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Tactique : Liverpool, déjà l’alerte rouge ?
Neuvièmes de Premier League après sept rencontres disputées, les Reds réalisent un début de saison poussif. Alors que Jürgen Klopp entame sa septième saison sur les bords de la Mersey, le conte de fées semble rencontrer ses premiers drames. Retour sur les difficultés récentes de Liverpool avant d’affronter ce dimanche les nouveaux Rouges à la mode, les Gunners d’Arsenal.
Nul doute que cette année ne sera pas un énième affrontement acharné entre City et Liverpool pour le titre de Premier League. Si les premiers atteindront peut-être les 90 points en championnat comme ils en ont l’habitude, les seconds ont dû revoir leurs ambitions à la baisse. Après avoir entrevu un quadruplé historique en mai dernier, Klopp et les siens ont dû se consoler avec une FA Cup et une Carabao Cup. L’Allemand était alors loin de penser que les désillusions printanières allaient traverser l’été pour prendre une tournure bien plus problématique. Pourtant toujours dominants et tranchants avec ballon (troisième meilleure équipe de Premier League aux expected goals avec 16,26 produits), la perdition des Reds semble s’expliquer majoritairement par l’aspect défensif.
Moins souverains dans la surface
Longtemps porté aux nues pour sa domination sans ballon grâce à son pressing caractéristique et à ses individualités hors normes, le Liverpool de Klopp a perdu de sa superbe dans le domaine. Alors qu’ils sont la deuxième meilleure équipe de Premier League en matière de tirs concédés (59) derrière les Citizens, les Reds n’affichent en revanche que le sixième meilleur total d’expected goals subis (9,51). Démontrant ainsi que s’ils ne sont pas plus exposés que les autres en matière de volume, ils le sont cependant en matière de qualité d’occasions encaissées. Le premier facteur de cette exposition réside dans la défense individuelle de la surface. Joe Gomez réalise un début de saison épineux, Van Dijk semble être descendu de son piédestal et Alexander-Arnold est toujours aussi décisif que nocif. Ils sont certes fragilisés par un bloc défensif moins imperméable qu’à l’accoutumée, toutefois la passivité, la domination physique subie voire une certaine naïveté parfois ne sont dues qu’à eux-mêmes.
Face à Naples (4-1, le 7 septembre dernier) : Kvaratskhelia percute sur son côté gauche et tente de faire la différence à la course contre Alexander-Arnold…
L’ailier napolitain se débarrasse assez aisément du latéral anglais (qui trottine après s’être fait éliminer), forçant ainsi Joe Gomez à sortir de l’axe du but pour venir couvrir une zone latérale…
Le défenseur des Reds se retrouve ensuite au duel avec le Géorgien, mais ne parvient pas à mettre le pied sur le ballon. Malgré de meilleurs appuis et une meilleure orientation du corps, c’est Kvaratskhelia qui sortira vainqueur de ce duel…
Il sert ensuite Giovanni Simeone dans la surface. Celui-ci profite de la passivité de Van Dijk qui ne prend à aucun moment l’information de ce qu’il se passe dans son dos, laissant ainsi l’Argentin conclure.
Nouvelle séquence marquante face à Everton (0-0, le 3 septembre) : Patterson parvient à trouver une bonne position de centre vers Neal Maupay. Toutefois, rien ne semble réellement inquiéter Liverpool. Van Dijk est sur la trajectoire du ballon, et Gómez est devant Maupay afin d’être le premier sur le ballon…
Le défenseur axial droit ne veut pas utiliser son pied gauche et effectue un mauvais renvoi de l’extérieur du pied qui laisse le ballon au point de penalty. Pendant ce temps, Tom Davies suit l’action au milieu de la passivité des Reds…
Maupay résiste au duel et permet à Davies de tirer au but. L’extérieur magnifique du milieu anglais clouera Alisson sur ses appuis, mais terminera sur le poteau du Brésilien.
En plus d’un manque d’agressivité assez flagrant et des erreurs de chacun, les Reds semblent avoir une réelle difficulté à défendre lorsqu’un défenseur central se fait aspirer hors de sa zone, notamment sur la moitié droite de leur surface. Face à Newcastle, Naples et Everton, les Reds ont subi des grosses situations sur des séquences similaires. Un défenseur central est déporté hors de sa position naturelle, Fabinho vient alors compenser, mais ce dernier ne dispose pas des réflexes naturels du poste pour fermer les intervalles et les lignes de passes dangereuses.
