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« Se dire qu’on a pris deux balles, c’est irrationnel »

Propos recueillis par Romain Duchâteau
«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Se dire qu’on a pris deux balles, c’est irrationnel<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il y a eu un avant et un après. Le 8 janvier 2010, en pleine CAN, le car transportant la sélection du Togo est mitraillé par des rebelles de l’enclave de Cabinda à la frontière angolaise. Deux personnes perdent la vie. Serge Akakpo, lui, prend deux balles dans le dos et s’en sort miraculeusement. Mais, depuis ce jour-là, le destin du défenseur franco-togolais a basculé. Le joueur et l’homme ont dû se reconstruire. Dans la solitude, l’incompréhension et même l’indifférence. Témoignage d’une rare intensité.

Avant d’arriver en France, tu es né à Lomé, capitale du Togo. Est-ce que tu gardes quelques bribes de souvenirs de tes premiers pas en Afrique ?J’étais très jeune quand je suis arrivé en France, je devais avoir six ans. Je garde de bons souvenirs de mon enfance en Afrique. Elle a été très heureuse et a été bercée de beaucoup d’amour. Parce qu’il y avait beaucoup de membres de ma famille autour de moi. J’étais un enfant assez protégé, en fait. En revanche, j’étais turbulent quand j’étais petit, très agité. La meilleure chose que je garde de cette époque, ce sont les valeurs et les principes que j’ai appris à cette époque-là. Et je pense que c’est resté ancré en moi, tout ce que ma grand-mère m’a inculqué, c’est resté. Ils m’ont notamment appris la valeur de l’humain, l’importance du relationnel, de la prière, etc. Même si j’étais petit, je comprenais les choses très rapidement. À force de vivre avec ces personnes-là tous les jours, forcément tu intègres les choses. Je pense qu’aujourd’hui, à 80%, les valeurs que j’ai apprises plus jeune font l’homme que je suis.

C’est aussi là-bas que tu as commencé à taper dans un ballon ?Oui, j’ai grandi dans la maison familiale de ma mère. J’étais le seul garçon. Autour de moi, j’avais huit ou neuf femmes. Il y avait ma grand-mère, les sœurs de ma grand-mère, mes tantes, les cousines de ma mère, etc. Et je jouais tout le temps au ballon. C’est la seule chose qui pouvait m’occuper. Je pouvais jouer seul, je tapais le ballon dans un mur et je passais tout mon temps libre avec un ballon. Mon amour pour le ballon rond a commencé à cette époque-là.

Tu as grandi en Seine-Saint-Denis, où tes parents vivent encore, et tu as joué à Villepinte, qui était auparavant connu pour être un bon club de pré-formation, puisque Fabrice Pancrate, Alou Diarra et notamment Serge Aurier en sont issus…Tout mon passage à Villepinte, depuis tout petit, que ce soit en poussins ou benjamins, j’en garde de très bons souvenirs. Parce qu’à l’époque, c’était un club très compétitif. C’était un club de cœur. On avait des éducateurs qui étaient à fond dedans, qui ne nous enseignaient pas seulement le foot, mais aussi la vie. Même en dehors du foot, ils étaient là pour nous.

La manière dont je joue aujourd’hui vient en partie de mon apprentissage à Villepinte.

Ils nous accompagnaient dans nos démarches, ils étaient présents. On travaillait beaucoup, donc on progressait beaucoup. J’ai bien aimé, car on apprenait le football, le vrai football. On avait envie de grandir à Villepinte. De jouer avec les 15 nationaux, les 17 nationaux. On allait tous voir les matchs. C’était vraiment de la passion. La manière dont je joue aujourd’hui vient en partie de mon apprentissage là-bas. Pour un défenseur, on va dire que j’ai une technique au-dessus de la moyenne. C’est d’ailleurs pour ça que les entraîneurs me mettent parfois milieu, parce qu’ils sont surpris. Ma vision de jeu et mon jeu des deux pieds, c’est à Villepinte que j’ai développé tout ça. À cette époque, je ne m’imaginais pas forcément jouer pro. J’étais juste content de jouer au football. On venait juste pour s’éclater. Mais en même temps, on apprenait énormément aussi. C’est juste la fin de mon passage à Villepinte qui a été un peu trouble avec mon départ pour Auxerre. Mais j’en garde de bons souvenirs. Il y avait du talent, beaucoup de talent à Villepinte. Dans chaque catégorie, il y avait moyen que quatre-cinq mecs deviennent pros. Après, c’est la mentalité qui ne suivait pas toujours.

