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Stéphane Dalmat : « Après le match, il y avait un silence de cathédrale »

Propos recueillis par Loïc Bessière

Il y a 20 ans, l’AC Milan et l’Inter Milan se retrouvaient déjà en demi-finales de la Ligue des champions. Sur la feuille de match, que des cracks : Paolo Maldini, Clarence Seedorf, Javier Zanetti, Hernán Crespo... Et au milieu de cette pléiade de stars, un Frenchie, Stéphane Dalmat. L'ancien Parisien rumine encore cette élimination sans défaite.

Stephane Dalmat and Paolo Maldini
Stephane Dalmat and Paolo Maldini Photo by Icon sport

Pourquoi, pour vous, cette double confrontation contre le voisin milanais et le meilleur mais aussi le pire souvenir de votre passage à l’Inter (janvier 2000-août 2003) ? 

C’est le meilleur car c’est une demie de Ligue des Champions, mais aussi le pire car on est éliminés après deux matchs nuls, ce qui est rarissime. Si tu perds, tu perds, mais là…

Comment le vestiaire a-t-il réagi à l’annonce de ce derby de la Madonnina ? 

Peu importe l’adversaire, c’était une demie. Sur le papier, nous étions l’équipe la moins forte. De l’autre côté, il y avait le Real et la Juve. On était content car on savait qu’on allait prendre un des trois, mais cela nous évitait un déplacement…

À ce moment-là de la saison, après beaucoup de matchs, se déplacer est quelque chose qui compte ? 

Oui, on avait fait un long parcours en Ligue des champions, et faire des mises au vert au centre d’entraînement, dans nos chambres, c’était un peu plus tranquille. Héctor Cúper était toujours très strict avec les mises au vert. Ça ne rigolait pas trop avec lui. À l’extérieur, c’est normal, car on partait la veille du match. Par contre, à domicile, on voulait négocier, mais il ne voulait rien savoir ! On s’entraînait l’après-midi, vers 16 heures, et après on rentrait dans nos chambres. Pendant une période, j’étais plus souvent dans les hôtels ou au centre d’entraînement que chez moi…

Vous avez une élongation à l’adducteur lors du match aller. Quel souvenir en gardez-vous depuis les tribunes ?

J’étais un peu angoissé. Il y a eu ce 0-0 en se disant qu’au retour, si on se prend un but, cela serait compliqué… On n’était pas en bonne posture.

Quel était le discours d’Héctor Cúper avant le match retour ? 

Il n’y avait pas de grands discours. Il y avait des joueurs d’expérience, on savait que l’on devait gagner, donc il nous a juste dit des trucs tactiques par rapport au match aller, sur comment attaquer et défendre. Il n’y avait pas 36 discours à faire.

Avec Obafemi Martins, Héctor Cúper nous prend à part et nous dit : « Faites-nous gagner le match ! » On s’est regardés et on y est allés.

Stéphane Dalmat

Andreï Shevchenko marque juste avant la mi-temps. Au retour des vestiaires, vous rentrez. Choix tactique ?

Je pense qu’il y avait un problème au milieu de terrain. En plus, on perdait 1-0, il fallait mettre un joueur plus offensif. Luigi Di Biagio était la sentinelle devant la défense, donc, dès la mi-temps, je suis rentré pour apporter offensivement. Je rentre en même temps qu’Obafemi Martins. Héctor Cúper nous prend à part et nous dit : « Faites-nous gagner le match ! » On s’est regardés et on y est allés. En face, il y avait du lourd au milieu avec Rui Costa, Andrea Pirlo, Clarence Seedorf et Gennaro Gattuso. C’était compliqué, mais on a essayé de tenir tête. Eux aussi avaient peur de nous et nous respectaient. Il y a eu des duels, des fois je gagnais, des fois c’était Gattuso ou Seedorf. Il y a eu un acharnement au milieu de terrain. Cela a été du 50-50, mais, malheureusement, cela s’est joué à pas grand-chose… En dehors des terrains, c’était très cordial entre nous. Nous nous connaissions, il y avait des embrassades. Mais sur le terrain, c’était chacun pour soi.

Quand Obafemi Martins égalise (1-1, 83e), soutenu par tout Giuseppe-Meazza, y croyez-vous ? 

Bien sûr, c’était un truc de fou. Après le but, dès qu’on récupérait le ballon, on essayait de forcer pour marquer. Il y avait une ambiance de folie, le stade nous avait poussés à n’en plus finir !

En dehors des terrains, c’était très cordial entre nous. Nous nous connaissions, il y avait des embrassades. Mais sur le terrain, c’était chacun pour soi.

Stéphane Dalmat

Quel moment de cette demie reste gravé dans votre mémoire ? 

C’est le calme qui régnait dans le vestiaire. Après le match, personne ne parlait, il y avait un silence de cathédrale. Chacun s’est déshabillé, a pris sa douche et est parti de son côté avec le sentiment d’avoir loupé quelque chose de très grand. L’année d’avant, on avait perdu la Serie A à la dernière journée, et cela avait été mal digéré. Derrière, on réussit à se battre de nouveau pour le titre, mais, petit à petit, il y a ce parcours en Ligue des champions. Lors de la demie, on se dit que c’est cuit pour le championnat. On avait donc tout misé sur la Coupe d’Europe. Il y avait de la fierté d’avoir fait ce parcours, mais je retiens qu’on est éliminés sans perdre… Cela rend les choses plus énervantes ! La saison était presque finie, on se dit que c’était encore la malédiction du 5 mai 2002. (L’Inter, première, laisse échapper le titre à la dernière journée et termine 3e, NDLR).

Dans le vestiaire, vous y croyez, à cette malédiction ?

Je ne sais pas, mais j’y ai pensé, oui. En 2002, cela faisait longtemps que le club attendait une Serie A (depuis 1989), et on s’est écroulés. Et là, rebelote ! Avec un titre de champion et une C1, ma carrière aurait sûrement été différente que celle que j’ai eue ensuite. En finale, on aurait battu la Juventus ! À cette période de l’année, les joueurs de la Juve étaient très fatigués, ils avaient fait une saison très éprouvante. Quand j’ai su qu’ils avaient éliminé le Real, je savais que si nous battions le Milan, on remporterait la finale.

Pensez-vous l’Inter capable de se qualifier en finale cette année ? 

Je le pense sincèrement. Peut-être qu’on va dire aux joueurs qu’ils sont dans la même position que les anciens d’il y a 20 ans. Cela peut être une source de motivation en plus, même si je ne sais pas comment ils réagiraient. Peut-être que Javier Zanetti (bras droit du président de l’Inter, NDLR) en parlera individuellement à certains. Mais cela peut être une revanche. Ils auront envie de gagner cette demie contre le Milan. Cela sera un match contre une belle équipe, cela sera du 50-50.

Comme en 2003, l’Inter recevra au match retour. La règle du but à l’extérieur n’existe plus. Est-ce le moment de conjurer le sort ? 

Si cette règle était toujours là, j’aurais peut-être dit que l’histoire se répéterait. Maintenant, il faut essayer de faire un bon résultat à l’aller, mais cela ne représente plus grand-chose. J’attends ce match avec impatience ! Je serai présent à San Siro pour le retour. J’y vais avec un ami, mais je pense trouver pas mal d’anciens pour parler de la vie, de ce que l’on devient, mais aussi du passé. J’espère une victoire de l’Inter au match aller pour venir au stade plus sereinement et que l’on puisse célébrer !

Propos recueillis par Loïc Bessière

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