Illustration face à Newcastle (2-1, le 31 août dernier) : Van Dijk est sorti de sa zone, Fabinho vient compenser, tandis que Trippier joue à l’intérieur vers Alexander Isak. Henderson parvient à dévier le ballon pour empêcher la transmission. Le ballon revient alors vers Longstaff…
Le milieu brésilien décide alors de sortir de la ligne défensive pour presser le milieu des Magpies. Il ouvre ainsi une brèche dans son dos qu’utilise directement l’attaquant suédois…
Il est ensuite bien servi par son partenaire dans l’espace et conclut d’une superbe frappe lucarne opposée. 0-1.
Séquence similaire face à Naples en Ligue des champions : la ligne défensive est désorganisée, Joe Gomez est sorti de sa position, tandis que Fabinho et Milner compensent. Pendant ce temps, Zambo Anguissa s’appuie sur Zieliński…
Le Camerounais s’engouffre ensuite dans l’intervalle que n’a pas fermé Fabinho, le milieu polonais sert la course de son partenaire…
L’ancien Marseillais conclura pour offrir deux buts d’avance aux siens.
La machine à laver est en panne
La défense de la surface n’étant pas un point fort des Reds cette saison, le pressing symbolique de Jürgen Klopp n’en voit sa valeur que décuplée. Alors qu’il est toujours une ligne directrice dans l’approche sans ballon du technicien allemand, l’activité à la récupération des hommes en rouge n’est pas sans failles. Sorties à contretemps, élimination trop facile et difficulté à défendre les côtés sont les facteurs qui ont enrayé la machine à laver d’Anfield. 366, c’est le nombre de duels remportés en Premier League en moyenne depuis le début de la saison. Pendant ce temps, Liverpool plafonne à 303. Le pressing parfait et infranchissable n’existe évidemment pas, mais Liverpool a fait preuve d’une telle qualité ces dernières années que voir les moindres fissures apparentes paraît étonnant. Si le gegenpressing semble moins fragilisé que l’activité sans ballon sur défense placée, il est aussi parfois mis à mal, comme lors de l’ouverture du score de Crystal Palace par Wilfried Zaha le 15 août dernier (1-1). Klopp l’a d’ailleurs confié après la victoire face aux Rangers ce mardi : « Nous avons eu un problème défensif(lors de ce début de saison, NDLR), parce que notre timing n’était pas bon et nous prenons des risques en défendant, tout le monde le sait. Si le timing n’est pas bon, vous ouvrez des brèches, et ces brèches sont souvent derrière Trent(Alexander-Arnold). »
Face à Brighton le week-end dernier (3-3) : Salah sort sur Webster à contretemps et sans couverture. Il laisse du temps au défenseur adverse et n’est ni suivi ni couvert par un partenaire dans son dos. Le défenseur l’élimine aisément et attaque l’espace alors libéré par l’Égyptien…
Le décalage est fait. Webster a passé la médiane sans encombres et peut toucher tranquillement son attaquant dos au jeu…
À la suite d’une bonne orientation de Welbeck, le ballon se déplace vers le côté droit des Reds et, comme souvent, Alexander-Arnold est pris, forçant ainsi Matip à dézoner pour couvrir sa surface…
Le Camerounais est en retard et ne parvient pas à empêcher le centre, Van Dijk se troue et ne touche pas le ballon, tandis que Trossard, lui, ne se ratera pas. Triplé pour le Belge, 3-3.
Nouvelle illustration face aux Rangers ce mardi (2-0) : Barišić est en possession côté gauche, le pressing des Reds se met alors en place, mais un malentendu va coûter cher. Fabinho demande à Salah de couvrir Kamara, mais l’attaquant sortira sur le joueur devant lui. Le Finlandais peut alors être touché sans obstacle…
Une fois servi, il profite de l’espace avec ballon pour gagner quelques mètres et servir Rabbi Matondo dans le dos d’Alexander-Arnold, une nouvelle fois dominé dans cette zone…
Matip doit sortir une nouvelle fois de sa surface pour couvrir le dos de son latéral, mais comme souvent, il arrivera en retard face à un joueur lancé. Pendant ce temps, un 2 contre 2 s’organise dans la surface des Reds, danger…
Matondo choisit l’option solitaire et décide d’enrouler côté opposé, le ballon est cadré et file vers le but, mais Tsimikas le sortira sur sa ligne.
