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Soprano : « La première fois que j’ai rencontré Zidane, je n’arrivais pas à parler »

Propos recueillis par Flavien Bories
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Supporter de football et fan de l'OM, Soprano a accepté de causer ballon rond entre deux concerts.

Tu vas te produire ce vendredi 11 et ce samedi 12 octobre au Vélodrome. C’est un truc de fou. Ce n’est pas pareil, c’est à la maison. Dans le public, des gens m’ont vu petit, d’ancien profs, ceux de mes enfants, mon boucher, mes parents, ma famille, des gens de mon quartier que je n’ai pas vu depuis longtemps. Quand tu travailles avec tes parents à côté, ce n’est pas pareil. Il y a certaines émotions que tu ne montres pas devant eux.

Il y a davantage de pudeur ?

Au Vélodrome, les émotions sont multipliées par douze, non par treize, restons à Marseille.

Plus de pudeur, d’émotion, c’est spécial. Déjà dans un stade c’est impressionnant. Il y a du monde, ce n’est pas une salle de concert habituelle, l’ambiance est différente, décuplée. Et quand c’est l’endroit dans lequel tu viens depuis tout petit pour supporter ton club de cœur, les émotions sont multipliées par douze, non par treize, restons à Marseille.

Tes souvenirs de foot avec tes parents ? Un des premiers, c’est quand l’OM a gagné la Ligue des champions, c’était la première fois que je voyais mon père comme ça. Il avait pris les casseroles comme tout le monde, il tapait, on entendait ça dans tout le quartier. En fait, mon père était timide. Quand tu grandis, tu comprends que le père, ce n’est pas qu’il n’a pas envie de parler avec toi, mais c’est qu’il ne sait pas quoi te dire. Du coup, quand il rentrait du travail, il y avait des silences, mais quand il y avait le foot, il se disait : « C’est peut-être le truc qui me permettra de parler avec lui. » Mais ensuite, il n’y avait plus rien. (Rires.) Les matchs nous ont permis d’avoir de la complicité et des liens.

Tu partages pas mal de moments de foot avec tes enfants.

Ce qui est bien avec des compétitions comme la Coupe du monde, c’est que ça te permet de nouer des liens avec ton fils.

Oui, surtout avec mon fils, et j’ai la chance que ma femme aussi soit fan de foot et de l’OM. Ce qui est bien avec des compétitions comme la Coupe du monde, c’est que ça te permet de nouer des liens avec ton fils. Si j’avais raté un match parce que j’étais en concert ou en studio, il me disait : « Tu n’as pas vu, il a marqué tel but, il a fait ça, il était dans tel club. » Il a 10 ans, le petit, et pourtant, tu arrives à avoir une conversation.

Un match que tu aimerais ou aurais aimé lui faire voir ? Aujourd’hui, ce n’est plus possible, mais ça aurait été Barça – Real avec Messi et Ronaldo. Ça aurait été un truc de fou, j’aurais été le meilleur des pères. Mon fils aurait vécu un truc qu’il aurait gardé toute sa vie. Les deux légendes du foot ensemble en train de jouer, magnifique ! Maintenant que Cristiano joue à la Juve, ce n’est pas pareil, ce n’est pas la même chose qu’un Barça-Real. Mon fils est plus Griezmann, mais s’il avait pu voir ces deux légendes… Moi, j’ai vécu la fin de Maradona par exemple, je m’en rappellerai toute ma vie. J’ai vu une Coupe du monde avec Maradona !


Pour parler société, beaucoup de Français supportent l’équipe de leur origine, parfois face à la France, et ce n’est pas toujours bien vu.

On est français, on représente la France, on est content quand elle gagne, on est tous derrière, mais si elle joue contre les Comores, qu’est-ce que je fais ?

