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Si les icônes du rap français étaient des clubs de foot…

Par Mathieu Faure
Si les icônes du rap français étaient des clubs de foot…

Jérémy Ménez dans Chargeur plein de Zesau, Karim Benzema qui délaisse Rohff pour les faveurs de Booba, les mecs du 113 abonnés au virage Auteuil, Soprano qui invite Pape Diouf dans un clip, bref, entre le football et le hip-hop, c'est des une-deux à la pelle. Mais qu'est-ce que ça donnerait si les icônes du rap français étaient des équipes de football…

L’École du micro d’argent d’IAM = L’OM 1993

À jamais les premiers. Dans cet album d’IAM – enregistré à New York – il y a tout : du bon son, des rimes, des mots, des messages, du flow, des featuring, une production au poil et un savant mélange intellect-rue. 1 million de supporters vont se ruer dans les tribunes de cette école. Comme l’OM en 1993, rien ne résiste à « La Saga » de Raymond Goethals. Dans sa tour d’ivoire, Jean-Claude Gaudin-Skywalker doit lustrer son sabre quand l’OM braque l’AC Milan en finale de Ligue des champions à Munich. La tête de Basile Boli permet à « L’empire du côté obscur » de devenir le premier et l’unique vainqueur français d’une C1, le prochain vainqueur tricolore ça n’est pas pour demain. D’autant que « Demain, c’est loin » . Le 26 mai est maintenant une date déposée. L’École du micro d’argent, un album breveté. Il y a du génie dans ce disque. Comme dans cette victoire.

Les X = le PSG Banlieue des 2000’s

Début des années 90, les X-Men (qui vont vite devenir les X) font leurs armes dans un label indépendant appelé Time Bomb. Dans le réacteur de ce label indé, les X parlent tactique avec Booba, Oxmo Puccino, Pit Baccardi. Sur les ondes, ça envoie des « fuck » aux majors tout en balançant des rimes hardcores sur le beat. Avec le temps, les X s’enflamment et bossent sur Jeunes, coupables et libres, qui doit être leur chef-d’œuvre. Avant même la sortie du disque, la France a peur. Sur le papier, ça doit révolutionner le genre. Les gamins de Ménilmontant sont trop doués pour se planter. Un peu comme le PSG de l’an 2000 où Dalmat, Luccin, Anelka, Mendy ou Distin sont là pour faire du club de la capitale un étendard de la grande couronne. Le club veut devenir jeune, branché, faussement bad boy et présent dans les quartiers. L’idée est nouvelle, prometteuse, bandante. Promis aux cimes du hip-hop français, les X ne vont jamais prendre le pouvoir. Un morceau culte dans la BO de Ma 6-T va cracker et basta pour le grand public. Le film de Richet, c’est leur PSG-Rosenborg à eux. Un 7-2 d’anthologie en guise de crépuscule.

Première consultation de Doc Gynéco = l’Ajax des années 70

Près de 20 ans après son arrivée dans les bacs, le premier album du Doc reste une référence absolue dans le rap game. L’album – vendu à 1 million d’exemplaires – a donné au rappeur français une image de macho, vicieux, cynique et sauvageon. Pourtant, c’est un classique. Une référence. Une ode à la liberté où tout est accepté dans le vestiaire : le suicide tactique ( « Vanessa » ), pécho la femme de ton capitaine ( « Celui qui vient chez toi » ) ou la formation ( « Né ici » , « Dans ma rue » ). Bref, le Doc, c’est Johan Cruijff et Rinus Michels en même temps. Là où les Ajacides utilisaient toute la largeur du terrain pour élever le football au rang total et la polyvalence pour broyer ses adversaires, le Doc a balancé 15 pistes toutes aussi solides les unes que les autres. Pas de temps mort. Pour Michels, les changements incessants de position de ses joueurs étaient un gage de son succès. En 2014, vous pouvez vous enfiler Première consultation en mode random, le succès est toujours au rendez-vous. Au coup de sifflet final, la C1 est dans votre besace.

Le Clash de Suprême NTM = le Bayern façon FC Hollywood

JoeyStarr, Kool Shen. Deux avants-centres qui ont martyrisé les ficelles des ondes pendant dix ans à coups de rimes. En 2001, les deux patrons du Suprême NTM n’ont plus rien à prouver en duo, leur groupe est au sommet du rap français avec 4 albums salués par les critiques. Mais voilà, une guerre d’ego vivote entre les deux. Vient alors l’idée du Clash. D’un côté, le collectif de Kool Shen (IV My People), de l’autre celui de JoeyStarr (B.O.S.S). Le Clash va s’étaler sur 5 rounds sans trouver de vainqueur, à l’instar du Bayern Munich des années 90 où Stefan Effenberg et Lothan Matthaüs se disputaient le titre du meilleur MC de Bavière. Incapable de vivre dans l’ombre de l’autre, les deux joueurs partaient en sucette très régulièrement. Effenberg se permettait même du freestyle risqué : d’après lui, les mecs qui pointent au chômage sont des paresseux qui préfèrent toucher le chèque de l’ANPE teutonne. Bizarrement, le Bayern ne régnera jamais sur l’Europe dans cette ambiance de merde. Pour NTM, c’est pareil, il faudra attendre que JoeyStarr accepte de se faire filmer H24 dans une pseudo téléréalité pour que la magie opère de nouveau (60 jours 60 nuits). Depuis, JoeyStarr est redevenu un winner, et NTM a même fait un retour très apprécié. Comme le Bayern qui marche actuellement sur l’Europe.

