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Tara Ostrowe : « À 15 ans, Kylian Mbappé voulait déjà un programme nutritionnel spécifique »

Propos recueillis par Florian Lefèvre
Tara Ostrowe : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>À 15 ans, Kylian Mbappé voulait déjà un programme nutritionnel spécifique<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

L’Américaine Tara Ostrowe est diététicienne spécialisée dans le sport. Après avoir travaillé avec les New York Football Giants, une franchise de foot US avec laquelle elle a remporté un Super Bowl, elle est aujourd’hui en charge du programme nutritionnel des Red Bulls de New York, en MLS. De 2014 à 2017, elle était responsable du suivi diététique de l’AS Monaco. Ses principales missions ? Planifier les repas en fonction du calendrier de l’équipe et éduquer les joueurs à consommer les bons nutriments pour maximiser leur performance physique sur le terrain. Des détails qui ont eu leur importance lors de la saison où l'ASM a remporté le titre de champion de France et atteint le dernier carré de la Ligue des champions.

Pourquoi l’AS Monaco vous a-t-elle recrutée à l’hiver 2014 ?C’est Vadim (Vasilyev, le vice-président de l’ASM à l’époque, N.D.L.R.) qui m’a recrutée. Le club voulait que j’apporte à Monaco les connaissances en matière de sciences du sport que nous avions ici aux États-Unis, afin que j’amorce un grand changement dans l’importance accordée à la nutrition. C’est-à-dire établir un programme nutritionnel pour l’équipe professionnelle, qui n’existait pas auparavant, développer la cellule nutrition avec les jeunes de l’académie… Tout cela dans le but de favoriser la performance physique et la récupération, avec pour objectif ultime pour l’équipe pro d’aller loin en Ligue des champions et de remporter le championnat.

Qu’est-ce que vous avez mis en place en arrivant ?Nous avons construit un nouveau restaurant, engagé un nouveau chef cuisinier. Nous avons complètement changé le menu des joueurs. Par exemple, moins de riz blanc, de pâtes blanches et plus de pâtes au blé entier, de riz brun, des céréales, du quinoa… En diversifiant les sources de protéines – qui se résumaient à de la viande blanche – avec du poisson pêché sur la Côte d’Azur. Mais aussi en proposant beaucoup plus de fruits, beaucoup plus de variété dans les légumes, et en s’assurant que c’était des aliments qui allaient fournir les vitamines et les minéraux dont les joueurs avaient besoin. Et puis, je préparais aussi des smoothies aux joueurs. Beaucoup de petits détails. Mais réunis ensemble, ils font une différence.

Comment les joueurs vous ont-ils perçue au départ ?Il a fallu du temps pour gagner leur confiance.

Quand je suis arrivée à Monaco, et c’était pareil aux Red Bulls, on a fait des tests d’hydratation, et les joueurs étaient tous déshydratés.

Pourquoi ?Parce que je pense qu’en France, quand je suis arrivée, la nutrition n’était pas un sujet important dans les clubs de foot. Les joueurs n’ont pas forcément grandi en entendant : « Il faut boire beaucoup d’eau, c’est important de s’hydrater. » Ils ne faisaient pas le lien entre ça et la performance physique et la récupération. Quand je suis arrivée à Monaco, et c’était pareil aux Red Bulls, on a fait des tests d’hydratation et les joueurs étaient tous déshydratés. Et cela fait une énorme différence. Une carence d’hydratation de 2 à 3% peut diminuer les performances de 10 à 30% et augmenter le risque de blessure (la plupart des joueurs de football perdent 1,5 litre d’eau par match et il est vital de compenser la perte de liquide à chaque occasion de se réhydrater, en particulier à la mi-temps et immédiatement après le match pour une performance de haut niveau et une récupération optimale). Donc les joueurs avaient besoin de le constater par eux-mêmes : « Je bois plus d’eau, je me sens mieux, c’est ce dont mon corps a besoin », « quand je mange cette nourriture, mes analyses de sang sont meilleures »… Cela pouvait aussi être des meilleurs résultats dans les tests physiques mesurés par le GPS. Une fois qu’ils ont ces preuves, ils sont plus disposés à suivre vos recommandations. Cela dit, il y a quelques joueurs qui, dès le début, ont compris.

Lesquels ?Le premier, c’est Bernardo Silva. Dès le début, il voulait savoir tout ce qu’il pouvait faire en matière de nutrition. Il venait du Benfica, et je crois que là-bas, il a grandi en ayant des connaissances sur l’importance de bien s’alimenter. Le deuxième, c’est Kylian Mbappé. Quand il était encore à l’académie, à l’âge de quinze ans, il est venu me voir. Pas sur les recommandations de son entraîneur, non, il est venu me voir de lui-même.