C’est une bonne question, j’avais ce débat avec un collègue. On est français, on représente la France, on est content quand elle gagne, on est tous derrière, mais si elle joue contre les Comores, qu’est-ce que je fais ? (Rires.) Ou quand la France jouera l’Algérie, qu’est-ce qu’ils vont faire tous ? En 2002 pour France-Sénégal, j’avais des amis torturés, mais la plupart ont dit : « En fin de compte, on est pour le Sénégal. » Je suis d’accord, mais tu es français. Si tu vas au Sénégal plus de quatre mois… Allez j’exagère, deux mois, après les vacances tu vas dire : « Je retourne chez moi. » C’est très, très compliqué pour nous parce que même sur un terrain de foot, on est assis entre deux chaises. C’est un peu compliqué et c’est un problème qui se posera encore longtemps. En revanche, je me rappelle que pendant la Coupe du monde, certains membres de l’extrême droite parlaient de l’équipe de France (à propos du nombre de joueurs noirs, N.D.L.R.), on m’avait demandé ce que j’en pensais et j’avais répondu : « En 2018, on n’a plus à se poser ce genre de questions. Aux États-Unis, avec leur équipe de basket, il n’y a pas ces problèmes. Pourquoi les avons-nous ici ? » En plus là-bas, ils ont Trump comme président. Tout le monde se sent américain. Je ne comprends pas pourquoi on regarde l’origine ici, mais ça contredit un peu ce que je te disais avant. C’est compliqué, c’est pour ça que c’est une bonne question.

Petit, tu étais dans le groupe de supporters « Marseille Trop Puissant » . Quand j’étais petit, j’y suis allé avec un collègue qui s’appelle Minot. La première fois, j’ai été choqué par la ferveur des gens. Bien sûr, je les connaissais, mais quand tu es dans le virage, tu ressens la ferveur, et le truc qui m’avait choqué, c’est que les gens ne regardent pas le match, ils viennent pour faire la fête. Quand un mec est comme ça tout le long (il imite le capo), tu ne regardes pas le match, en plus tu es placé dans un angle, sur le côté. Ça m’avait choqué. Des gens torse nu en train de crier pour un match qu’ils ne voient pas. Après, j’ai compris qu’ils n’étaient là que pour les soutenir. S’ils avaient vraiment voulu regarder le match, ils l’auraient fait de chez eux. C’était vraiment le 12e homme. Mon meilleur souvenir, j’avais déjà commencé à chanter à l’époque, c’est quand les gens m’ont demandé de faire une chanson pour le virage pour pouvoir supporter l’équipe. Quand tes chansons passent, que les gens les chantent dans les virages, ça te donne des frissons.


Tes rencontres avec Zidane t’ont marqué. Pire que ça ! La première fois, je n’arrivais pas à parler, et le pire, c’est que c’est lui qui est venu me voir. J’étais totalement choqué. Il est entré dans la loge dans laquelle j’étais : « Salut Soprano, ça va ? Je voulais te dire bonjour. » Je n’arrivais plus à parler. Je lui ai dit : « On peut faire une photo ? » La photo est floue tellement je tremblais. C’est le plus bel exemple de réussite pour nous. On vient d’un quartier proche, pour moi, c’est une légende du foot, champion du monde, couronné en tant qu’entraîneur, c’est la grande classe.

Pourquoi Zidane fait autant l’unanimité en France ? Quel est son secret ? Sa discrétion, sa classe, son humilité sur et en dehors du terrain. Les gens aiment ceux qui sont là pour donner.

Zidane fera toujours l’unanimité, parce que c’est le premier à nous avoir ramené la Coupe du monde et il a fait des trucs… on avait l’impression que le temps s’arrêtait.

Sur le terrain, c’était ça, comme Iniesta qui n’a jamais eu le Ballon d’or, mais pourtant c’était le meilleur joueur, même si Messi est extraordinaire. Zidane, c’était le cœur, le poumon avec classe. Il a toujours été là au moment décisif pour nous amener le plus loin possible ou nous faire gagner quelque chose comme la Coupe du monde. Après attention, il est français parce qu’il nous a apporté tout ça, mais quand il a mis le coup de boule, ça a été dans certains médias : « L’Algérien colérique des quartiers qui met le coup de boule. » Je l’ai déjà lu ça, et ça m’a un peu cassé les pieds. Quand c’est positif, on est français, et quand il y a un truc négatif, on souligne un peu l’origine. Mais après, il fera toujours l’unanimité, parce que c’est le premier à nous avoir ramené la Coupe du monde et il a fait des trucs… on avait l’impression que le temps s’arrêtait.

Propos recueillis par Flavien Bories

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