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Thibaut Vion : « Perdition, c’est un mot fort »

Propos recueillis par Maxime Brigand
Thibaut Vion : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Perdition, c’est un mot fort<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Arrivé à Niort il y a un an, Thibaut Vion, 24 ans, savoure le bon début de saison des Chamois, cinquièmes de Ligue 2 et en déplacement vendredi soir à Nancy, mais aussi son retour au premier plan après une période de disparition. Entretien avec un ancien champion du monde U20, formé au FC Metz et au FC Porto et qu'on a un jour qualifié de « footballeur en perdition ».

Niort, cinquième de Ligue 2 après quatre journées, c’est quelque chose que tu avais vu arriver ?Sincèrement, lorsque à la fin de la saison dernière, on a perdu beaucoup de joueurs d’expérience et qu’ils ont surtout été remplacés par des joueurs plus jeunes, on s’était dit qu’on avait les moyens de faire une bonne saison, mais non, on ne s’attendait pas à aussi bien démarrer le championnat. Puis, avec la prépa et tout ce qui a été mis en place, on a commencé à davantage croire en nous, parce que même si l’effectif est jeune, il est de qualité.

Après la première journée et votre victoire à Beauvais contre le Red Star (1-2), Patrice Lair expliquait quand même que la route jusqu’au maintien serait longue. C’est aussi le discours qu’il vous a tenu lorsqu’il a repris le groupe fin juin ? Ce qu’on a rapidement compris, c’est qu’il serait très exigeant et que même s’il avait de très jeunes joueurs entre les mains, tout le monde aurait sa chance. L’âge lui importe peu et ne veut rien dire dans le foot. Il nous a fait comprendre qu’en étant exigeants avec nous-mêmes, on pourrait faire une grande saison.

Tu es arrivé au club il y a maintenant un an. C’était quoi Niort, à tes yeux, au départ ?On peut dire que c’était l’inconnu total puisqu’à part regarder le multiplex Ligue 2, Niort, je ne connaissais pas forcément. Mais j’ai bien discuté avec certains joueurs que je connaissais avant de venir, notamment Jérémy Choplin (coéquipier de Vion à Metz lors de la saison 2014-2015 et aujourd’hui à l’AC Ajaccio, N.D.L.R.). Il m’avait bien raconté le fonctionnement du club et c’est comme ça que je suis arrivé, l’été dernier, lors du dernier jour du mercato. C’est exactement ce que j’étais venu chercher : un club en mesure de m’apporter le temps de jeu nécessaire, ce qui n’allait pas être le cas avec le FC Metz en Ligue 1.

On peut dire que c’était l’inconnu total puisqu’à part regarder le multiplex Ligue 2, Niort, je ne connaissais pas forcément…

Tu n’avais pas peur de quitter Metz ?Non, pas du tout, surtout que j’avais déjà quitté le club une première fois, à dix-sept ans, pour rejoindre le FC Porto. Donc partir dans un autre club français, ça a même été plus simple.

Depuis ton départ, le FC Metz est redescendu en Ligue 2. C’est quelque chose qui t’a fait mal ?Honnêtement, j’ai suivi quelques matchs parce que j’ai encore des amis au club. Nous, lors de ma dernière année à Metz, on avait réussi à se maintenir (14e) et j’avais quand même fait une quinzaine de matchs. C’est vrai que j’étais un peu déçu pour mes anciens coéquipiers, mais c’est quelque chose qui arrive dans le foot. Malheureusement, ça arrive encore au FC Metz.

Justement, c’est lors de cette saison 2016-2017 que tu es revenu progressivement dans la lumière et notamment lors d’un Metz-Lorient (3-3), le 26 novembre 2016, où tu entres à un quart d’heure de la fin et inscrit un doublé décisif. Qu’est-ce que tu te dis ce soir-là ? Que tout recommence pour de bon ?Oui, surtout que je sortais d’une saison compliquée, en Belgique, dans un club satellite du FC Metz (le RFC Seraing, N.D.L.R.). J’étais revenu à la reprise lors de l’été 2016 en méforme, ça faisait quelque temps que je ne m’étais pas préparé comme ça pour une nouvelle saison. À la base, l’objectif du club était sûrement de me prêter, mais comme je n’étais pas en forme physiquement, ce n’était pas possible… Du coup, je suis resté et on a décidé de me remettre sur pied avec le préparateur physique du club, Hugo Cabouret. Puis, il y a eu des blessés, ce qui a fait que le match avant Lorient, à Toulouse, j’avais été emmené dans le groupe et fait une bonne entrée. Et voilà, il y a eu ce match, où j’entre alors qu’on est menés 3-1, où je marque deux buts en l’espace de trois minutes… Forcément, c’est que du bonheur.

