquage, il les a fait jouer avec des balles de tennis dans les mains »

Selon l’analyse de Tuchel, Mayence a copié-collé la manière dont s’entraînaient les autres équipes et expérimenté différents systèmes de jeu, auxquels les joueurs ont dû constamment s’adapter. Ce qui leur a permis de comprendre intuitivement ce qu’on attendait d’eux. « On a voulu mettre de la fluidité dans notre jeu. Ajoutée aux plans de jeu un peu éculés de nos adversaires, la volonté de mes joueurs d’évoluer à différents postes et selon différents systèmes nous a permis de prendre l’avantage sur ces équipes. » Mayence fut également le lieu d’une rencontre décisive dans la formation de Tuchel, après que le club a approché l’université locale pour analyser les capacités d’endurance et de sprint des joueurs. « J’ai présenté les résultats des sprints à M. Tuchel et à son staff, puis nous avons discuté plusieurs heures des effets bénéfiques qu’un entraînement différentiel pouvait produire en comparaison d’un entraînement technique et tactique, raconte Wolfgang Schöllhorn, chercheur en sciences du sport à l’université Johannes-Gutenberg. Juste après notre rencontre, il a mis en pratique quelques-unes de mes suggestions lors de ses entraînements. » Ainsi, lorsqu’il a voulu apprendre à ses joueurs à lancer des contre-attaques en diagonale sur le but adverse, il les a fait jouer sur un terrain délimité en forme de diamant. Lorsqu’il a voulu qu’ils arrêtent de se tirer le maillot en position de marquage, il les a fait jouer avec des balles de tennis dans les mains. Son truc, c’est de résoudre les problèmes. C’est un querdenken, l’expression allemande qui définit la réflexion hors des sentiers battus.

Dans ce chapitre, nous reviendrons sur d’autres techniques d’apprentissage différentiel. « Ça m’a beaucoup influencé. Ça a complètement modifié mon rôle d’entraîneur, explique Tuchel. Avec ces techniques, on ne se pose plus la question de savoir qui a tort et qui a raison. On ne peut pas se tromper. Mon rôle, ce n’est pas de leur dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Je suis juste responsable des tactiques et de nos principes de jeu, à travers lesquels c’est à eux de trouver leurs propres solutions. » Tuchel est un expert dans l’analyse des oppositions et les conseils donnés aux joueurs pour qu’ils utilisent au mieux l’espace afin de se créer des occasions de tir. « Je peux vous trouver les espaces, mais c’est à vous de trouver les solutions. »

#2 - Geir Jordet - Savoir anticiper

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J’aimerais maintenant vous parler de Geir Jordet. Ce professeur de psychologie norvégien a joué au football dans l’équipe de seconde division du Strommen IF. Sa thèse de doctorat avait pour sujet le rôle de la vision, de la perception et de l’anticipation chez les footballeurs de haut niveau. Autrement dit : les domaines de performance où la psychologie peut avoir un impact direct sur le déroulement d’un match. Il a analysé le jeu des footballeurs de l’Ajax et fait part de ses résultats au staff du club, avant de rejoindre Jongkind au sein de Cruyff Football. Il a accepté de m’initier à l’art de la prise de décision et de me présenter un nouvel outil révolutionnaire destiné à développer cette faculté, ainsi que d’autres types de comportement permettant de réaliser de bonnes performances.

Il décompose les facteurs clés de la prise de décision au football en trois axes que l’on peut également transposer en dehors du terrain. D’abord, la perception visuelle, qu’il décrit comme la capacité à capter et à s’emparer de l’information. Ensuite, l’exploration visuelle, c’est-à-dire la capacité à lire et analyser rapidement le jeu pour y trouver l’information. Enfin, l’anticipation, qui permet de prévoir ce qui va se passer.

Jordet a commencé son travail de recherches en s’équipant d’une caméra chaque fois qu’il allait voir un match, pour filmer un joueur pendant 90 minutes. Un peu comme dans le documentaire Zidane : un portrait du XXIe siècle 1, mais avec Jordan Henderson dans le rôle de la star. Jordet a filmé près de 250 joueurs en plan rapproché et constaté que chacun avait sa propre attitude au moment de recevoir la balle.