Tu dis que ton départ de Villepinte pour Auxerre a été trouble. Pourquoi ?Mon départ de Villepinte a été précipité. À l’époque, Villepinte était le centre de pré-formation du PSG. Au regard de mes performances, je devais signer pour Paris en fin de saison. On devait être vers le mois de novembre-décembre. J’avais discuté avec les dirigeants, on avait commencé à faire les démarches. Sauf qu’Auxerre est venu à ce moment-là. Ils m’ont fait déplacer en Bourgogne, fait visiter le centre, etc. Et j’ai été séduit parce que je sentais que la formation auxerroise était ce qu’il me fallait. C’était Mexès, Kapo, Cissé qui démarraient en pro. Des exemples pour moi. Au PSG, il n’y avait pas beaucoup de joueurs qui devenaient professionnels. Dès que j’ai visité le centre, j’ai signé à Auxerre. Puis je suis revenu à Villepinte et une semaine-dix jours après, ils l’ont su. Ça a été la grosse cata. Ils m’ont suspendu, on était au mois de décembre et je ne pouvais plus jouer avec mon équipe. Et je l’ai très mal vécu. Quand Auxerre a eu connaissance de la situation, ils ont essayé de trouver une solution. Le fait d’être suspendu m’avait fait mal. Parce que c’était un club pour lequel je jouais depuis tout petit, pour toutes les catégories et où je prenais énormément de plaisir. Je ne comprenais pas comment des adultes pouvaient faire ça à un enfant. L’empêcher de s’amuser avec ses potes, en fait. Auxerre a donc appelé mon père pour lui dire qu’au lieu de me prendre en juin, ils me prenaient tout de suite. J’ai intégré le centre de formation directement, alors que je n’avais pas le droit au départ. Mais Villepinte n’a pas lâché l’affaire et a voulu faire une procédure avec le PSG. À la fin, c’est Guy Roux qui est intervenu. Il a eu vent de l’histoire, et Auxerre a ensuite fait une compensation financière à Villepinte. Ça s’est terminé comme ça.

Ta carrière prend donc vraiment sa source à l’AJ Auxerre que tu rejoins à quatorze ans. On dit souvent que les années de formation sont les meilleures, c’est aussi ton sentiment ?Au début, cela a été très difficile.

La seule personne de qui j’étais proche au centre, c’était Momo Sissoko. Peu après mon arrivée, il m’a pris sous son aile. Il me parlait beaucoup et comprenait ce que je vivais. Il m’a grave aidé.

En l’espace de dix jours, j’ai changé complètement de monde. De nouveaux camarades, tout changeait. Toutes mes habitudes étaient bousculées. Je ne connaissais pas encore le monde pro. J’ai eu quelques bagarres, des trucs comme ça. Je restais un peu dans mon coin. La seule personne de qui j’étais proche au centre, c’était Momo Sissoko. Peu après mon arrivée, il m’a pris sous son aile. Il me parlait beaucoup et comprenait ce que je vivais. Il m’a grave aidé. Ça m’a permis de surmonter cette période qui a duré deux-trois mois. Après, le reste, ça n’a été que du bonheur. Le centre de formation, c’était une aventure. On a connu des années formidables. On était entourés par des mecs bien. Que du bonheur. Et la plupart des mecs avec qui j’étais au centre, on est resté amis. Diaby, Kaboul, Sissoko, Hassan Yebda, dès qu’on se voit, c’était comme si on ne s’était jamais quittés. Ce qui a été favorable pour nous à cette époque, c’était la période de Guy Roux. Il avait beaucoup d’influence et était très proche de tout le monde. Pas que du groupe pro. C’était un peu comme notre deuxième père là-bas. Il s’occupait de tout le monde de la même manière. Ça dépassait le cadre du foot. Quand on avait un problème d’ordre familial ou autre, il voulait le savoir. C’était d’ailleurs bizarre de voir Guy Roux venir au centre et passer du temps avec nous. Il regardait la télé avec nous, discutait. C’était vraiment la figure marquante de mon passage à Auxerre. En plus, c’est lui qui m’a fait signer mon premier contrat pro.

On parle beaucoup de la formation à l’auxerroise. Comment définirais-tu le genre de joueur façonné par l’AJA ?Auxerre mettait beaucoup l’accent sur la discipline, déjà. Et sur l’école également. Tu ne pouvais pas être au centre et ne rien branler. Tout le monde devait aller à l’école, et un mec était toujours derrière toi. Il fallait absolument que tu ressortes du centre avec quelque chose. Les études passaient avant le foot. Sauf si tu avais un talent exceptionnel. En ce qui concerne le terrain, il mettait l’accent sur les joueurs physiques. Il y avait énormément de concurrence. Je me souviens d’une réunion en début de saison qu’on a faite un jour avec le directeur des études qui m’a marqué. Il avait rassemblé toutes les catégories, des 14 ans jusqu’à la CFA. On devait être une soixantaine. Et il nous a dit que parmi toutes les personnes qui étaient là, seulement cinq ou six feraient une carrière professionnelle. Ce n’était pas pour nous décourager, mais c’était pour nous dire que les études étaient aussi importantes que le foot. Parce que si on ne perçait pas dans le foot, on n’avait rien à côté. C’était un peu flippant, car on était beaucoup. Quand je fais le compte aujourd’hui, il n’était pas loin de la vérité. On n’est pas beaucoup à avoir fait une carrière pro.

