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Théo Raymond : « J’ai l’impression de ne voir que des forêts ici »

Propos recueillis par Rodolphe Ryo
Théo Raymond : « J’ai l’impression de ne voir que des forêts ici »


Si les voyages forment vraiment la jeunesse, alors Théo Raymond ne manque pas d'expérience. À seulement 23 ans, ce milieu offensif passé par le centre de formation du Téfécé a déjà connu la Suisse, Singapour, l'île de La Réunion ou encore le sultanat d'Oman. Et il vient d'ajouter une ligne de plus à son CV en rejoignant en avril dernier le FC Jazz Pori, pensionnaire de la seconde division finlandaise.





Commençons par tes débuts, tu as été formé à Toulouse, c’est ça ?

Exactement. Je suis arrivé au centre de formation du Téfécé à 12 ans et demi. J’y ai fait toutes mes gammes jusqu’à mes 18 ans et j’ai joué en CFA et en CFA2.





Qu’est-ce qui t’a manqué pour passer professionnel ?



Passer pro, c’est à la fois une question de chance et de talent. Il faut être lucide. Je n’étais probablement pas le meilleur élément du centre de formation, et Toulouse ne voyait pas en moi un futur représentant du club. Mais à côté de ça, je n’ai pas non plus été épargné par les blessures. J’ai quasiment raté une année à cause de pépins physiques. C’est simple, dès que je revenais, je rechutais. Et quand tu es jeune et que tu passes ton temps à l’infirmerie, c’est forcément difficile de percer.



Tu as ensuite pris la direction de l’île de La Réunion. Pourquoi ce choix ?



C’est Alain Casanova qui en a eu l’idée. C’était le coach de l’équipe première et j’avais de très bonnes relations avec lui. Je le connais depuis toujours. Il m’a annoncé avant tout le monde la décision du club de ne pas me faire passer pro. Il m’a également dit qu’il avait des contacts à La Réunion et que c’était possible pour moi de signer là-bas. Ça tombait bien, le club de Saint-Joseph était intéressé. Tout s’est réglé en deux semaines. J’ai cassé mon contrat aspirant avec Toulouse et j’ai signé un contrat club avec Saint-Joseph.



Tu ne t’es pas dit que c’était risqué pour ta carrière de quitter la France métropolitaine si jeune ?



Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête, mais je suis comme ça, je fonctionne à l’instinct. Bien sûr, je m’étais renseigné sur le championnat et sur le club avant de donner ma décision. Je savais que ce n’était pas un championnat médiatisé en France, mais qu’il était très suivi par les médias locaux et que ce serait possible de me montrer. Je l’ai pris comme une superbe opportunité et un bon challenge à relever. Je me suis aussi dit qu’il y avait pire que d’être footballeur à La Réunion. Et puis je voulais simplement retrouver le plaisir de jouer au foot.





Comment as-tu vécu cette première expérience hors de la métropole ?



Plutôt bien sur un plan sportif. C’est un championnat assez physique, mais je n’ai pas du tout été emmerdé par les blessures. J’étais titulaire et j’enchaînais les matchs. Collectivement, on a fait une bonne saison et on est notamment arrivés en finale de la Coupe de La Réunion. J’étais parti pour rester au club avant que ça ne commence à se gâter d’un point de vue financier. En fin de saison, les salaires tombaient avec deux mois de retard. Ça devenait compliqué.



C’est ce qui t’a décidé à quitter le club et à t’envoler vers Singapour ?

Oui, j’ai quitté Saint-Joseph et je suis parti en vacances. À mon retour, j’ai eu un appel d’un agent sur Toulouse qui me proposait de faire un match d’essai à Cugnaux (Haute-Garonne). Il m’a expliqué que l’Étoile FC, un club à Singapour composé uniquement de Français, recherchait des joueurs. J’ai disputé ce fameux match et ça s’est très bien passé pour moi. J’ai signé un contrat pro et tout s’est enchaîné rapidement, puisque deux semaines plus tard, je débarquais en Thaïlande pour la préparation d’avant-saison du club à Bangkok.