Il m’a montré une vidéo d’Andrés Iniesta datant de la finale de la Coupe du monde 2010. Dix secondes avant qu’il inscrive le but de la victoire, on aperçoit Iniesta au milieu du terrain, en train d’analyser le jeu pour y trouver l’information. Il se met dans les meilleures dispositions pour que son regard puisse être en mesure de lire parfaitement ce qui se passe sur le terrain. C’est à ce moment que tout commence : avant de mettre en route son système cognitif, avant de prendre une décision, avant d’activer ses radars et de faire fonctionner ses méninges, il cherche à capter l’information.

Frank Lampard faisait exactement la même chose. Il allait même encore plus loin, à vrai dire. Jordet me montre l’une de ses vidéos. Elle ne dure que 16 secondes. Filmé en octobre 2009 lors d’un match opposant Chelsea à Blackburn, Lampard est en situation d’attaque sur la moitié de terrain adverse. Il regarde derrière lui une première fois à droite, puis une deuxième fois à gauche. Il fait quelques pas, se déplace, puis regarde à nouveau de chaque côté. Il est en train de capter l’information qui lui indique à quel moment il va recevoir la balle. Sept secondes avant de la contrôler, il effectue 10 mouvements de tête pour observer ce qui se passe autour de lui. Puis il lève les yeux, efface un joueur adverse (qu’il a vu arriver) et fait la passe à un coéquipier.

Prise d’informations de Lampard (c. Blackburn/ 2009)

À l’époque où Jordet effectuait ses recherches, Lampard était doté de la plus haute « fréquence visuelle d’exploration » de la Premier League. Un comportement que le chercheur définit ainsi : « Un mouvement du corps et/ou de la tête durant lequel le regard du joueur se détourne temporairement de la balle pour chercher l’information utile à la réalisation d’une action à venir, au moment où il sera en possession du ballon. »

Son enquête s’est intéressée à la fréquence de recherche d’information de 64 joueurs observés au cours de 118 matchs et détaille 1 279 situations de jeu. En moyenne, Lampard effectue 0,62 mouvement de recherche par seconde avant de recevoir la balle. Steven Gerrard le suit de près avec 0,61 mouvement de recherche. Selon Jordet, les joueurs capables d’analyser l’environnement du jeu avant de recevoir le ballon sont ceux qui produisent le plus haut pourcentage de passes réussies. […]

Selon Jordet, le haut niveau d’efficacité visuelle d’un joueur est atteint dès qu’il dépasse une moyenne de 0,50 mouvement de recherche visuelle par seconde. J’ai jeté un œil sur un classement des joueurs qu’il a filmés et j’ai noté que Messi était au-dessus de cette moyenne. Au même niveau que lui, on trouvait Zlatan Ibrahimović, Luka Modrić et Pirlo. La moyenne de Cristiano Ronaldo était inférieure aux autres, mais il y a une raison à cela. Il programme ses temps d’analyse du jeu différemment, et ne détourne son regard de la balle qu’immédiatement après la touche effectuée par l’un de ses coéquipiers. Lorsqu’il voit dans quelle direction avance le ballon, il sait qu’il dispose d’une demi-seconde pour regarder ce qui se passe autour. Dans ce classement, un joueur était largement au-dessus des autres. Sa supériorité en était même sidérante. Xavi Hernández atteignait une moyenne de 0,83 mouvement de recherche visuelle par seconde. Chaque fois qu’il recevait le ballon sans avoir eu le temps d’analyser le jeu et d’enregistrer l’information, il le renvoyait d’où il venait. Sans information, il ne prenait aucun risque.

#3 - Didier Deschamps - À l'écoute, comme les vrais leaders

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Chaque nouveau joueur appelé en équipe de France a droit à une rencontre en tête à tête avec Deschamps. Il lui dit ce qu’il pense de lui, ce qu’il attend de lui, et le briefe sur ce à quoi il doit s’attendre à l’avenir. Une fois que ce joueur aura enfilé le maillot de l’équipe de France, la manière dont il sera perçu par le public changera pour toujours. Son club, ses coéquipiers, ses adversaires, et les médias n’auront plus les mêmes attentes à son égard. Deschamps assure que tous les joueurs disposent d’un exemplaire de son code de conduite dans leurs chambres de Clairefontaine. […]

Le message de Deschamps donne une idée générale de sa définition du talent. Pour lui, ces jeunes joueurs ont du potentiel, pas du talent. « Le talent, ça n’existe pas chez les jeunes joueurs. Le talent, c’est quelque chose qu’on exprime lorsqu’on arrive à un très haut niveau, après un certain temps. On parle alors de solidité, de régularité, de cohérence. C’est ça, le talent. Le talent doit être confirmé. Le talent, c’est la confirmation du potentiel. Le talent, c’est monter jusqu’au top niveau et réussir à s’y maintenir un certain temps. » Les joueurs doivent être capables de bien saisir son message : « Ce que je veux qu’ils comprennent, c’est que le fait d’être appelé à Clairefontaine n’est pas une fin en soi. Ce n’est qu’une première étape. »