En Bourgogne, tu n’as jamais véritablement eu ta chance. Comment expliques-tu ce rendez-vous manqué ?Je suis forcément frustré. J’aimais beaucoup ce club parce qu’il m’a énormément donné. De mes années de formation jusqu’à mes débuts en pro. On ne manquait de rien, et je voulais donner en retour au club. À seize, dix-sept ans, j’avais des propositions pour signer à Chelsea parce que je jouais en équipe de France. J’avais même été visité le centre là-bas, à Valence aussi. Mais ça ne me disait rien, je voulais vraiment jouer à Auxerre. Je m’y sentais bien, l’environnement était bien aussi. Le fait que je n’y ai pas joué, que je n’ai pas eu de saisons pleines en pro, j’étais frustré. C’était une déception personnelle. Après, avec du recul, je me suis dit que j’étais un peu pressé. Car tout est arrivé très rapidement.

Je m’en souviens très bien, à l’annonce de la retraite de Guy Roux, Garra Dembele m’appelle et me dit : « Frère, on est foutus. »

Le problème, quand tu arrives dans cette période où tu es entre le centre et le fait d’être titulaire en pro, tu as du mal à te canaliser. Tu es assez bon pour jouer en tant que titulaire, mais physiquement non. Les gars qui ont six-sept ans de carrière en pro sont beaucoup plus costauds que toi, plus forts mentalement, mais toi, tu as l’impression que tu peux le faire. C’est une période où tu galères un peu, c’est difficile à gérer. J’ai eu quelques blessures qui m’ont aussi freiné, et la retraite de Guy Roux a été un tournant pour certains d’entre nous. Quand il était là, on avait l’impression qu’il nous guidait. On savait où on allait. À son départ, on a perdu certains de nos repères. Un joueur comme Garra Dembele, par exemple, a pété les plombs. Je m’en souviens très bien, à l’annonce de la retraite de Guy Roux, il m’appelle et me dit : « Frère, on est foutus. » Mais, dans l’ensemble, on va dire que je ne m’étais pas bien préparé pour entrer dans le monde pro. J’aurais dû être davantage patient.

Dans ta jeunesse, tu as fréquenté les catégories jeunes de l’équipe de France et as fait partie du groupe U17 qui a remporté le championnat d’Europe 2004. Près de douze ans plus tard, quel regard portes-tu sur cette épopée ?On en parle encore beaucoup. C’est aujourd’hui que je réalise vraiment qu’on avait une sacrée génération. Ça a marqué les gens. J’en garde des souvenirs pleins d’émotions, notamment quand je regarde les photos parfois. L’équipe de France, c’était que du bonheur. On a vécu une aventure incroyable. Des fois, on se sentait même invincibles dans cette équipe. On gagnait tellement et contre tout le monde… On avait battu l’Espagne de Fábregas, Piqué aussi. Footballistiquement, j’ai appris énormément de choses. On a eu deux coachs qui nous ont bien accompagnés : François Blaquart, puis ensuite Philippe Bergeroo. Bergeroo, c’était quelqu’un d’emblématique. Quand tu as dix-sept ans et que c’est lui qui devient ton entraîneur… Il avait été à la tête du PSG, ce n’est pas rien. Du coup, à chaque fois qu’on venait en sélection, on engrangeait de l’expérience. Je me souviens qu’une fois, Bergeroo nous avait presque prédit l’avenir. Il avait fait une réunion et nous avait dit : « Vous aurez tous des trajectoires différentes, et l’essentiel est de vous concentrer sur la vôtre. » Et il a eu totalement raison. Par exemple, Benzema était remplaçant à l’époque. En attaque, c’était Hatem et Jérémy titulaires. Aujourd’hui, c’est pourtant Karim qui fait la meilleure carrière en étant titulaire au Real Madrid.

Justement, tu en parles, il y avait ce quatuor doré composé de Ben Arfa, Benzema, Ménez et Nasri. Tu comprends toutes les attentes qu’ils ont pu susciter et qu’ils peuvent susciter encore ?Franchement, oui. Parce que comme je t’ai dit, c’était une génération vraiment exceptionnelle. Ce que Karim, Hatem ou Jérémy peuvent faire sur le terrain aujourd’hui, je ne suis pas du tout étonné. Ils le faisaient déjà à l’époque. Quand Hatem a traversé sa période un peu difficile entre Newcastle et Nice, beaucoup de mecs autour de moi doutaient de lui, du fait qu’il parvienne à revenir.

Pour moi, Hatem est un génie. Hormis Messi, Neymar, Hazard, et dans une autre mesure Cristiano Ronaldo, il n’y a aucun joueur qui peut faire ce qu’il fait.

