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Steven Mendoza, au nom du frère

Par Antoine Donnarieix
Steven Mendoza, au nom du frère

Appelé pour la première fois de sa carrière en équipe nationale de Colombie, Stiven Mendoza a tapé dans l’œil de Carlos Queiroz pour les matchs amicaux à venir face au Pérou et l’Équateur. Pour le milieu offensif d’Amiens, cette convocation signifie le début d’une nouvelle étape : désormais, l’homme doit colorer un destin cabossé par le récent assassinat de son frère.

Une contre-attaque d’école peut parfois se boucler en une passe, un dribble et une frappe limpide. Pour Stiven Mendoza, l’heure de montrer ses qualités contre un gros poisson de Ligue 1 est arrivée le 4 octobre dernier. Pour la réception de l’Olympique de Marseille, le numéro 20 amiénois envoie un bouquet final somptueux pour assurer la victoire de son équipe à La Licorne : appel en profondeur impeccable pour permettre à son coéquipier Fousseni Diabaté de le mettre en orbite, feinte de frappe magnifique pour faire tacler dans le vide Lucas Perrin, frappe du plat du pied gauche pour effacer Steve Mandanda. Tranquille jusque dans sa célébration, Mendoza rassure. « En tant que médecin, la manière dont il célébrait les buts me faisait toujours un peu flipper, explique Gustavo Portela, chef du département médical du Deportivo Cali depuis 2011. Il est capable de faire des sauts périlleux dans les airs, de se lâcher… Stiven ne s’est jamais blessé à cause de cela, mais je remarque qu’il le fait moins désormais. » Sans doute un mal pour un bien : à 27 ans, le voilà membre de la sélection colombienne de football.

Galères à Cali, Makélélé et globe-trotter

À vrai dire, le talent de Mendoza n’est pas passé inaperçu pendant tout ce temps aux yeux de la Fiebre Amarilla (Fièvre jaune, en VF). Passé par les catégories U17 et U20 en équipe nationale, l’ailier gauche a emprunté des routes parfois sinueuses avant d’atteindre la reconnaissance ultime. « À sept ans je m’en foutais du football, j’étais déjà dans le conflit, décrit l’intéressé en 2013. Mon frère pensait devenir footballeur, mais pour moi, c’était loin d’être le cas. Et aujourd’hui, mon rêve est de jouer pour le Real Madrid ou Manchester. » Issu de Palmira, une ville de 500 000 habitants située à une demi-heure du centre-ville de Cali, Mendoza grandit dans un « quartier marginalisé » avec des conditions de vie sociale limitée au milieu d’une grande sœur et deux frères. « La jeunesse de ce garçon n’est pas aussi saine que celle de James Rodríguez par exemple, souligne Portela. Les gens issus de la classe moyenne possèdent un foyer uni avec un père et une mère, des études à l’université, des tickets de bus ou de quoi manger trois fois par jour. Stiven ne possédait pas cela, ce n’était pas facile. » Malgré cela, le jeune se distingue par sa vélocité et son habileté balle au pied pour effectuer un bout de formation au Deportivo Cali entre 2007 et 2009. La majorité bientôt dépassée, Mendoza signe son premier contrat professionnel au FC Envigado, club situé au sud de Medellín.

Actuel préparateur physique du FC Envigado, John Hernández a vu éclore des talents comme James Rodríguez, Juan Fernando Quintero ou Fredy Guarín. Si Mendoza est perçu dans un premier temps comme « timide » , il dégage également un « côté rebelle » . « Je me souviens d’un déplacement pour un match U20 organisé à Bogotá, raconte Hernández. Au retour, la route principale était fermée, nous devions passer par Ibagué. Nous venions de faire match nul, et Stiven était très mécontent du résultat. Pendant quatorze heures de trajet, il est resté assis sur son siège sans parler, sans descendre pendant les pauses et sans manger alors qu’on allait au restaurant. Nous avons dîné à Ibagué et il est resté dans le bus. Il avait sa capuche sur la tête, il regardait par la vitre et il est descendu uniquement à Medellín. Cela se voyait qu’il avait la rage. » Toujours considéré parmi les meilleurs joueurs de l’effectif, ce gaucher surnommé Makélélé au pays (en référence à la supposée ressemblance physique avec l’ancien milieu tricolore et sa capacité à aller au combat) rejoint le Deportivo Cali pour une pige d’un an, puis vagabonde à l’international entre la Super League indienne avec Marco Materazzi en entraîneur, la MLS où il partage le vestiaire avec David Villa et Patrick Vieira au New York City FC, puis le championnat brésilien, où Corinthians décide de le céder à Amiens lors de l’hiver 2017 pour 1 million d’euros.

Souviens-toi, l’été dernier…

Adapté à la Picardie avec son épouse et ses deux filles, Stiven Mendoza s’impose désormais comme un titulaire indiscutable au sein du SC Amiens. Un an et demi plus tard, le Colombien est à la recherche d’une saison aussi complète que décisive dans la quête d’une place chez les Cafeteros, son « objectif principal » . Malheureusement, deux mauvaises nouvelles viennent tronquer son début de saison. La première arrive pendant une période de préparation physique individuelle en Colombie, où Stiven subit un braquage avec un revolver braqué sur sa tempe dans les rues de Medellín. La deuxième est bien plus tragique encore : le 5 septembre 2019, son petit frère Jeison, également footballeur professionnel, est tué par balles à Cali au volant de sa voiture alors qu’il venait tout juste de rendre visite à sa mère. À l’heure actuelle, les conclusions de l’enquête criminelle sont encore inconnues. Loin du tumulte de la Colombie, Mendoza est parvenu à rejoindre les pelouses de Ligue 1 pour inscrire quatre buts en sept journées avec un mental en acier. Voilà de quoi redevenir une référence internationale et dédicacer chacun de ses buts à Jeison, le regard et les bras tournés vers le ciel.

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Par Antoine Donnarieix

Tous propos recueillis par AD, sauf ceux de Mendoza dans El Espectador

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