À ce stade, Deschamps les regarde prendre leurs marques au sein du collectif. Sur le terrain, mais aussi en dehors. « C’est très intéressant de pouvoir les observer. » Il accorde aux nouvelles recrues une plus grande marge d’erreur, mais il n’accepte aucun manque d’effort, aucun manque de motivation, aucun manque d’enthousiasme.

« Ne jamais faire de promesses »

« Lorsque ça arrive, ils se prennent un avertissement et je regarde comment ils réagissent. C’est comme ça que fonctionne une relation basée sur la confiance, dit-il. Mon rôle d’entraîneur de l’équipe nationale, c’est un contrat moral. Je ne les paye pas, ces gars. Ce sont leurs clubs qui les paient. Voilà pourquoi je parle de contrat moral. Je parle de créer des liens basés sur la confiance. De nos jours, les relations humaines sont aussi importantes que ce qui se passe sur le terrain. Être entraîneur, c’est détecter le talent, savoir comment l’utiliser et dans quel contexte. Il faut mettre la main sur le détail qui fait qu’on se dit : « Voilà le mec qu’il me faut pour faire telle chose à tel moment. » Les choix qu’on fait sont des investissements humains. Il faut y consacrer du temps, pour apprendre à mieux connaître les joueurs. Leurs vies, leurs personnalités, leurs cultures, leurs opinions, leurs itinéraires sont différents. Il faut être capable de se régler sur leur fréquence. La gestion humaine des joueurs est devenue extrêmement importante. » […]

Deschamps est le premier à reconnaître qu’il n’a pas réponse à tout. Dans un club qu’il a entraîné, il a mal choisi les hommes de son socle leader. « Une fois que tu fais cette erreur, ça devient très compliqué » , dit-il. L’un des joueurs de cette équipe, finaliste de la Ligue des champions avec le Monaco de Deschamps, confirme que le socle leader désigné en début de saison n’était pas le bon. Lors de la première saison de Deschamps au sein du club, Monaco a fini quinzième du championnat. « Il faut des couilles pour reconnaître ton erreur et la réparer » , ajoute ce joueur.

Ce n’est pas la seule erreur commise par Deschamps. « Ne jamais faire de promesses » , répond-il lorsque je lui demande de me donner un exemple. « Ce qui est vrai un jour ne l’est pas forcément le lendemain. Et si tu fais des promesses, alors tu te retrouves dans une situation problématique. Il faut que tu reviennes sur tes décisions, que tu te justifies. Personne n’aime se retrouver dans ce genre de situation. Parfois, pour être sympa, tu peux avoir envie de faire une promesse. Et puis à la fin de la journée, tu constates que tu ne peux pas la tenir. Il ne faut jamais s’engager sans certitude, et toujours s’accorder la liberté de ne prendre une décision que lorsqu’on est vraiment prêt. Il faut être très prudent avec ce qu’on annonce et ce qu’on promet. Évidemment, les gens ont le droit de me poser des questions et j’ai le droit de leur dire non. Mais pour moi, il y a une chose très importante : quand je dis que je vais faire quelque chose, tu peux être sûr que je le ferai. En tant que leader, je ne peux avoir qu’une parole. Si tu dis oui à quelque chose, tu le fais. »

#4 - Hans Leitert - Stéréotypes, préjugés, idées reçues : comment s’en débarrasser ?