Il y a deux-trois mois, après son début de saison avec Nice, j’ai reçu beaucoup de coups de fil et des messages où on me disait : « Tu avais raison, il est trop fort ! » Pour moi, Hatem est un génie. Hormis Messi, Neymar, Hazard, et dans une autre mesure Cristiano Ronaldo, il n’y a aucun joueur qui peut faire ce qu’il fait. C’est un pote, quelqu’un que je connais bien, et ça me faisait mal d’entendre certaines choses sur lui. J’étais touché. Les actions qu’il fait avec Nice, je ne suis même pas étonné. Pas une seconde. C’est inné chez lui, ce n’est pas un talent forcé. C’était pareil pour Karim, Jérémy et Nasri. Donc, oui, je comprends l’attente qu’ils ont pu générer. Mais j’en veux aux médias français. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut avoir des joueurs de ce talent-là et ne rien en faire. Tout ça parce qu’ils passent leur temps à s’occuper de leur éducation, de ce qu’ils font à côté ou de leurs sorties médiatiques. Les autres pays s’en foutent de ça. À mon sens, la France doit être championne d’Europe et du monde au moins une fois sur deux. Avec autant de talents, je ne comprends pas comment se fait-il qu’elle ne gagne pas plus de trophées.

Tu penses que la surmédiatisation précoce dont ils ont fait l’objet a constitué un tournant dans leur carrière ?Bien sûr. Ce n’est pas facile de gérer une telle notoriété. Pour les avoir côtoyés, ce n’était pas simple. Quand tu as tout le temps du monde autour de toi, qu’on t’appelle et sollicite dès ton plus âge, c’est difficile. Aujourd’hui, des gars deviennent des stars à vingt-deux, vingt-trois ou vingt-quatre ans, là on parle de mecs qui étaient des stars à seize-dix sept ans. Sur la durée, c’est compliqué de gérer ça.

Parmi ces dix-huit champions d’Europe, 22% ont changé de nationalité, dont toi. Quand est-ce que tu as fait le choix de représenter le Togo ?Il ne faut pas se mentir, en France, il y a énormément de joueurs. Peu de places sont disponibles en A. On avait été dix-huit à être champions d’Europe. Mais dans notre génération, il y avait bien plus de joueurs que cela. Il y avait Kevin Constant, Gameiro, Erding, Serge Gakpé, Blaise Matuidi, Mehdi Benatia. Tous ceux-là venaient aussi en sélection. Et moi, j’ai toujours été en balance entre la France et le Togo. Quand j’étais à Auxerre et que je suis devenu pro, on a commencé à parler de moi en sélection du Togo. J’avais été approché par les dirigeants togolais, j’allais souvent en vacances là-bas avec Serge Gakpé qui vient aussi du Togo. Les gens sur place venaient nous voir et nous disaient de jouer pour le pays. C’est en 2006 que c’est devenu sérieux. Ils voulaient qu’on fasse la Coupe du monde, mais on était trop jeunes. Puis on n’avait pas fait les qualifications, on ne connaissait pas l’équipe, rien. Par respect pour ceux qui avaient fait les qualifications, on a décliné. Nos parents avaient un peu peur aussi, c’était un monde inconnu. On en a rediscuté entre nous pendant deux ans et on allait encore régulièrement en équipe de France. En 2008, ils m’ont approché de nouveau. Les dirigeants ont fait le déplacement à Paris et m’ont proposé un projet. Les frères Ayité avaient déjà intégré la sélection, ils voulaient que Gakpé, Razak Boukari et moi fassions partie du groupe pour préparer l’avenir. À un moment donné, j’en ai parlé avec mes parents. C’était l’opportunité de jouer pour une équipe A et de participer à des grandes compétitions internationales, de te frotter à des grands joueurs. J’aime autant le Togo que la France. Mes parents n’ont jamais manifesté de préférence, mais ils étaient contents pour moi.

À vingt-deux ans, tu quittes la France pour la Roumanie et le FC Vaslui. Une décision pour le moins osée à cet âge-là…C’était osé, mais je suis quelqu’un qui veut toujours aller de l’avant. À Auxerre, j’avais l’impression de stagner et j’avais demandé à être prêté. Ça ne s’est pas fait. Moi, je voulais avancer dans ma carrière. Si j’ai choisi de partir là-bas, c’est sur les conseils de Viorel Moldovan. Il venait de reprendre l’équipe de Vaslui et m’avait vu jouer avec les jeunes de l’équipe de France. Il aimait mon profil, mon tempérament et me voulait dans son équipe. Il m’avait appelé directement en me disant qu’il souhaitait que je sois l’un des cadres de l’équipe, même si tu es jeune. À l’époque, Vaslui jouait les premières places et pour se qualifier pour la Coupe d’Europe. Le challenge m’a séduit, car je sentais qu’on pouvait me faire confiance. Et par la suite, j’ai eu la chance de pouvoir disputer des tours préliminaires de Ligue Europa. Mais l’adaptation n’a pas été simple. J’ai dû découvrir une nouvelle culture qui n’avait rien à voir avec la France. Beaucoup de choses étaient différentes, notamment la manière de travailler. J’ai eu de la chance parce que je suis arrivé en même temps que Stéphane Zubar, le petit frère de Ronald. Lui arrivait de Caen, donc c’était plus facile de s’adapter à deux. Et au bout de quelques mois, ça allait mieux.

