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Sur le bord de la Tuchel

Par Maxime Brigand
Sur le bord de la Tuchel

Le 19 avril 2015, quelques jours après la démission de Klopp, le Borussia Dortmund annonçait l'arrivée sur son banc de Thomas Tuchel. Un homme que tout le monde s'arrachait et s'arrache encore, car aujourd'hui, l'ancien apprenti de Mayence fait tout mieux que son prédécesseur. Au point de renverser le cœur d'un peuple.

Thomas Tuchel est debout. Ses mains, elles, sont posées sur la table. Ce n’est pas le plus charismatique, mais certainement l’un des plus captivants. Lui n’a pas besoin de courir le long d’une ligne blanche. Il n’a pas besoin, non plus, de montrer ses sentiments. Il se définit plutôt comme « une sorte de romantique du football » . C’est un homme calme dont les bras sont, le plus souvent, croisés comme un guide le fait au-dessus de son groupe. Hier, à Dortmund, l’entraîneur était une star dont chaque geste était une représentation. Avec Tuchel, l’équipe, le collectif passe avant tout. Il faut se plonger dans l’un de ses vestiaires pour le comprendre. Le détail est dans l’instant. Il sait comment jouer avec l’esprit. Comme ce 25 septembre 2010, dans le noir le plus complet du vestiaire visiteur de l’Allianz Arena de Munich. Quelques minutes plus tôt, celui qui est alors entraîneur du FSV Mayence s’est arrêté sur chacun des visages présents dans la salle. Du regard expérimenté affiché par le gardien Christian Wetklo, historique du club de Rhénanie-Palatinat, à la jeune mèche de l’espoir Lewis Holtby, prêté alors par Schalke 04.

La seule lumière est celle d’un petit écran. Dans quelques minutes, Mayence doit défier le Bayern de Louis van Gaal. Tuchel ne laisse que le son, alors qu’Al Pacino, coincé dans un polo rouge sous une veste coupée, prend la parole : « Je ne sais pas quoi vous dire en fait. Trois minutes avant le plus grand combat de nos carrières. Tout se joue aujourd’hui. Soit nous guérissons en tant qu’équipe, soit nous nous écroulons, centimètre par centimètre, jeu après jeu, jusqu’à la fin. Nous sommes en enfer, messieurs. Croyez-moi. Nous pouvons y rester, nous faire massacrer. Ou nous pouvons nous battre et revenir dans la lumière. Nous pouvons remonter de l’enfer centimètre par centimètre. Je ne peux pas le faire à votre place. » Le discours de Tony D’Amato dure au total plus de quatre minutes. La scène est tirée de L’Enfer du dimanche d’Oliver Stone. Thomas Tuchel vient de caresser l’orgueil de ses hommes, de retourner l’histoire, le temps et une partie de sa vie. Car quatre-vingt-dix minutes plus tard, Mayence tient entre ses mains la dépouille du Rekordmeister.

Jordan, le style et les fondations

Le succès ressemble au voyage initiatique de celui qui est, depuis, devenu le repère du Borussia Dortmund post-Klopp. C’était il y a maintenant presque six ans, mais, dans le fond, Thomas Tuchel n’a pas évolué. Ses méthodes, si. Ce n’est plus une promesse, c’est une révolution. Car le discours de Munich n’est qu’un instant. Un moment qu’il répétera l’année suivante, en plein été, après une élimination européenne de son Mayence en Roumanie face au Gaz Metan Medias. En projetant les mots de Michael Jordan, tirés de His Airness : « J’ai manqué plus de 9000 tirs dans ma carrière. J’ai perdu plus de 300 matchs, et 26 fois, on m’a confié le tir de la gagne et j’ai manqué. J’ai raté, encore, encore et encore dans ma vie. Et c’est pourquoi j’ai réussi. » En cinq saisons, Thomas Tuchel a transformé le Karnevalsverein, Il a fait du Jürgen Klopp, en mieux, devenant à l’annonce de son départ de Mayence, le 11 mai 2014, l’ami public numéro un. Celui que l’ensemble de l’Allemagne du foot drague jusque dans les couloirs de la Fédération. L’avènement de l’homme normal, ou plutôt de l’entraîneur total. Thomas Tuchel est un technicien d’influences qui a créé sa propre conception du jeu, de son approche et de sa préparation. Ce qui explique qu’aujourd’hui, neuf mois après sa nomination sur le banc du Borussia, l’ancien entraîneur de Mayence a réussi à faire oublier le passé. Pour faire vivre le présent.