Il vous a demandé quoi ?Il voulait un programme nutritionnel spécifique. Il a compris très jeune l’importance de la nutrition. Je ne sais pas si cela vient de sa famille, de son éducation, mais en tout cas, il voulait déjà être le meilleur joueur possible.

Mbappé, lui, il s’est vraiment démarqué. Il a entendu dire que j’étais là et il est venu me voir. Je me rappelle m’être dit : : « Celui-là, il va aller loin… »

C’est déjà arrivé durant votre carrière qu’un autre joueur si jeune vienne vous voir de lui-même ?Franchement, non. Que ce soit à Monaco ou aux Red Bulls, tous les autres joueurs de l’académie qui sont venus me voir, c’était sur recommandation de l’entraîneur ou du staff médical. Lui, il s’est vraiment démarqué. Il a entendu dire que j’étais là et il est venu me voir. Je me rappelle m’être dit : « Celui-là, il va aller loin… ». Sinon, il y a aussi Fabinho et Falcao qui attachaient beaucoup d’importance à la nutrition. Et puis, Ricardo Carvalho conseillait les jeunes joueurs. Des fois, j’avais même l’impression que c’était mon assistant. (Rires.) Comme il était plus âgé, il saisissait l’importance, non seulement de pouvoir améliorer ses performances physiques, mais aussi de durer au plus haut niveau, en diminuant les risques de blessure, en favorisant la récupération.

Quand tu viens de manger Monaco en dessert

Qu’est-ce qui caractérise les besoins nutritionnels des footballeurs, par rapport à ceux des joueurs de foot US, par exemple ?Pour beaucoup, les footballeurs ont tendance à être assez fins. Ils ont généralement une masse graisseuse à hauteur de 8%. Donc, généralement, le problème n’est pas le poids – pour certains, si –, c’est surtout l’aspect performance le problème. Je crois que de nombreux joueurs se disent : « Oh, ça va, j’ai déjà un poids qui correspond bien à ma taille, j’ai une bonne composition corporelle, donc je n’ai pas forcément besoin de manger ça… » Mais si, justement. Il ne s’agit pas de ta composition corporelle, il s’agit de t’apporter la bonne nourriture, le bon liquide pour te permettre d’atteindre le maximum de ton potentiel.

Tara est dans notre vestiaire ?! Une femme dans notre vestiaire, vraiment ?!

Culturellement, est-ce qu’il y a quelque chose qui vous a marquée en France en tant qu’Américaine ?Aux États-Unis, les femmes travaillent avec des équipes masculines dans tous les sports. Personne ne fait la différence, alors qu’en France, ce n’est pas si courant. À Monaco, pour certains, au début c’était surprenant. Ils se disaient : « Tara est dans notre vestiaire ?! Une femme dans notre vestiaire, vraiment ?! » J’ai été stupéfaite par cela, je ne m’y attendais pas en venant des États-Unis, où c’est très courant de voir des femmes journalistes qui viennent interviewer les joueurs dans le vestiaire, par exemple. À Monaco, il a fallu une saison entière avant que je puisse entrer dans les vestiaires. Et puis, après, c’est devenu normal, les joueurs disaient : « Oh, c’est juste Tara… ».

Pourquoi cela s’est terminé pour vous à Monaco en 2017, après la super saison de l’équipe ?L’été qui a suivi, il y a eu beaucoup de transferts, beaucoup de changements… Lors de la dernière saison (2016-2017), la direction voulait que je travaille au club à temps plein, mais je ne pouvais pas, donc on a embauché quelqu’un en plus (Juan Morillas, N.D.L.R.), qui était super, qui suivait la ligne directrice que nous avions déjà établie. Il a donc continué avec l’équipe à temps plein, et je suis partie.

Pour finir, c’était qui le plus grand fan de vos smoothies à Monaco ?La première fois que j’en ai préparé, seulement deux joueurs ont voulu tester, Benjamin Mendy et Bernardo Silva. C’est drôle parce qu’au début, beaucoup de joueurs se disaient : « Je n’en veux pas. » Ensuite, quand certains joueurs ont commencé à leur dire : « C’est très très bon », ils ont tous commencé à apprécier. Et j’ai fait installer un bar à smoothies, et ils venaient tous faire leurs smoothies personnalisés. À la fin, même les entraîneurs appréciaient !

Foot et nutrition – Les joueurs mangent-ils vraiment ce dont ils ont besoin pour être au top ? : un article à retrouver dans le numéro 61 de SO FOOT Club, actuellement en kiosque

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Propos recueillis par Florian Lefèvre

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