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Parmi tous les discours d’avant-match que le jeune gardien Ramazan Özcan a pu entendre, celui-ci reste le plus mémorable. « Aborde ce match comme si tu allais baiser comme un dieu pendant 90 minutes ! lui recommande son entraîneur Hans Leitert, spécialisé dans le coaching des portiers. Tu peux faire ce que tu veux, vas-y, laisse-toi aller. Mais garde le contrôle de tes émotions. Ton seul orgasme, ce sera celui du coup sifflet final ! » C’était à Elland Road en 2005, juste avant le début du match de qualification à l’Euro 2006 des U21 opposant l’Autriche à l’Angleterre. Jusqu’ici, les Autrichiens n’avaient jamais gagné en Angleterre. Durant l’échauffement, Leitert avait remarqué la surmotivation de son gardien et tenté de la freiner, de peur qu’il ne soit gagné par une « irrépressible euphorie » pendant la partie. Il l’a donc pris à part pour lui dire deux mots. Et Özcan a livré un match exceptionnel, remporté 2-1 par l’Autriche. Leitert est un homme trop modeste pour prétendre que ses mots ont su faire la différence. Ancien gardien, c’est l’un des meilleurs entraîneurs spécialisés à ce poste. Pendant cinq ans, il a été directeur de l’entraînement des gardiens pour tous les clubs appartenant à Red Bull, à Salzbourg, Leipzig, New York, au Ghana et au Brésil, supervisant 17 coachs responsables de 70 gardiens. Dans le domaine de la détection des talents, il a beaucoup à m’apprendre sur les idées reçues. […]

Leitert intervient régulièrement lors de conférences organisées par la FIFA, notamment pour y livrer sa vision du goal de demain. Il y pose toujours cette question simple : « Qu’est-ce qui permet de détecter le talent d’un gardien ? » Voici les réponses qu’il obtient généralement :

– la taille du gardien
– sa capacité à faire des passes
– son taux d’arrêts
– ses aptitudes techniques à plonger
– sa vision périphérique
– la fiabilité de ses mains sur les centres
– son audace en situation de un-contre-un
– sa rapidité d’apprentissage
– sa capacité à communiquer
– son inébranlable confiance
– sa capacité à oublier les erreurs
– la rapidité de son temps de réaction

C’est l’ensemble de ces points qui constitue le talent d’un gardien. Prises individuellement, ces qualités ne signifient rien. Celle de la taille, par exemple, demeure la bête noire de Leitert. « Parmi ceux qui s’intéressent au football, beaucoup de gens considèrent la taille du gardien comme la seule qualité que l’on puisse mesurer, et donc la seule qui soit valable, explique-t-il. Mais je crois qu’il est déraisonnable de juger un gardien sur une donnée invariable. J’entends toujours : « Il est trop petit, il aura des difficultés sur les centres », mais jamais « Il a des difficultés sur les centres parce qu’il n’a pas suivi d’entraînement spécifique en amont. » Il est idiot de prétendre qu’un gardien de 1,79 m ne sera pas aussi efficace qu’un goal de 1,82 m. À quoi jugez-vous les capacités de votre voiture ? À sa carrosserie ou à ce qu’elle a sous le capot ? »

« On se souvient toujours d’un but encaissé au premier poteau, mais presque jamais de ceux où le gardien est battu au deuxième poteau »

Selon Leitert, il faut savoir s’affranchir des idées reçues, ces préjugés que l’on entretient au sujet des joueurs et de leur talent sans savoir réellement de quoi l’on parle. Notre cerveau remplit les inconnues concernant les autres en se basant sur leur histoire, leur itinéraire, leur environnement culturel et leurs expériences personnelles. Ce qui nous écarte parfois des meilleures décisions à prendre. Leitert a participé à une réunion au cours de laquelle les qualités de deux gardiens ont été analysées. Le premier mesurait 1,92 m. Le second, 1,85 m. Autour de la table, la plupart des gens préféraient le plus grand. Leitert n’était pas d’accord avec eux. Les gardiens ont passé un test : tous les deux dos au mur, bras levés au maximum. Le petit goal avait de plus longs bras et des épaules plus souples. Les sept centimètres de différence entre les deux gardiens étaient réduits à deux. Ils ont ensuite passé un test pour mesurer le plus haut point auquel ils pouvaient capter le ballon. Le petit goal a encore une fois surpassé le grand, de plus de huit centimètres cette fois. […]

Leitert donne un nouvel exemple : « On se souvient toujours d’un but encaissé au premier poteau, mais presque jamais de ceux où le gardien est battu au deuxième poteau. » Selon lui, la plupart des gardiens surprotègent leur premier poteau pour ne pas qu’on leur reproche de l’avoir négligé et d’avoir été battus à cet endroit. Mais un but doit être gardé partout, pas uniquement à un endroit précis. Un gardien dont l’attention n’est pas uniquement focalisée sur son premier poteau prendra peut-être deux buts à cet endroit s’il change sa position de départ. Mais en même temps, il évitera cinq buts au deuxième poteau. « Parfois, on se concentre sur une évidence et on se dit avec certitude qu’on en a parfaitement conscience. Il faut toujours se méfier de ses jugements. Nous devrions tous connaître nos préjugés inconscients. »

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