Puis tu as poursuivi tes pérégrinations européennes en Europe de l’Est. Tu as découvert la Slovénie avec Celje (2010-2012), la Slovaquie avec le MŠK Žilina (2012-2014) et l’Ukraine avec Hoverla (2014-2015). Quel bilan tires-tu de toutes ces expériences atypiques ?Je me suis nourri de toutes ces expériences. Mais je n’ai pas réellement choisi, ce n’était pas volontaire.

J’étais bien à Vaslui, j’enchaînais les matchs et j’avais trouvé une stabilité. Puis est arrivé la tragédie de Cabinda. Ça a cassé certaines choses. J’étais mis de côté, ils ne me payaient plus et en même temps, ils ne voulaient pas me libérer. C’était bizarre.

J’étais bien à Vaslui, j’enchaînais les matchs et j’avais trouvé une stabilité. Puis est arrivé la tragédie de Cabinda. Ça a cassé certaines choses. J’étais mis de côté, ils ne me payaient plus et en même temps, ils ne voulaient pas me libérer. C’était bizarre. J’avais des touches, je pouvais signer en Serie B six mois après la fusillade, mais Vaslui est intervenu et a envoyé une lettre au club. Pour signer ailleurs, il fallait qu’un club fasse les démarches nécessaires auprès de la FIFA. Le club de Serie B a eu peur et ne l’a pas fait. Pareil pour un club de D2 en France. Du coup, j’étais bloqué. C’était difficile pour mon agent qui tournait en rond. La seule équipe qui était prête à me prendre, c’était Celje en Slovénie. Mon agent avait déjà fait signer un joueur là-bas et connaissait le directeur sportif. J’ai accepté, car je voulais me libérer de mon contrat. Je me suis reconstruit mentalement là-bas. Puis je suis ensuite parti à Žilina qui était le seul club qui offrait suffisamment d’argent pour un transfert, malgré des touches ailleurs. Je ne le regrette pas, j’ai pu faire des préliminaires de C1 et C3 et le doublé coupe-championnat. Mais c’était d’un niveau plutôt faible. En revanche, l’Ukraine était un choix volontaire de ma part. J’étais arrivé à un moment de ma carrière où je devais franchir un cap. Mon agent m’a convaincu de signer là-bas plutôt qu’en Belgique, car le championnat ukrainien serait plus adapté afin que je progresse. Hoverla me voulait tellement qu’ils m’ont fait me déplacer à Genève, le coach de l’équipe était là. Il était venu avec des vidéos et m’avait dit qu’il allait me faire progresser sur tel ou tel point. Le choix était vite fait, et cela a été la meilleure décision sportive de mon parcours. Tactiquement, j’ai passé un palier incroyable. Sans la situation politique en Ukraine qui était compliquée et les retards de salaire, je serais sans doute resté là-bas.

Et depuis l’année dernière, tu évolues en Turquie (actuellement à Trabzonspor où il est prêté par le 1461 Trabzon, ndlr). C’est un pays où tu te sens bien ? Je m’y sens super bien. En sélection, il y a Jonathan Ayité qui avait signé en Turquie un an avant. Plusieurs fois, il m’a expliqué combien c’était bien, la Turquie. En juin 2015, je suis parti en vacances aux États-Unis et j’ai croisé Aurélien Chedjou (défenseur de Galatasaray, ndlr). Il n’arrêtait pas de me dire de venir en Turquie. Quand il avait quitté Lille et le championnat de France, il était un peu hésitant. Mais il a adoré, puis m’a encore dit : « Les fans sont incroyables, tu es bien accueilli, le jeu est offensif. Viens en Turquie ! » Trois semaines après, j’ai signé là-bas, à Trabzon (rires). Même si le fait qu’il y ait des attentats m’avaient un peu travaillé. Mais des gens que j’ai contactés sur place m’ont assuré que c’était souvent des cas isolés et que les médias amplifiaient les choses. Mes parents étaient aussi inquiets, et je les ai rassurés. Toutes les conditions sont réunies pour qu’on se sente bien. Sauf la langue, c’est une galère. Heureusement qu’on a les traducteurs à l’entraînement qui nous aident…

Dans ta carrière, on est forcément obligé de revenir sur cette tragédie que tu as partiellement évoquée. Le 8 janvier 2010, en pleine CAN, le car transportant la sélection du Togo est mitraillé par des rebelles de l’enclave de Cabinda à la frontière angolaise. Deux personnes perdent la vie, et toi, tu en ressors grièvement blessé avec deux balles dans le dos. J’imagine que c’est quelque chose qu’on ne peut pas oublier, même des années après…Oui… Franchement… Je ne vais pas te mentir, ça a été un truc (il réfléchit)… Je pense que je ne peux pas oublier. Déjà, mentalement, ça a été très dur. C’était ça le plus dur d’ailleurs.

Réellement, je pense que personne ne sait ce que j’ai traversé, ce que j’ai vu. C’est irrationnel. C’est le mot, irrationnel.