C’était comment la vie à Singapour ?



Top ! Moi qui aime voyager, découvrir de nouveaux pays et de nouvelles sensations, j’en ai vraiment pris plein les yeux. Tout le monde n’a pas la chance de vivre de telles expériences. Je profitais aussi de mes jours de repos pour voyager. Je suis allé à Bali, en Malaisie … Et j’ai vu l’envers du décor, ce que l’on ne voit pas sur les cartes postales. Tu te rends compte de la misère dans laquelle vivent certaines personnes dans ces pays. Ça te fait relativiser beaucoup de choses et prendre encore plus conscience de la chance que tu as d’être footballeur.





À Oman, c’est particulier. Tu signes pour un match et, si tu n’es pas bon, tu n’as plus qu’à faire tes valises. C’est ce qui s’est passé pour moi.

Sportivement, en revanche, ça a été plus compliqué, non ?

Le club a rencontré de gros problèmes financiers cette année-là, a perdu sa licence et a disparu après la fin de la saison. 

Et pourtant, tout avait bien commencé. J’ai rapidement réussi à m’imposer dans l’équipe. J’ai joué une vingtaine de matchs comme titulaire en marquant six buts pour une dizaine de passes décisives. Bon, je mentirais si je disais que le niveau du championnat était hyper relevé et que c’était le top du top. Mais pour un jeune de 19 ans qui débarque là, je pense que ce n’était pas si mal niveau statistiques. 
Je pense qu’on avait le potentiel pour remporter le championnat, mais tout est parti en vrille en fin de saison. Il y a eu une bagarre générale lors de l’un de nos matchs, le club a été suspendu un mois et a été sanctionné de six points en moins. On a finalement terminé troisièmes. Mais entre cet épisode et les problèmes en interne, le club a totalement sombré et a fini par couler.



Comment as-tu rebondi après cette fin de saison galère ?



Mon agent était déterminé à me trouver un point de chute en Asie, que ce soit au Vietnam ou en Thaïlande par exemple, pour que je me fasse un nom là-bas. J’avais aussi des propositions avec deux ou trois clubs à Singapour. Et c’est à ce moment-là que j’ai été contacté par un autre agent, qui est toujours le mien aujourd’hui. Il m’a dit qu’il allait me trouver un club en Europe et qu’à mon âge, je ne devais pas me perdre en Asie. Je l’ai écouté et j’ai lâché mon autre agent. Il m’a obtenu de supers essais : au Servette de Genève, au Gimnàstic de Tarragona, à Stoke City…



Pourquoi n’as-tu pas signé dans l’un de ces clubs ?



À chaque fois, ça s’est bien passé et je devais signer un contrat, excepté au Servette. Mais ça ne s’est jamais fait pour des raisons que je ne suis même pas en mesure d’expliquer. Je ne sais vraiment pas pourquoi ça n’a jamais abouti. On me disait que j’avais le niveau et que mes tests avaient été concluants, mais ça tombait finalement à l’eau au dernier moment. C’est peut-être à cause de mon CV. Ils avaient peut-être peur de prendre un jeune qui avait déjà autant bourlingué.
 J’ai commencé à chuter mentalement après ces échecs. C’était très dur, car ça faisait six mois que je cherchais un club.



Tu es donc rentré au bercail ?



Oui, j’ai fini par signer aux Fontaines, un club toulousain. J’y suis resté deux mois, ce qui m’a permis de retrouver un peu de rythme. Et puis mon ancien coach à Singapour, Guglielmo Arena, m’a contacté. Il venait de signer à Montreux, un club de quatrième division en Suisse. Il m’a proposé de le rejoindre, ce que j’ai fait. J’ai joué six mois avec eux, ça s’est super bien passé. Ensuite, j’ai eu des contacts avec le FC Sion et Monthey, un club de troisième division, toujours en Suisse. Le deal, c’était de faire une bonne saison avec Monthey, et Sion reviendrait vers moi. Mais ça ne s’est pas du tout bien passé en interne à Monthey. On a changé trois fois de coachs en très peu de temps, du grand n’importe quoi. L’ambiance était vraiment pourrie à l’entraînement. Moi, ça ne m’intéressait pas de continuer avec eux. Du coup, je suis de nouveau rentré en France.