Darwin, en attendant l’évolution
Seul cadre à avoir quitté le navire durant le mercato, le départ de Sadio Mané a dû susciter quelques interrogations à Melwood. Comment le remplacer ? Quel profil ? Qui prendre ? Alors que Klopp et les siens ont fait un choix similaire à celui du voisin bleu de Manchester, à savoir troquer le faux neuf9 contre un vrai buteur, la greffe semble moins prendre chez les Reds. Pur avant-centre, Darwin Nuñez peine à lancer sa saison à cause d’une incorporation collective difficile. Dans un profil totalement différent de celui de Mané, l’Uruguayen est dans le dur au sein du collectif rouge qui tente de l’intégrer dans une animation offensive où il ne semble pas le plus à l’aise. Là où le Sénégalais excellait dos au but pour ouvrir des brèches à ses partenaires, pour recevoir entre les lignes où lorsqu’il retrouvait son côté gauche natal, l’ancien joueur de Benfica, lui, est beaucoup moins mobile et ne semble réellement à l’aise que dans la surface. Dur de savoir s’il s’agit là d’un problème structurel difficilement solvable, tant le profil de l’Uruguayen ne colle pas, ou tout simplement d’une méforme qui nécessite adaptation et évolution… La première étape à franchir serait de comprendre son entraîneur. (L’Uruguayen avait déclaré à ESPN : « La vérité est que, honnêtement, je ne comprends rien quand Klopp parle lors des rassemblements. »)
Face à Naples, Trent Alexander-Arnold récupère le ballon et se projette rapidement. Son bloc le suit et s’engage alors une attaque rapide si chère à Liverpool…
Darwin fonce vers la surface adverse en même temps que ses partenaires, mais le jeu demande peut-être autre chose. Se rendre disponible entre les lignes comme un faux 9 pour son latéral afin de permettre à Luis Diaz et Diogo Jota de s’engouffrer dans le dos des centraux aurait peut-être été plus judicieux…
Le latéral anglais le sert comme tel, et le ballon sera facilement récupéré par les Napolitains.
Quelques minutes plus tard, Matip trouve une superbe passe vers Nuñez, complètement seul entre les lignes. Il est alors l’attaquant le plus reculé de son équipe…
Malheureusement, sa prise de balle est mauvaise, ce qui ne lui permet pas de remettre sur Thiago en une touche comme il l’aurait voulu ou de se retourner pour se projeter vers le but de Meret…
Luis Diaz lui viendra en aide, mais sera forcé de jouer en retrait et de condamner les mètres gagnés.
Encore une nouvelle preuve du manque de versatilité de Nuñez. Il décroche côté gauche comme le veut l’attaque très mobile de Liverpool. Diaz se retrouve alors dans l’axe et Jota côté droit. Les trois attaquants enclenchent une transition…
L’Uruguayen tente de faire la différence à la course côté gauche et joue son un-contre-un face à Rrahmani, qui n’est pas le joueur plus rapide…
L’avant-centre ne parvient pas à creuser l’écart, et même si sa feinte est bonne ensuite, le défenseur central kosovar est resté sur ses appuis et récupère le ballon.
Réelle défaillance, méforme temporaire ou fin de cycle… Il est trop tôt pour savoir s’il s’agit d’un petit rhume ou d’une maladie incurable pour Liverpool. Toutefois, la victoire face aux Rangers – où Klopp a aligné un 4-4-2 sans ballon tout frais – cette semaine en Ligue des champions semble avoir redonné espoir au coach allemand qui a déclaré que ce succès était « exactement ce dont on avait besoin ». S’agit-il d’une sérieuse progression ou d’un épiphénomène, réponse ce dimanche à l’Emirates Stadium face à une équipe qui n’a plus battu les Reds depuis huit matchs toutes compétitions confondues.
Par Matthias Ribeiro