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  • La vie des supporters du Toulouse FC

Supporter de Toulouse FC : mode d’emploi

Propos recueillis par Arthur Stroebele

Les supporters de France à l’honneur sur sofoot.com. Nous sommes partis à la rencontre de ceux qui font vivre nos stades, qui célèbrent pour leur club, qui pleurent pour leur club. Bref, ceux qui vivent pour leur club. Aujourd’hui, c’est au tour du TFC. Un club à l’actualité chaotique, entre résultats catastrophiques, relégation et rachat. Une période qui n’empêche pas, au contraire, les irréductibles de montrer leur amour pour le maillot violet.

#5 - Paul

Paul Cometto

36 ans, supporter depuis 1990, ancien capo des Indians Tolosa (2003-2011)

« Je crois qu’on ne choisit pas d’être supporter. Je suis toulousain, c’est ma ville, et je n’ai jamais été confronté à un choix. C’est la différence entre un fan, conception consumériste plus fréquente aux US, et un supporter, conception plus européenne. Toulouse est une ville qui, d’abord, n’est absolument pas une ville de rugby, mais où il y a l’un des clubs les plus prestigieux et légendaires d’Europe. Donc c’est particulièrement difficile d’être supporter du Téfécé avec ce miroir déformant – et très alléchant – du Stade toulousain. Tu interroges les gens à Toulouse, ils sont tous supporters du Stade. Sauf que les gradins ne sont pas plein à tous les matchs, et Ernest-Wallon n’est pas si grand que ça… Il y a le besoin de surfer sur le club qui marche.

« Être supporter du TFC, c’est s’associer à un destin collectif, celui d’une équipe qui ne va probablement jamais t’offrir de satisfaction. Ça veut aussi dire que supporter Toulouse seul dans son coin, c’est difficilement envisageable. »

Être supporter du TFC, en revanche, c’est s’associer à un destin collectif, celui d’une équipe qui ne va probablement jamais t’offrir de satisfaction. C’est finalement un truc élitiste, c’est-à-dire qu’il faut beaucoup aimer le foot, et l’aimer pour autre chose que pour les satisfactions faciles. Ça veut aussi dire que supporter Toulouse seul dans son coin, c’est difficilement envisageable. Tu dois partager ces moments avec une communauté, qui est assez forte d’ailleurs. J’ai en tête le TFC-Marseille, en 2004, avec le but d’Eduardo en fin de match. On joue le maintien, on est à un partout, on sent que ça patine. J’arrive à refaire partir un gros chant dans le virage, et je vois que tout le stade prend. Ça monte, la séquence dure plusieurs minutes, et Eduardo décoche sa frappe à ce moment-là. Et là, tu sens que tu as apporté quelque chose. Ce n’est pas ça qui a fait qu’il a parfaitement frappé la balle, évidemment, mais ce feeling d’avoir réveillé quelque chose et d’avoir été utile à ton club, en tant que capo des ultras, c’est grandiose.

Ce club te fait vivre des trucs fous, aussi bien positivement que négativement. Le Téfécé, c’est la résilience. On a quand même fusionné avec le Red Star, on a failli disparaître à plusieurs reprises, en ce moment on oscille entre souffrance et ennui, et, en même temps, on est le seul club français de l’histoire à avoir tapé Maradona, peut-être la plus grande légende du foot, l’année où Naples était à son apogée. Et pour le coup, ça, on est à jamais les seuls. C’est ce qui donne au club son ADN romantique, on est dans l’inattendu permanent. On a beau être au plus bas, malgré tout, on se dira toujours qu’il peut se passer quelque chose de grand. On n’est pas une machine à trophées, on ne le sera peut-être jamais. Mais au fond, est-ce vraiment grave ? »

#4 - Laurie

Laurie Laberinto

27 ans, supportrice depuis 2007, abonnée

« Lorsque j’ai pour la première fois mis les pieds dans un stade de football, j’avais 14 ans, et le TFC recevait le Racing Club de Strasbourg. Totalement novice, je ne comprenais pas ce qui poussait les supporters à se mettre dans de tels états de transe après un but, une faute, une victoire, une défaite. Ça été l’un des plus grands tournants de ma vie. Il faut parfois plusieurs rendez-vous galants avant de tomber amoureux, mais un seul match au Stadium a réussi à faire chavirer mon cœur. J’ai découvert le Stadium, comme si j’avais découvert le village du Père Noël à Rovaniemi. J’apprenais les noms des joueurs de l’équipe et les numéros de leurs maillots ; je conservais tous les articles de journaux que je trouvais sur le TFC, et je les gardais précieusement dans des classeurs qui représentaient à l’époque mes « Merveilles du monde ». Mieux, il n’y avait pas une seule dissertation en cours de français qui ne mentionnait pas le TFC, ou un personnage principal répondant au doux nom d’André-Pierre, Elmander ou Sissoko.