Une fois que tu as vécu un truc comme ça, tu n’es plus la même personne. J’ai été touché par deux balles dans le dos. Se dire à soi-même qu’on a été touché par deux balles dans le dos, c’est déjà bizarre en fait. J’ai du mal à réaliser ce qu’il s’est passé. Réellement, je pense que personne ne sait ce que j’ai traversé, ce que j’ai vu. C’est irrationnel. C’est le mot, irrationnel. Les gens ne savent que ce que je leur dis. Jusqu’à ce jour, je reste frustré. Parce qu’en vrai, cet événement a changé ma carrière. Et à jamais. C’est un souvenir qui restera gravé. Quand c’est arrivé, je n’ai pas vu de psy ou une personne pour m’aider mentalement. Je ne voulais pas, car j’avais l’impression que de voir un psy allait plus m’enfoncer qu’autre chose. Alors je ne l’ai pas fait. J’ai vécu des moments terribles, que je ne souhaite à personne. C’est plus facile pour moi d’extérioriser cette douleur maintenant, car du temps est passé. C’est différent, je peux en parler maintenant. Au début, c’était difficile.

Quel genre de moments as-tu traversés par exemple ?Pendant un an, je ne pouvais pas regarder des films de guerre par exemple. J’étais traumatisé, vraiment traumatisé. De janvier 2010 à janvier 2011, j’étais incapable de regarder un film de guerre. Parce que c’était trop. Le fait d’entendre des coups de feu, c’était impossible. Je ne pouvais pas vivre ça… Je ne pouvais pas également être entouré de monde, de la foule. Pas beaucoup de gens le savent. Seulement un ou deux amis sont au courant de ça. La plupart des personnes autour de moi ne le savent pas. Car je n’en parle pas. Maintenant, ça va un petit mieux. Mais pendant trois-quatre ans, ce n’était pas possible. À chaque fois qu’il y avait de la foule quelque part, il fallait que je bouge, je me sentais mal à l’aise. Ce sont des petits trucs comme ça. Aussi, je ne pouvais pas traîner dans des endroits sombres parce que j’avais l’impression que je pouvais me faire tirer dessus de nouveau. Ça, c’est un sentiment… Ce n’était pas volontaire, ça venait tout seul. C’était ancré en moi. Je ne savais pas non plus à qui en vouloir. Qui avait fait ça ? Dans quel but ? Plein de trucs mélangés.

Tu t’es senti seul dans cette épreuve ?Je me suis senti seul comme jamais. Tu peux partager, tu peux en parler un petit peu avec la famille. Mais, dans le fond, ils ne pouvaient pas comprendre ce que je vivais. J’étais seul. Tu en parles, mais tu ne peux pas tout dire. Mes émotions, mes sentiments, j’étais seul dans ma tête et mon cœur. Quand le drame s’est produit, les personnes qui étaient présentes ce jour-là, chacun l’a vécu différemment. Certains n’ont pas été touchés, d’autres n’ont pas vu du tout ce qu’il s’est passé. Dans mon cas, c’est comme si j’étais coincé dans un labyrinthe. Je tournais en rond, je tournais en rond et je ne trouvais pas la sortie. Et peu importe ce que je faisais. Je pouvais me retrouver dans des endroits qui n’avaient rien à voir, des endroits paradisiaques en vacances. Sur une terrasse de fou dans un building à Miami, mais ce truc me revenait en tête.

Les gens me demandent souvent si ça fait mal de se faire tirer dessus. Je leur dis que oui, ça fait mal.

Du coup, j’étais complètement déconnecté de la réalité. Je ne peux pas parler de ça, car les gens ne le comprendront pas. Il y a des images qui reviennent. La première année a été très difficile, j’avais beaucoup de mal à trouver le sommeil. Pour moi, connaître ça dans une vie, tu pètes les plombs. J’ai essayé d’être fort, mais des fois, c’était trop pour un seul homme. En plus, je suis quelqu’un de fier. Je n’aime pas donner l’impression d’abandonner ou de ne pas arriver à surmonter une épreuve. Face à ça, je n’avais pas la force. Les gens me demandent souvent si ça fait mal de se faire tirer dessus (rires). Je leur dis que oui, ça fait mal. Après, il y a la question des femmes qui me demandent si j’ai pleuré. Sur le coup, non, je n’ai pas pleuré. Quand j’ai été touché, j’étais au sol et il y avait des mecs devant moi qui pleuraient, alors qu’ils n’avaient pas été touchés. Comme des enfants. Des pères de famille… Même quand je suis sorti de l’hôpital, grosse émotion, mais je n’ai pas versé une larme.