Avant de refaire rapidement tes bagages pour retrouver La Réunion…

Exactement. J’ai été contacté par l’US Stade Tamponnaise, l’un des plus gros clubs et l’un des plus beaux palmarès à La Réunion. J’ai signé un contrat fédéral avec eux. On a fait un très bon début de championnat. Et puis derrière, c’est parti en live. Le club a connu de gros problèmes financiers et il y avait de sacrés retards dans le versement des salaires. Et finalement, à la mi-saison, en juin, le club a déposé le bilan. Le scénario se répétait pour moi. Il faut croire que c’est mon destin (rires) ! Je suis donc rentré en France où j’ai rejoint Fonsorbes, un club tout près de chez moi, en Division d’Honneur. Trois mois après, j’ai de nouveau été contacté par Guglielmo Arena. Il avait signé au Fanja SC, à Oman, et il m’a proposé de venir tenter ma chance.

Un club où tu n’as finalement pas signé. Pourquoi ?



Il faut savoir que le fonctionnement est compliqué et très particulier à Oman. Tu signes pour un match et si tu n’es pas bon, tu n’es pas gardé et tu n’as plus qu’à faire tes valises. C’est ce qui s’est passé pour moi. J’ai joué un match avec eux et je suis passé au travers, donc le président ne m’a pas gardé. Ça a été radical. Je suis reparti en France et j’ai signé à Fabrègues, un club qui me voulait avant mon départ à Oman. Je suis resté là-bas entre janvier et avril dernier, et c’est là que j’ai reçu un coup de fil de mon agent pour m’annoncer qu’il m’avait trouvé un club en Finlande, le FC Jazz Pori.



Niveau températures, on n’a atteint qu’une seule fois les 20 degrés depuis que je suis arrivé. Ça me change de Singapour




Qu’est-ce qui se passe dans ta tête à ce moment-là ?



Au début, forcément, tu te dis que la deuxième division finlandaise, ce n’est pas ce qu’il y a de plus sexy. Mais tu te dis surtout que tu ne peux pas cracher sur un contrat professionnel, ce que me proposait le club en cas d’essai concluant. Je travaille dur pour pouvoir avoir la chance de signer un contrat pro. Mon seul regret, c’est de ne pas avoir pu terminer la saison à Fabrègues, alors que je m’étais engagé avec eux. Certains n’ont pas compris ma décision au club et ça a été assez compliqué pour qu’ils acceptent de me libérer.



Tu as donc rejoint la Finlande en avril dernier ?

Oui, j’y suis depuis mi-avril. J’ai signé mon contrat avant de partir. C’était tout bénef’ pour le club : si mon test n’était pas concluant, ils pouvaient casser mon contrat, si c’était concluant, je gardais le contrat que j’avais signé et je ne pouvais pas le renégocier. Finalement, ça s’est très bien déroulé dès le premier entraînement. Le feeling est tout de suite bien passé avec l’entraîneur et les autres joueurs, et ils ont décidé de me conserver. Et j’étais titulaire dès le premier match de championnat, en mai dernier.



Après neuf matchs de championnat, vous êtes huitièmes d’un championnat qui compte dix équipes et à huit points du leader, le PS Kemi. C’était quoi l’objectif en début de saison ?

Jouer la montée. Le championnat se termine en octobre, on peut encore revenir dans la course, même si c’est vrai que c’est difficile pour nous en ce moment. On est clairement sur une mauvaise pente, puisque l’on vient d’enchaîner six matchs sans victoire. Et pourtant, on avait fait un très bon début de championnat en dominant notamment l’un des favoris à la montée (victoire 2-0 contre TPS Turku) lors de notre premier match. Aujourd’hui, c’est plus compliqué. On a quatre joueurs blessés et on est obligés de faire appel à pas mal de jeunes qui n’ont pas forcément l’habitude d’évoluer en équipe première. Mais je pense toujours que l’on peut atteindre notre objectif.