« Il n’y avait pas une seule dissertation en cours de français qui ne mentionnait pas le TFC, ou un personnage principal répondant au doux nom d’André-Pierre, Elmander ou Sissoko. »

Il est clair que ma vie serait certainement plus sereine sans mon club et ses tracas du quotidien – surtout en ce moment – mais je sais qu’elle serait aussi forcément plus fade ! D’ailleurs, la période difficile relative à la Covid-19 en est l’exemple fort. Même si le fait d’avoir eu le championnat arrêté en plein milieu de la saison m’a paru, au début, être un « soulagement », le laps de temps qui s’est écoulé entre les mois de mars et d’août m’a paru interminable. J’avais perdu toutes mes habitudes : ces petites choses qui ne sont finalement rien, mais qui, dès le milieu d’après-midi, commencent à te mettre dans l’ambiance du match, et à te préparer pour le soir. Tu prépares tes sandwichs ; tu mets en évidence ton maillot et ton écharpe sur la table du salon, de sorte à ne pas les oublier en partant ; tu vérifies que ta carte d’abonnée est bien dans ta poche. Tant de petites choses qui font que ce club est plus qu’un simple club de foot. Un club qui te fait fondre en larmes pour un maintien à Angers. Je me rappelle que quelques secondes avant la fin du match, nous nous sommes appelés avec mon père, tous les deux en pleurs : « Lolo, c’est fini… Lolo, on l’a fait… Ne pleure pas, ça va aller. Putain, moi aussi, je pleure… Lolo, on est en Ligue 1 ! » L’une des soirées les plus puissantes émotionnellement, dans ma vie. »

#3 - Jean-Baptiste

Jean-Baptiste Jammes

30 ans, supporter depuis 1998, créateur du site LesViolets.com

« Être supporter du TFC, c’est accepter de sacrifier ses samedis soir à la pelle, des repas de famille, des soirées avec des amis pour regarder des TFC-Dijon, Sochaux-TFC ou TFC-Guingamp. Et ne pas voir ces matchs, ça nous rendrait malheureux ! C’est ce qui est assez fou à comprendre. Pour des raisons professionnelles, je suis à Paris depuis plusieurs années maintenant, mais j’organise chaque retour dans ma famille, à Toulouse, en fonction des matchs du Tèf ! Je prends le calendrier, et je regarde quand on joue au Stadium. On organise notre vie, notre planning en fonction du club, et c’est peut-être ce qui est difficile à comprendre pour les « extérieurs » au TFC : on n’est pas supporters de ce club pour des victoires, pour des trophées, sinon ça serait difficile à vivre.

« C’est une fierté pour nous d’aller taper le ballon avec un maillot violet floqué Moreira, Cahuzac, Fauré ou qui vous voulez. »

Même quand on va jouer au foot, faire un five, vous ne voyez jamais un maillot de Toulouse. Eh bien, c’est une fierté pour nous d’aller taper le ballon avec un maillot violet floqué Moreira, Cahuzac, Fauré ou qui vous voulez. D’un air intrigué, ça lance quasiment toujours une conversation : « Ah, mais, t’es pour le Téfécé ? – Eh oui ! – Mais vous avez encore perdu le week-end dernier ? » Oui, peut-être qu’on perd tous les week-ends, mais ça n’est pas grave, on est habitués maintenant. Nous, ce qu’on veut, c’est simplement de la fierté. Et c’est ce qui me manque le plus aujourd’hui : ça fait longtemps qu’on n’a pas été fiers de ce club. Mais on continue de porter les couleurs, en attendant des jours meilleurs. Sur le site, par exemple, je passe chaque jour trois à cinq heures à traiter l’actualité du club, passer des coups de fil, suivre les infos en allant même jusqu’à taper une brève le 25 décembre au matin avant d’aller ouvrir les cadeaux de Noël. Et ça, on le fait aussi parce que c’est devenu un rendez-vous pour les supporters, un moyen de socialisation. On ne parle pas beaucoup de nous ailleurs, alors c’est notre bulle de supporters toulousains. »

#2 - Monique

Monique Henry avec l’ancien gardien du TFC, Robin Huc (1985-1992)

Monique Henry

75 ans, supportrice depuis les années 1970

« Le TFC, pour moi, c’est 50 ans de vie. Une histoire de famille, partagée d’abord avec mon mari, puis mes enfants, et petits-enfants. Mon mari était à la finale de Coupe de France en 1957, gagnée par Toulouse contre Angers, mais moi je n’y suis allée que plus tard, dans les années 1970, quelques années avant que l’US Toulouse ne devienne le Toulouse FC. Un jour en 1983, au retour d’un déplacement du TFC à Lyon, nous embarquions le président Marcel Delsol dans notre voiture pour le ramener. À force de déplacements et d’investissement, c’est très rapidement devenu un proche. Et c’est sur ce trajet qu’est né le Club des supporters des Violets, créé avec Jacqui Teulières, intendant du club jusqu’à cette saison. J’y suis resté des années, dans ce groupe, qui existe encore aujourd’hui. On y faisait des lotos, des fêtes de Noël avec les joueurs où j’achetais des cadeaux pour les enfants des joueurs, des remises de trophées… C’est toute une vie, ce club ! On allait manger des pizzas rue Bayard avec Yannick Stopyra, on pouvait rentrer dans les vestiaires. Cette proximité avec les joueurs était fabuleuse. Encore plus importante que les résultats sportifs : on était attaché aux joueurs, ce qui n’existe plus aujourd’hui.