Vidéo

Hier, il aimait expliquer « se savoir inférieur dans le potentiel et réussir avec ses idées » . Sa victoire à Munich, en 2010, comme les nombreuses qui ont suivies parlent de sa capacité d’adaptation. Au 4-3-3 de Louis van Gaal, Thomas Tuchel avait dessiné un 4-1-4-1. L’année suivante, il triompha du Bayern de Heynckes (3-2) et laissa son homologue affirmer que Tuchel était « destiné » à reprendre la machine bavaroise. À Dortmund, il a expliqué dès sa première rafle contre le Borussia Mönchengladbach (4-0) qu’il travaillerait à partir des « fondations fantastiques » laissées par Klopp. Sauf que Tuchel a réussi l’exploit de remettre sur pied un club au fond de la gamelle en quelques semaines, un marché réussi (Castro, Bürki, Weigl) et onze victoires lors de ses onze premières rencontres officielles en jaune et noir. Aujourd’hui, les chiffres sont délirants : près de 75% de victoires, 119 buts inscrits depuis le début de la saison, trois petites défaites en championnat et un style affirmé. Il s’expliquait il y a quelques mois à Die Zeit: « Il y a définitivement un style qui m’a été attribué, que nous avons apporté à Mayence : de la vitesse vers l’avant, un football offensif. Je préfère certaines qualités, un style de jeu actif, une défense audacieuse et des combinaisons rythmées en attaque. » Du Klopp dans le texte, la quête de la possession et l’équilibre en plus.

La bataille du cœur

Le phénomène est plus profond qu’un tableau de statistiques. Car entre mai 2014 et mai 2015, Tuchel est parti en quête de réponses à ses nombreuses questions. Alors, il a beaucoup consulté, partout. Auprès de Pep Guardiola, d’abord, qu’il cite comme modèle au même titre que son ancien entraîneur à Ulm, Ralf Rangnick, ou encore Hermann Badstuber, rencontré à Stuttgart et décédé en 2009. Tuchel a aussi gratté ailleurs pour mettre à profit une licence d’économie obtenue par le passé – pour que « sa mère dorme tranquille » – en visitant Matthew Benham, le propriétaire de Brentford, adepte du rôle des maths et des stats dans le foot. Mais la rencontre décisive est certainement celle du professeur Wolfgang Schöllhorn, un théoricien du sport, qui a inspiré le mentor de Guardiola, Paco Seirul-lo. Schöllhorn professe que le succès n’est pas issu de la répétition. Alors en arrivant à Dortmund, Tuchel a changé son approche : il use ses joueurs physiquement et mentalement à l’entraînement pour rendre le match suivant plus simple. « Au départ, nous nous sommes demandé ce que ces choses avaient à voir avec le football, mais on s’est rapidement rendu compte que ça marchait. Certains exercices durent des heures, mais comme ils changent souvent, on ne s’en rend pas compte » , explique Neven Subotić dans les colonnes de FourFourTwo.

Chaque semaine est une épreuve. Thomas Tuchel teste ses hommes, sur des terrains glissants, réduits, élargis. Il les oblige, parfois, à contrôler avec le genou avant de faire une passe, bosse avec ses défenseurs à l’aide de balles de tennis. Vivre sous ses ordres est une bataille, mais le résultat est bluffant, à l’image de ce qu’il a réussi à faire d’Henrikh Mkhitaryan et Aubameyang. Ce collectif a cassé la notion de dépendance à des individus. C’est un tout, une unité avec un plan B, C ou D, là où Klopp a toujours refusé de déjouer ses idéaux. Thomas Tuchel est un pragmatique, et la longue blessure, l’an passé, de Marco Reus avait montré les failles sur ce critère de Jürgen Klopp. On tend alors à penser que, une nouvelle fois, Tuchel est en train de faire du Klopp, derrière Klopp, en mieux. Sa route ne fait que commencer, il n’a que 42 ans, et à lui de désormais craquer les tests. Cette saison, l’homme a buté deux fois sur Guardiola et une fois sur Klopp, à l’aller. De quoi juger de sa marge de progression. Reste une manche retour, à Anfield. Du côté du Signal Iduna Park, Tuchel est en passe de gagner la bataille du cœur avec celui qu’il admire. Au point de le renverser complètement ?

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