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Thierry Henry, bon débat ras des pâquerettes

Par Matthieu Pécot, à Moscou
Thierry Henry, bon débat ras des pâquerettes

La France, ou du moins une partie de la France, vient de découvrir que Thierry Henry était l’un des adjoints de l’équipe de Belgique, boulot qu'il occupe pourtant depuis bientôt deux ans.

Brisons tout de suite le suspense : Thierry Henry n’est ni un traître, ni un lâche, ni un tocard. Il s’agit simplement d’un homme comme plein d’autres, qui a du mal à accepter l’idée de vieillir, et qui a donc trouvé un job idéal, il y a deux ans, quand Roberto Martínez lui a proposé de devenir l’un de ses adjoints. Le boulot de Titi, 40 ans, consiste à être le copain des Diables rouges, surtout des attaquants, de leur apprendre à gagner – car c’est bien connu, tous les joueurs qui ont soulevé une Coupe du monde connaissent l’itinéraire de la gloire par cœur – et de servir de trait d’union entre les joueurs et le staff. En somme, Thierry Henry est un jeune quadra qui a trouvé une opportunité professionnelle tellement adaptée à son profil qu’on en oublierait presque qui il est réellement sur le marché des entraîneurs : pas grand-chose.

Ni un bon à rien, ni un génie

Qu’on s’entende : n’avoir aucune expérience dans la fonction que l’on occupe n’est pas un obstacle à la réussite immédiate, comme l’a par exemple prouvé Zinédine Zidane sur le banc du Real Madrid. Si la Belgique se fait sortir par la France ce soir, cela ne signifiera pas que Thierry Henry est un bon à rien et que l’équipe de France ne ressentira jamais l’envie ou le besoin de l’intégrer à son staff un jour ou l’autre. Cela marche aussi dans l’autre sens : si les Diables rouges corrigent les Bleus à Saint-Pétersbourg, cela ne voudra pas dire que la FFF a fait une immense bêtise en le laissant travailler pour une autre Fédération. Comme à peu près toute la planète, Noël Le Graët, président de la FFF, a été obligé de donner son avis ces derniers jours sur les retrouvailles entre Henry et son pays, avec la gênante impression qu’il devait se justifier de quoi que ce soit : « C’est la vie qui est comme ça, il a toujours joué en Angleterre. Il a peu de présence en France et peu de contacts avec la Fédération.(…)Il a sûrement une carrière d’entraîneur devant lui. » Comme si la légitimité de Henry dans le staff des Bleus était une évidence. Comme si n’importe quel champion du monde 1998 avait aussi gagné un porte-clés lui donnant accès à vie à n’importe quelle fonction au sein de la FFF.

Si les risibles débats se résumant à la question « Thierry Henry sera-t-il un traître s’il lâche un sourire en cas de but de la Belgique ? » ont occupé une part si importante dans l’avant-match de cette demi-finale de Coupe du monde, c’est parce que la France regarde soudainement Thierry Henry comme un homme différent. Il l’est peut-être par ce qu’il a représenté en tant que joueur (meilleur buteur de l’histoire des Bleus et deuxième joueur le plus capé derrière Thuram), mais certainement pas comme entraîneur.

Jusqu’ici, l’ancien Monégasque n’a été qu’un très ponctuel coach des U16 d’Arsenal (2015), expérience qui n’a duré que quelques semaines. Parce qu’il n’a pas voulu abandonner son poste de consultant pour Sky Sports qu’il occupe depuis décembre 2014 et sa retraite de joueur, Henry n’a pas pu attraper le poste de coach des U18 des Gunners, pour lequel Wenger voulait qu’il se concentre à 100%. Alors Henry a trouvé le juste milieu en allant partager son expertise à la télé anglaise – qui lui interdit de parler de football hors de son antenne – et son envie de grandir dans son rôle de technicien.

Bruno Metsu, Raymond Goethals…

Le temps commence à presser. Thierry Henry a 40 ans et est coach adjoint de la Belgique. À 35 ans, Didier Deschamps atteignait déjà une finale de Ligue des champions en tant qu’entraîneur principal de l’AS Monaco. Mais comparons avec ce qui est comparable. À 43 ans, Guy Stéphan remportait l’Euro 2000 dans le costume d’entraîneur adjoint des Bleus. La vérité, c’est que pour l’heure, dans le game des entraîneurs adjoints, Henry n’arrive pas à la cheville du divin chauve, toujours là dix-huit ans plus tard.

On n’a pas le droit de s’outrer de voir Thierry Henry affronter la France, car la décence interdit de le faire. On n’a pas le droit, car on ne s’est sagement pas offusqué en 2002 quand feu Bruno Metsu permettait au Sénégal de battre la France à Séoul. On devine Henry impliqué dans son travail, et le bon sens doit l’amener à être heureux en cas de qualification de la Belgique et triste en cas d’élimination ce soir.

Si la Belgique remporte la Coupe du monde en Russie et qu’une partie du mérite (aussi minime soit-elle) en revient à un Français, tant mieux pour elle. N’oublions pas qu’en 1993, la France a soulevé la seule Ligue des champions de son histoire avec un entraîneur belge sur le banc. Aucun Belge n’a alors eu le culot de reprocher à Raymond Goethaels d’avoir fait rayonner Marseille et le football français. Ni d’avoir dégagé le FC Bruges (0-1 et 3-0) de la compétition lors de cette épopée.

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