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Sous la vague ten Hag

Par Maxime Brigand
Sous la vague ten Hag

Propriétaire de l'une des meilleures défenses de la phase de poules de C1 avant de recevoir le Bayern mercredi soir, l'Ajax s'apprête à retrouver les huitièmes de finale de la compétition pour la première fois depuis 2006. Une performance que le géant néerlandais doit en grande partie au quadra à crâne lisse qui tient son banc : Erik ten Hag.

Une gorgée d’eau, un rire nerveux, et en avant : pourquoi se cacher ? « Ce soir, nous avons été insolents et audacieux. Nous sommes allés presser le Bayern très haut et ça ne lui a pas plu. Avant le match, on s’était dit que prendre un point ici serait déjà excellent. Mais, finalement, il n’y a que les dix premières minutes qui ont été difficiles. Pour le reste, je vais être honnête : nous aurions dû gagner. » Un dernier hochement de tête, Erik ten Hag quitte la salle. Insatisfait, éternellement insatisfait, et ce, malgré un point précieux (1-1) ramené d’un voyage à Munich où l’on promettait l’enfer à son Ajax. L’enfer, pour une raison historique simple : depuis 2010, le Bayern transforme chaque match joué à domicile en phase de poules de Ligue des champions en démonstration (27 matchs disputés, 25 victoires, 85 buts marqués, 16 encaissés, une petite défaite – face à Manchester City 2-3, le 10 décembre 2013, alors que le club bavarois était déjà qualifié pour les huitièmes de finale). L’insatisfaction, elle aussi, a sa raison : elle est humaine, touche à l’essence du métier d’entraîneur et à la sensation d’avoir touché du bout du doigt un exploit encore plus grand que celui que l’on tient entre ses mains. Peu importe, le 2 octobre dernier, à l’Allianz Arena, Erik ten Hag a réussi à tamponner son message : l’Ajax est bien de retour et est même déjà qualifié, avant de retrouver le Bayern mercredi soir, pour les huitièmes de finale. Une première depuis 2006. Brillant.

L’obsédé du jeu

« Brillant » : un mot qui revient depuis plusieurs mois, de partout. Il est là pour Frenkie de Jong, milieu créatif de 21 ans devenu joueur GIF, adoubé par Kylian Mbappé, dragué par le PSG, le Barça ou encore Manchester City. Bref, une merveille. Il est aussi là pour Matthijs de Ligt, un colosse de 19 piges certifié Ajax, conservé par miracle l’été dernier par le club et dont l’avenir s’écrira au cœur de la défense d’un gros d’Europe. C’est tout ? Non, à Amsterdam, on trouve aussi sur l’étagère Nicolás Tagliafico, Noussair Mazrai, le buteur de Munich Donny van de Beek ou encore Hakim Ziyech, évidemment. Des cadres qui pourraient être mis au repos mercredi soir, ce qui ne fait pas peur à la fameuse tête pensante de la machine : le fameux Ten Hag, quadra au crâne lisse et à la réputation d’ « obsédé du jeu » . L’étiquette vient de loin, mais peut-être avant tout de Munich, justement, où l’ancien joueur du FC Twente est venu s’affûter en tant que coach entre 2013 et 2015 après avoir fait ses premiers pas en tant que numéro un au volant de Go Ahead Eagles (sixième d’Eerste Divisie lors de la saison 2012-2013).

En Bavière, Erik ten Hag aura récupéré les commandes du Bayern Munich II. Une idée de Matthias Sammer qui aura permis à l’intéressé de se retrouver planté au milieu du mariage fou entre Pep Guardiola et le Bayern, entre le pragmatisme et l’esthétisme. Ce qui a surtout filé au jeune coach néerlandais la possibilité de multiplier les échanges avec son supérieur catalan et de s’ajuster une règle sacrée à la ceinture pour la suite de sa carrière : le refus du « compromis » . Comme Guardiola, Erik ten Hag est un type qui veut maîtriser, tout maîtriser. Sa première pierre, ten Hag l’a alors posée à Utrecht, club qu’il a réussi à ramener lors de deux saisons consécutives (2015-2017) dans le top 5 d’Eredivisie – une première depuis 2001 pour le club – et en finale de la Coupe des Pays-Bas, en 2016, face au Feyenoord.

Grâce à quoi ? À une révolution, pure et simple, Utrecht étant à son arrivée au printemps 2015 à la ramasse financièrement et ayant été incapable de relancer une génération aussi prometteuse que celle de la saison 2009-2010 (Mertens, Vorm, Van Wolfswinkel). Résultat, Erik ten Hag a professionnalisé le club, bossé sur la diététique, a fait avaler des statistiques à son staff et refaire le terrain par les jardiniers du golf du coin. Son objectif assumé ? Développer progressivement un football attractif, qui pousse le spectateur à revenir dans un stade Galgenwaard mythique et où chaque joueur X est traité avec précision. Le 4-3-3 cher au foot hollandais ? De la foutaise à ses yeux à l’époque, lui préfère multiplier les approches, du 5-3-2 au 4-4-2 en losange, tout en n’hésitant pas à filer à ses attaquants un rôle crucial dans le pressing : un positionnement entre le latéral et le central, afin de forcer l’adversaire à jouer au centre du terrain où Ten Hag concentre l’essence de son approche.

Football insolent et émotif

Et cela a marché, rapidement, Utrecht cognant l’Ajax dès la première saison d’Erik ten Hag sur le banc et s’offrant un frisson historique contre le Zénith, en Ligue Europa, lors de l’été 2017 (1-0, 0-2 a.p.) lors d’une soirée terminée par une salle de presse de Saint-Pétersbourg debout pour saluer la performance des Néerlandais. Trois mois plus tard, alors que l’Ajax vivait une énième crise interne conclue par le départ de Marcel Keizer et de ses adjoints (Bergkamp, Spijkerman), son nom a logiquement été avancé par le directeur du football du club, Marc Overmars, qui avait connu ten Hag à Go Ahead Eagles. Depuis, c’est le grand bain, les grands essais, le grand laboratoire, mais surtout le retour de l’Ajax qui sourit de nouveau dans le jeu, via une large liberté de mouvements offerte aux trois ampoules offensives (Ziyech, Tadić, Neres) qui entourent Huntelaar, et la grande participation des latéraux (Mazraoui et Tagliafico, deux joueurs qui avaient touché près de 60 ballons à Munich).

Tradition oblige, Erik ten Hag alterne cette saison entre le 4-3-3 historique de la maison et le 4-2-3-1 vu à l’Allianz Arena, au sein duquel le rôle de Daley Blind est crucial. L’important, désormais, est de voir ce que cette équipe a dans le ventre via la conquête d’un titre, seul élément qui viendra « valider » l’approche verticale de Ten Hag alors que l’Ajax cavale toujours derrière le PSV en Eredivisie. La réception du Bayern, mercredi soir, est l’occasion de frapper un nouveau coup et de confirmer la tendance d’un football émotion qui renaît à Amsterdam : cette saison, regarder l’Ajax, c’est l’assurance de ne pas piquer du nez. C’est aussi ça, le fruit de l’insolence et de l’audace.

Par Maxime Brigand

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