Bizarrement, c’est une autre impression qui reste de cette soirée. Après la rencontre, Philippe Hinschberger vient expliquer en conférence de presse que tu étais « en perdition pour le football » . Quand tu l’entends dire ça, comment tu réagis ? Sur le coup, ça me fait un peu rire. Perdition, c’est un mot fort, et je pense que beaucoup de joueurs ont connu ce que j’ai connu : une saison compliquée, une méforme à une reprise… C’est quelque chose qui m’a surtout motivé pour la suite et je pense avoir contribué, à ma manière, au maintien de Metz en Ligue 1. Honnêtement, si à la reprise, on m’avait dit que je marquerais un doublé contre Lorient en Ligue 1 et que le club se maintiendrait en fin de saison, je ne pense pas que j’y aurais cru.


Parce que t’avais quand même dix kilos en trop, c’est ça ?Oui, c’est ça.

Certains racontent que lors de ton année en Belgique, tu n’étais même plus vraiment un joueur de foot. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?Il faut savoir qu’au départ, je ne voulais pas être prêté. Avec mon agent de l’époque, on avait d’autres pistes, mais le président du FC Metz, Bernard Serin, m’a clairement dit que c’était soit là-bas, soit en réserve toute l’année. Forcément, après réflexion, je me suis dit que j’avais plus à gagner en allant faire une bonne saison en prêt. Sauf qu’en un an, on a changé quatre fois d’entraîneur et le dernier m’a fait comprendre qu’il ne comptait pas du tout sur moi. J’ai commencé à m’entraîner à l’écart du groupe, sauf que j’appartenais au FC Metz, que j’étais dans un club satellite, donc Metz était quand même censé gérer un peu mon cas… Je ne dis pas que tout est de leur faute, j’ai aussi ma part de responsabilité, mais la situation s’est rapidement compliquée. Je voulais rentrer à Metz, c’était impossible parce qu’on n’était pas en période de mercato, donc de février jusqu’à la fin de la saison, je suis resté dans mon coin. Sauf que si tu ne t’entraînes pas et que tu n’es plus dedans dans ta tête, ton corps en souffre rapidement…

Beaucoup de joueurs ont connu ce que j’ai connu : une saison compliquée, une méforme à une reprise… C’est quelque chose qui m’a surtout motivé pour la suite et je pense avoir contribué, à ma manière, au maintien de Metz en Ligue 1.

Tu fais quoi de tes journées à ce moment-là ? Bah, on fait comme on peut, hein… Surtout qu’à cette période, j’avais un peu les nerfs, donc je n’étais pas dans l’optique de me prendre en main. Avec du recul, c’est ce que j’aurais dû faire, mais quand on est jeune, on ne pense pas forcément aux conséquences… J’ai payé, voilà, mais je suis revenu.

Sans avoir envie à un moment donné de tout abandonner ?Non, parce que je savais que j’avais encore un contrat longue durée avec le FC Metz. C’était impossible d’abandonner et je savais qu’à un moment donné, j’allais renverser la situation : il fallait juste que je trouve la motivation.

Quand tu reviens au club à l’été 2016, que le staff travaille avec toi pour te remettre en forme, comment ça se passe concrètement ?J’ai d’abord eu une discussion avec le préparateur physique qui m’a clairement dit que ce qu’il faisait, c’était pour moi et que ce serait 80% moi, 20% lui. Il était prêt à m’aider, mais que tout dépendrait de moi. Au bout du compte, ça a marché et j’ai toujours été reconnaissant de ce qu’il a fait pour moi. On faisait trois séances d’entraînement par jour : une première le matin, où l’objectif était clairement de me faire perdre du poids ; une seconde avec la réserve à 10h ; et l’après-midi, c’était muscu et CrossFit. Un joueur professionnel doit toujours s’entraîner avec le groupe pro, mais on s’était mis d’accord avec le club sur le fait que tant que je n’aurais pas perdu de poids, l’entraînement, c’était avec la réserve. Dès que le jour où j’ai perdu le poids qu’il fallait est arrivé, Philippe Hinschberger m’a réintégré dans le groupe.