Parce que tu avais l’impression que tout cela n’était pas réel peut-être ?Voilà. J’avais le sentiment que ce n’était pas réel. Sur le coup, je me disais que si je versais une seule larme, j’allais passer ma vie à pleurer. Je ne me suis même pas forcé, ça ne sortait pas. J’avais mal, mais la rage en même temps. Je sortais d’une année éprouvante où je n’avais eu que trois-quatre jours de vacances en juin. C’était comme si j’avais sacrifié toute une année à la sélection avec tous les matchs de qualification. J’avais passé tout mon temps à voyager entre la sélection et mon club. J’avais mis tous les efforts pour disputer la CAN et, finalement, je ne peux pas la jouer. J’avais oublié que je m’étais fait tirer dessus. Je ne comprenais pas comment des footballeurs qui sont dans un bus peuvent se faire tirer dessus. J’ai raté ce à quoi je m’étais préparé durement. J’avais vraiment tout mis là-dedans. Et bizarrement, les larmes sont venues plus tard, beaucoup plus tard. Des années plus tard. Je voyais le monde qui continuait d’avancer… Je me disais, au final, tu as la sensation d’être important, mais si tu pars, les gens vont certes te pleurer car tu es parti, mais la vie continue. Ça me prouvait qu’on n’était pas grand-chose. Les seules personnes qui allaient me pleurer chaque jour, et ce, jusqu’à la fin de leur vie, c’étaient mes parents !

Est-ce qu’après cette tragédie, tu as envisagé de mettre un terme à ta carrière ?Ça m’a traversé l’esprit. Quelques fois, j’en avais marre. C’était trop dur de porter tout ça. J’y ai pensé parce que je voulais tout laisser tomber.

Quand je voulais arrêter, j’en parlais à ma mère et l’un de mes meilleurs amis. Ma mère me disait : « T’inquiète pas mon fils, ça va aller. Dieu a un plan pour chacun, chaque personne a son destin. Dieu n’oublie jamais ses enfants. »

Je me disais que ça ne valait pas le coup de vivre tout ça que pour du football. Quand je jouais au foot petit, c’était vraiment pour le plaisir. C’était ma passion. Même maintenant, lorsque je suis en vacances et que je vois un ballon, je vais le toucher. Alors que je viens de sortir d’une saison pleine où j’ai disputé quarante-cinq matchs. Chez moi aussi, j’ai un ballon et je tape dans les murs avec. Quand je voulais arrêter, j’en parlais à ma mère et l’un de mes meilleurs amis. Ma mère me disait : « T’inquiète pas mon fils, ça va aller. Dieu a un plan pour chacun, chaque personne a son destin. Dieu n’oublie jamais ses enfants. » En revanche, mon pote, lui, me menaçait (rires). Il joue au foot aussi et me disait : « Regarde tout le chemin qu’on a parcouru depuis qu’on est petits. Quand on était en poussins et benjamins à s’abîmer les genoux sur le terrain rouge, quand on a quitté nos familles pour rejoindre les centres de formation très jeunes. On n’a pas fait cela pour rien. Et comment tu vas expliquer à tes enfants que papa a abandonné ? » Il m’a vraiment soutenu durant plusieurs années, maintenu mentalement. Ce sont les deux seules personnes à qui j’ai osé dire que j’envisageais d’arrêter le foot.

Mais paradoxalement, au cours de ta période de reconstruction, est-ce que le football ne t’a pas évité de sombrer ?Comme je t’ai dit, le foot est une réelle passion pour moi. Quoi qu’il arrive, je ne pense pas que je puisse vivre sans jouer au foot. Ça a joué, c’est sûr, mais j’ai été dégoûté du monde pro par la même occasion. Quand est arrivé ce qui est arrivé, il n’y a pas grand monde qui m’a tendu la main dans le monde du foot. Notamment dans les clubs, alors que j’avais besoin d’un coup de main. Je priais pour que quelqu’un me tende la main. Mais il n’y avait personne. J’étais choqué. Avec du recul, je me dis que c’était incroyable. En premier lieu, j’ai été choqué par les instances du football. Ni la Fédération togolaise de football, qui était responsable de nous, ni la CAF et ni la FIFA ne m’ont approché. Pas un coup de téléphone. Rien. Même pas quand j’étais touché sur mon lit d’hôpital en convalescence et pas après non plus. Encore aujourd’hui, je n’ai rien eu. Pas une lettre pour moi ou mes parents afin de dire qu’ils compatissaient. Je ne sais pas si tu imagines… C’est comme si l’équipe de France était victime d’un attentat et que la FFF ne venait pas prendre de nouvelles ensuite. C’est grave, très grave. Et c’est pourquoi je ne sais pas à qui vraiment en vouloir. Bien sûr que des gens nous ont tiré dessus, mais il y a d’autres responsables. Pourquoi avons-nous pris le bus au départ ? Ce sont nos dirigeants qui ont pris cette décision et décidé de faire ce trajet. À qui dois-je en vouloir ? J’étais dégoûté. Puis il y a aussi les clubs… C’est là que j’ai compris que le foot, ce n’est que du business. Alors que je m’étais fait tirer dessus, une semaine après, mon père m’a envoyé un message pour me dire que mon club avait acheté deux nouveaux défenseurs à un million d’euros. Pour eux, j’étais touché et il fallait me remplacer directement. Ils n’avaient pas le temps de s’occuper de moi. Ils voulaient que je sois compétitif, peu importe ce qui peut t’arriver dans la vie. Ils ne sont pas dans le social. Ça a changé mon regard sur le foot. Je suis devenu un autre homme.

