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  • Les cartons rouges qui ont marqué l'histoire

Top 100 : Cartons rouges de légende (3e) : En tenue de Suárez

Par Arthur Jeanne

Luis Suárez n'est pas gardien de but. Mais il a sans doute réalisé le plus bel arrêt de l'histoire de la Coupe du monde. Ce qui lui a permis de devenir un héros national en Uruguay et le fossoyeur des espoirs du continent africain. Et si la vraie main de Dieu, c'était la sienne ?

#3 - Luis Suárez - 2010

À 3min et 18sec

Uruguay – Ghana (1-1, 4-2 t.a.b.), Coupe du monde, 2 juillet 2010

Peu d’hommes peuvent se targuer d’avoir fait pleurer tout un continent. Luis Suárez en a fait pleurer deux. C’était le 2 juillet 2010. Ce soir-là, l’Uruguay et le Ghana s’affrontent au Soccer City de Johannesburg en quarts de finale de la Coupe du monde. À la toute fin de la deuxième mi-temps de la prolongation, les vuvuzelas bourdonnent, les Blacks Stars poussent, ils acculent la Celeste dans son camp. Flotte dans l’air le sentiment qu’un événement va survenir, que pour la première fois de l’histoire, un pays africain va se qualifier en demi-finales de Coupe du monde. Sur les terres de Nelson Mandela, cela serait un beau symbole. Mais ça, Luis Suárez s’en fout. Après un coup franc ghanéen, Muslera passé à travers a déserté son but. Alors le Pistolero se dit que c’est à lui de sauver la patrie. Devenu gardien de but, il repousse du genou une première frappe d’Appiah, avant de mettre la main pour repousser la deuxième lame envoyée par Adiyiah. Superbe arrêt : « le plus bel arrêt du mondial » , se gargarisera Suárez en personne. Carton rouge. Penalty. On appelle cela une faute utile. C’est d’ailleurs peut-être la plus utile de toutes les fautes de l’histoire du football. Car dans la foulée, Asamoah Gyan frappe sur la barre. Et Suárez qui exulte sur le banc de touche, qui crie « Gol » pour fêter une transversale ! Le vent a tourné, les vuvuzelas se sont tus. La séance de tirs au but offre son quart d’heure de gloire au Loco Abreu qui envoie les siens en demi-finales. Uruguay no mas !

Immédiatement, l’avant-centre du Barça devient l’ennemi public numéro 1 de tout un continent. Et l’idole de son pays. Aux journalistes africains qui parlent de main du diable, le Maestro Tabárez répond que c’est la main « de Dieu et de la Vierge » . Le Cape Times titre « L’Afrique a été volée » . Le chanteur uruguayen Jaime Roos présent à Johannesburg ce soir-là n’est pas d’accord. Suárez n’a volé personne : « Il est normal de faire faute pour éviter un but. La main de Suárez est tout sauf une honte, et elle a été sanctionnée. Ça n’est pas celle de Maradona, pas celle d’Henry. Ceux qui connaissent un peu le football le savent. C’est ça la différence entre vous (les Ghanéens) et nous. Nous avons 120 années d’histoire footballistique derrière nous. » La vérité, c’est qu’absolument tous les Uruguayens (et effectivement l’immense majorité de ceux qui connaissent un peu le foot) pensent que Suárez a fait ce qu’il fallait. C’était but ou penalty. Il a choisi la seconde option et même s’il a été expulsé, il a fait le bon choix. Côté uruguayen, personne ne viendra s’excuser au nom du fair-play ou regretter une attitude antisportive pour satisfaire la FIFA. « Luis a fait un bel arrêt, il nous a sauvés, c’est dommage qu’il ne puisse pas participer à la demi-finale » , dira sobrement Diego Forlán.

D’ailleurs comment les Uruguayens pourraient renier une action qui symbolise tout ce qu’on leur a appris du football et de sa morale ? À la place de Suárez, tous auraient fait la même chose. La preuve ? Jorge Fucile essaie lui aussi d’arrêter le ballon de la main. Mais il est trop court. Grâce à son sacrifice, Suárez devient un héros national parce que son sauvetage est peut-être l’action la plus uruguayenne de l’histoire. Et Luis Suárez, le joueur qui incarne le mieux la mystique Celeste. Confirmation de Celso Otero, entraîneur adjoint de la sélection : « Il porte en lui l’essence de notre football, c’est un ambassadeur de notre manière de jouer. Luis incarne l’amour fou pour le football de la société uruguayenne. »

La société uruguayenne aime tellement le foot que son ancien président, Pepe Mujica, est capable de dire après l’élimination de son pays lors de la Coupe du monde 2014 : « Ceux de la FIFA sont une belle bande de vieux fils de pute. » La raison de cette déclaration, un geste de Luis Suárez encore. Cette fois, El Pistolero a déraillé. Lors d’un match de poule contre l’Italie, il a croqué Giorgio Chiellini. Récidiviste, l’Uruguayen a écopé de neuf matchs de suspension et d’une interdiction de pratiquer des activités liées au football pendant quatre mois. Surtout, il a privé son pays de son meilleur atout pour la suite de la compétition par un geste pas franchement nécessaire. Pourtant, une fois de plus, peu de gens au pays pour le condamner. Surtout pas Mujica donc, qui préfère blâmer la FIFA. Et pas non plus Otero, l’adjoint de Tabárez, qui préfère relativiser : « En quarante ans de football, j’ai vu des blessures extrêmement vilaines causées par des fautes réalisées dans le seul but de blesser l’adversaire, de lui faire mal. Luis n’a jamais causé aucune blessure importante à un rival. » En sauvant la patrie quatre ans plus tôt, Suárez s’était offert un totem d’immunité.

Par Arthur Jeanne

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