« J’ai fait, en 1982, le déplacement à Saint-Dié pour la remontée en Première division. Quel souvenir… On mettait un chahut monstre dans les rues, les habitants sortaient pour nous applaudir tellement c’était beau ! »

J’ai vécu la meilleure époque du club. C’était l’époque où nous étions autorisé à faire les déplacements avec tout le groupe professionnel : nous prenions des fokkers, de petits avions d’une trentaine de places, à Toulouse-Blagnac. Le jour d’un déplacement à Nantes, l’avion perdait du kérosène sur la piste, les joueurs étaient paniqués, mais nous sommes quand même partis… Sans embûches ! Les joueurs ne l’ont plus repris, mais une semaine après, on a appris que l’avion s’est coupé en deux sur la piste, avec, heureusement, personne dedans. Mais même l’aspect sportif était grandiose : j’ai fait, en 1982, le déplacement à Saint-Dié pour la remontée en Première division. Quel souvenir… Je me rappelle l’ambiance de folie dans le train, tous en violet et blanc, des drapeaux partout. On mettait un chahut monstre dans les rues, les habitants sortaient pour nous applaudir tellement c’était beau ! Un match gagné 1-0 grâce un but de Krimau, qu’on ne pouvait pas voir… Mais ce jour-là, on l’a encensé. Sans parler de TFC-Naples en 1986. Le match d’une vie, écouté sur un poste de radio depuis les Baléares où nous étions en vacances. La tension des tirs au but, Maradona face à Bergeroo : le poteau, le temps de latence, l’explosion de joie ! C’était historique. Être supportrice, c’est ça : c’est avoir consacré une partie de sa vie au TFC, et d’être fière d’avoir vécu tout ça pour notre club. »

#1 - Andreas

Andreas Nittis

24 ans, supporter chypriote du TFC basé à Limassol, depuis 2007

« Découvrir Londres et assister à un match de Premier League était un rêve de gosse. En cette fin de saison 2015, je me rends dans la capitale anglaise pour la première fois de ma vie. Direction White Hart Lane pour Tottenham-Hull City. Un superbe match, gagné 2-0 par les Spurs… mais duquel je ne verrai jamais la fin. À la 70e minute, je quitte mon siège hâtivement, prend le train et me précipite dans ma chambre d’hôtel : c’est bon, j’y suis, je ne raterai pas le coup d’envoi de Guingamp-Toulouse ! C’était (encore) une bataille pour le maintien, à la 37e journée, et pour rien au monde je n’aurais raté cette rencontre décisive. Un choix gagnant, puisque même si le Tèf s’incline au Roudourou (2-1), je suis dans ma chambre d’hôtel londonienne et je célèbre : mon club est quasiment sauvé en Ligue 1 par le jeu des autres résultats !

« Le match contre Liverpool en 2007, en tour préliminaire de Ligue des champions, a été le déclic. Depuis, j’en suis addict. »

Des amis à moi, qui ne comprennent pas pourquoi je supporte ce club, alors que je n’ai aucune attache familiale à Toulouse, m’ont dit que j’étais un malade. Mais choisir de supporter Toulouse, ça veut dire quelque chose de soi. Ça veut dire qu’on n’aime pas la facilité. Et le jour où nous arriverons à quelque chose de grand, notre joie sera un million de fois plus grande que celle de ceux qui gagnent chaque week-end. C’est un amour très sincère, pour lequel je fais des sacrifices financiers pour me payer chaque année mon voyage au Stadium (et ça ne changera pas avec la descente en L2) : je travaille la nuit, en parallèle de mes études à l’université de Chypre. Mais je ne regrette rien, absolument rien. À Chypre, le championnat de France est très populaire, je m’y suis intéressé naturellement, mais je ne voulais pas faire comme tout le monde et soutenir Paris, Lyon ou Marseille. Je voulais un club avec des supporters dont je me sentais proche, et c’est ce feeling que j’ai eu avec Toulouse. Le match contre Liverpool en 2007, en tour préliminaire de Ligue des champions, a été le déclic. Depuis, j’en suis addict. Puis de toute façon, quand vous vous faites tatouer sur le bras le discours de Pascal Dupraz avant le match à Angers, c’est bien qu’il doit y avoir de la folie. Mais surtout de l’amour. »

Propos recueillis par Arthur Stroebele

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