Après le match contre Lorient, Hinschberger dit : « C’était un espoir si j’ai bien compris… » Comme s’il ne te connaissait pas du tout… Mais c’est vrai ! Il ne me connaissait pas parce que lorsqu’il est arrivé à Metz, j’étais en Belgique et on ne lui avait peut-être pas parlé de moi, vu que le club ne comptait pas forcément sur moi. Quand je suis revenu, qu’il m’a vu en surpoids, il s’est sûrement demandé sur qui il était tombé.

Pourtant, dans la ville, tout le monde te connaissait : tu as toujours eu l’étiquette de l’espoir du club, champion du monde U20, passé par Porto…Oui, tout le monde me connaissait, mais pas forcément positivement parce que les gens ont gardé en travers de la gorge le fait que je n’ai pas signé mon premier contrat pro avec le FC Metz. Après, j’ai toujours dit que si c’était à refaire, je ferai pareil, car même si tout ne s’est pas exactement passé comme je l’aurais voulu au Portugal, j’ai quand même énormément appris et je me suis entraîné avec des joueurs qui ont un talent hors norme. Dans de telles conditions, tu es obligé d’apprendre et de grandir.

À Porto, la première année, en U19, j’ai eu la chance de faire une bonne saison et quelques blessures dans l’équipe première m’ont permis de faire cinq ou six bancs avec l’équipe première. Tu as dix-sept ans, tu es sur le banc du FC Porto, je sais que ce n’est pas donné à tout le monde.

En revenant en 2014, tu avais à cœur de prouver que tu étais au-dessus de ça ?Bien sûr, parce que ce que les gens ne savent pas non plus, c’est que quand je suis revenu à Metz, j’avais d’autres possibilités. J’ai entendu dire que je revenais là où tout a commencé parce que j’étais perdu. Mais ce n’est pas du tout ça parce qu’en arrivant à Porto, j’avais signé un contrat de cinq ans. Là, ça faisait trois ans et les deux dernières années étaient en option : Porto m’a proposé de rester et de me prêter dans un club portugais dans la foulée. C’est à ce moment que j’ai eu l’opportunité de retourner à Metz. Ce n’était pas un choix par défaut.

Qu’est-ce que tu gardes de ces années au Portugal ?De l’expérience, mais aussi beaucoup de bonheur. La première année, en U19, j’ai eu la chance de faire une bonne saison et quelques blessures dans l’équipe première m’ont permis de faire cinq ou six bancs avec l’équipe première. Être sur le banc du FC Porto à dix-sept ans, ce n’est pas donné à tout le monde.

Tu as regardé la Coupe du monde cet été. Quand tu vois Florian Thauvin, Paul Pogba, Samuel Umtiti et Alphonse Areola, des mecs avec qui tu as gagné un Mondial U20, devenir champions du monde, tu te dis que tu aurais pu être avec eux ? C’est des mecs qui étaient déjà au-dessus à l’époque, bien au-dessus. Je ne suis pas étonné de leur réussite et je n’ai aucun regret, même si moi aussi, j’aurais aimé vivre des moments comme ça… Après la Coupe du monde U20, on était restés en contact pas mal de temps avec plusieurs joueurs, mais après, les années passent et chacun fait sa route, c’est normal.

Qu’est-ce qui fait la différence entre Florian Thauvin et Thibaut Vion par exemple ? Le talent seulement, ou aussi les choix de carrière ?C’est multiple : les choix, le talent… Il y a tellement de choses qui entrent en compte en fait, mais à la base, c’est le talent, c’est sûr. Puis, c’est aussi faire les bons choix au bon moment, évidemment. Aller à Porto aussi tôt, ce n’était pas un mauvais choix de carrière, mais peut-être que ce n’était pas le bon moment.

Vendredi, Niort va à Nancy, qui est dernier de Ligue 2, n’a pas gagné la moindre rencontre et n’a pas réussi à marquer le moindre but en quatre rencontres. Comment on aborde ces matchs-là quand on est l’équipe surprise du début de saison ?Comme n’importe quel match : avec le plus grand sérieux. Jouer le dernier du championnat, qui n’a pas encore réussi à marquer, on pourrait se dire qu’on va gagner facilement, mais non, impossible, surtout que Nancy est une bonne équipe et a surtout eu un calendrier très difficile jusqu’ici. Les trois points ne viendront qu’avec le sérieux.

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