Et à titre personnel, comment juges-tu ton début de saison ?



Je suis titulaire depuis le début de la saison, donc ça se passe plutôt bien, même si j’ai été expulsé lors du match contre Mikkeli (défaite 5-1 de Jazz Pori).



Pourquoi ?



Pour un geste involontaire. Un adversaire me tenait un bras, j’ai essayé de me dégager. Il s’est écroulé par terre en faisant croire à l’arbitre que je lui avais mis une gifle. Malheureusement, je pense que je vais prendre deux ou trois matchs de suspension.



Ça se rapproche de quel niveau en France, l’Ykkönen ?



Niveau CFA ou CFA2. C’est sûr que ce n’est pas du niveau de la Ligue 1 ou de la Ligue des champions, mais il y a parfois de très bonnes séquences de jeu au sol et il y a de vrais bons joueurs de ballon.



C’est comment l’ambiance dans les stades ?

On est en deuxième division finlandaise, donc les stades qui font entre 10 à 15 000 places ne font évidemment pas le plein. À titre d’exemple, notre stade fait 12 000 places et on tourne souvent à 1 500 supporters.



Qu’est-ce qui t’a le plus marqué à ton arrivée en Finlande ?

Les forêts. J’ai l’impression qu’il n’y a que ça ici (rires) ! Par exemple, entre Helsinki et Pori, tu ne vois quasiment que des forêts pendant les trois heures de route. Mais il y a quelque chose qui m’a encore plus marqué, c’est le fait qu’il ne fasse nuit que trois heures par jour ici. Et encore, je devrais plutôt parler d’obscurité plutôt que de nuit. Sinon, niveau températures, on a atteint qu’une seule fois les 20 degrés depuis que je suis arrivé. Ça me change de Singapour (rires).
La seule chose que je peux regretter, c’est d’être parti à La Réunion si jeune, dès la sortie du centre de formation.



Et la vie à Pori, c’est comment ?

Il y a plus de 70 000 habitants, mais c’est une ville très calme. Et il n’a pas l’air d’y avoir beaucoup de choses à faire. Du coup, je passe la plus grande partie de mon temps au stade, à m’entraîner. On m’a dit que ça bougera plus cet été avec le festival de jazz qui a lieu chaque année en juillet.



Niveau langue, tu arrives à te débrouiller ?



J’ai des bases en anglais, donc je m’en sors. Et notre coach est anglais, donc j’arrive à comprendre.



Financièrement, tu t’en sors ?



Disons que je gagne assez pour vivre convenablement.





Et avec les Finlandaises, ça va ?



Les Finlandaises ? Elles sont… discrètes (rires).



Tu attends quoi de cette expérience en Finlande ? Quels sont tes objectifs ?



Mon principal objectif, c’est de prendre du plaisir déjà. Et ensuite, c’est d’être performant pour pouvoir m’ouvrir des portes dans des pays scandinaves. Je prends cette expérience à Pori comme un possible tremplin. Mon rêve serait de signer en Angleterre ou en Espagne. Mais je suis lucide et j’ai la tête sur les épaules : je sais que mon CV ne me permet pas de prétendre à signer un contrat en Angleterre par exemple.



Quel regard portes-tu sur tes expériences à l’étranger ?



Je ne regrette aucune de mes expériences. La seule chose que je peux regretter, c’est d’être parti à La Réunion si jeune et dès la sortie du centre de formation. J’aurais dû tenter ma chance en National ou en Ligue 2. Maintenant, je pense que c’est une chance de vivre du football en voyageant. Bien sûr, ça demande beaucoup de sacrifices et c’est un choix de vie à faire, mais on apprend beaucoup personnellement.



Tu es resté en contact avec certains camarades de formation à Toulouse ?

Oui, on échange assez souvent avec Ali Ahamada et Adrien Regattin, qui sont de ma génération. Ils n’ont pas eu une saison facile. J’espère que ça ira mieux pour eux la saison prochaine.
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