Le Ministère A.M.E.R = L’Inter de Mourinho

Une bande de copains qui devient trop gênante pour les hautes sphères. Voilà le lien qui unit le Ministère A.M.E.R à l’Inter Milan de José Mourinho, auteur d’un formidable triplé en 2010. Rappeur de Sarcelles, le Ministère se fait connaître par des textes très durs, uniques, balancés par des jeunes sans référence : Stomy Bugsy, Passi, Hamed Daye, Moda ou encore Kenzy. Ce dernier est le cerveau de la bande. Leur José Mourinho à eux. Dans un éclair tactique de génie, Kenzy va surfer sur la base du Ministère pour transformer tout ça en version mercantile : le Secteur Ä. Ses recrues vont faire la différence puisqu’il ramène Arsenik, Neg’Marrons et Doc Gynéco pour muscler son onze de départ. Une évolution qui ramène des titres. José a transformé l’Inter de Roberto Mancini en patron de l’Europe avec ses gars sûrs : Diego Milito, Thiago Motta, Sneijder, Eto’o ou Lúcio. Kenzy a pris en main un groupe censuré par le CSA pour l’amener à l’Olympia. En fait, ces deux histoires ont fonctionné au même schéma tactique : le talent et les couilles.

Mauvais œil de Lunatic = le Danemark 1992

Rien ne prédestinait le Danemark ou le premier album du tandem Booba-Ali à faire partie des meubles de leur domaine de prédilection. Comme le Danemark – initialement pas qualifié pour l’Euro 92 –, le premier album de Lunatic doit grandir dans le vide. Boycotté par Skyrock et la plupart des stations de radio, qui ne souhaitaient pas diffuser les singles de l’album, Mauvais œil se démerde tout seul pour arriver au sommet. Le sommet, c’est 130 000 ventes avec des textes provocants ( « Et en plus ils veulent qu’on dégage, après ces fils de putes s’étonnent quand y a des clous dans les bouteilles de gaz » ) et une musique d’enterrement. Peu importe, ça fait un titre sur le CV. La bande à Peter Schmeichel va également s’élever sans aide extérieure. Invitée de dernière minute suite à l’éviction de la Yougoslavie en pleine guerre civile, la sélection danoise va braquer l’Euro 92 sans prévenir. Les Danois débarquent pourtant en claquettes. Personne ne s’intéresse à eux. Pas grave, ça file au bout avec un Brian Laudrup de gala. Dans le milieu, on appelle ça un classique. Un truc éphémère, mais inoubliable.

Le combat continue d’Ideal J : le Milan de Sacchi

Tout est une histoire de discipline. Adolescents, Kery James, Teddy Corona, Rocco, Selim du 9.4 et Jessy Money fondent Ideal J. C’est fluide, réfléchi, hors norme, avec une production jamais vue jusqu’ici. Aux manettes, DJ Mehdi, l’Arrigo Sacchi des platines. Sur le pré, le quintet a également de la gueule avec Ancelotti, Baresi, Rijkaard, Gullit et Van Basten. Rigoureux, organisé, c’est limite scientifique et irrésistible. Le Milan de Sacchi était le projet d’un seul homme, Le combat continue sera celui de Kery James. Un drapeau français froissé en couv’ et un titre mythique : « Hardcore » . Sacchi, Kery, deux cranés rasés mythiques. Ideal J a sorti deux albums, deux claques. Sacchi, lui, reste le dernier homme à avoir réussi à conserver sa C1 (1989, 1990).

Sexion d’Assaut = Manchester United 1997-2003

Des copains partis de rien pour finir en tête des ventes I-Tunes dix ans plus tard. Dans le rôle de Maître Gimms, David Beckham, pas forcément le plus talentueux de la bande, mais le plus bankable et celui que les médias s’arrachent. Au départ, pas de strass ni paillette, juste des individualités qui font des étincelles quand elles s’accordent, c’est la génération 92 de United (Giggs, Beckham, Scholes, les Neville, Butt). Vainqueur de l’équivalent de la Gambardella anglaise, cette génération dorée va permettre aux Red Devils de finir sur le toit de l’Europe un soir de mai 1999 avec un formidable triplé au bout. Des mômes qui forment une équipe, le Wati-B avant l’heure, quoi. En fait, c’est simple, la génération 92, c’est la Sexion d’Assaut, le Wati-B le club, et Black M, c’est Nicky Butt.

Par Mathieu Faure

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