Qu’entends-tu par « un autre homme » ?

Normalement, lorsque tu gagnes, tu rentres chez toi heureux et tu veux appeler tout le monde. C’est comme si tout n’avait plus la même saveur qu’avant.

J’ai eu des moments de solitude. Tu as des moments où tu gagnes, où tu perds, où l’équipe va bien ou mal. Tes émotions changent. Les moments où j’avais le plus mal, où mes émotions me jouaient des tours, c’était lors des victoires. Quand je rentrais chez moi, que j’étais seul avec moi-même, c’étaient les moments où j’étais le plus triste. C’est psychologique, je ne sais pas. Mon regard sur le foot avait tellement changé… Normalement, lorsque tu gagnes, tu rentres chez toi heureux et tu veux appeler tout le monde. C’est comme si tout n’avait plus la même saveur qu’avant. Moi-même, je ne sais pas trop comment expliquer ce sentiment.

La religion, c’est quelque chose qui t’a aidé à surmonter cette épreuve ?Ça a joué un très grand rôle en ce qui concerne l’apaisement. Au niveau du courage, de la volonté de continuer. Ça m’a donné la force de pardonner, aussi. Si tu ne pardonnes pas, tu ne peux pas avancer. Je suis quelqu’un de très croyant, ma famille l’est également. J’ai grandi dans la religion. Mais, parfois, ça ne suffisait pas. Les émotions prenaient le dessus. J’ai eu des moments de doute. Ce n’est pas que j’avais perdu la foi, mais… La prière a eu un grand rôle dans mon parcours. Il y a des périodes où je ne croyais plus en rien. À part prier, je ne croyais plus en rien d’autre. Ça a été déterminant Ça m’a permis de croire encore en l’homme après ce qu’il s’est passé.

Tu avais refoulé les pelouses pour la première fois seulement quelques mois après, en avril 2010. Tu te souviens de ce moment ?J’ai retrouvé les terrains aussi rapidement parce que j’ai forcé. Je me sens comme un gagnant, en fait. Demain, si on fait un bowling, j’aurais envie de gagner (rires).

Pour la première fois que je suis revenu sur un terrain, c’était émouvant. Les gens étaient au courant, les supporters m’ont acclamé à mon retour. Ils m’appelaient même 50 Cent.

Je ne supporte pas l’échec. Même quand j’ai une blessure liée au foot, je veux revenir le plus vite possible. Car ça me démange, je ne supporte pas de ne rien faire. J’avais pris deux balles dans le dos, donc ça fait forcément mal. Mon club m’avait délaissé. Je m’entraînais seul, sans préparateur physique. Rien. Le groupe s’entraînait à part. Mentalement, c’était atroce. Se lever le matin et se dire que tu vas t’entraîner seul, c’était impensable. Et je voulais leur prouver que je pouvais y arriver. J’ai bossé, puis j’ai finalement retrouvé le groupe. Pour la première fois que je suis revenu sur un terrain, c’était émouvant. Je me souviens que tous les deux jours, il y avait d’ailleurs un reportage sur moi. Les gens étaient au courant, les supporters m’ont acclamé à mon retour. Ils m’appelaient même 50 Cent (rires). Ils ne s’attendaient pas à ce que je rejoue aussi vite. Ils m’ont fait une ovation en fin de match, ont pris des photos. Ça m’a touché. Pour moi, il fallait que je reprenne vite.

Aujourd’hui, tu représentes toujours la sélection togolaise, brassard de capitaine au bras. À vingt-huit ans, offrir un titre à ton pays, c’est un rêve que tu espères réaliser ?Ce rêve dont tu parles, c’est ce qui a fait que je suis revenu en sélection après la tragédie. J’y suis retourné sans le consentement de mes parents. J’ai d’ailleurs une anecdote à ce sujet. Je venais de rentrer de la Martinique et je suis ensuite parti en vacances au Togo avec ma mère. Il y avait un match de la sélection en même temps. Ils m’avaient sollicité et envoyé une lettre. Mais je ne voulais pas y retourner au départ. J’en ai parlé à mes parents, et ils m’ont répondu que c’était franchement n’importe quoi. Sauf qu’au fond de moi, j’avais envie de lutter. Je ne voulais pas rester sur ce que je considérais un échec. Sur cette fusillade. Ça ne pouvait pas se terminer comme ça. Il fallait que je passe psychologiquement ce cap parce que j’étais dégoûté par le football africain. Je n’avais rien connu avec le Togo. Pas de CAN ni de Coupe du monde, rien. Alors que j’avais rejoint la sélection pour vivre ça. J’étais avec ma mère à Lomé et je lui ai donc menti en disant que j’allais dormir chez mon oncle. Je suis en réalité parti au rassemblement de l’équipe qui était dans un hôtel. Ma mère voyait à la télé des images de l’équipe nationale du Togo, mais elle pensait que c’était d’anciennes images puisqu’elle me voyait à l’entraînement. Et ma tante lui a dit que non, c’était en direct. Ma mère ne comprenait pas ce que je foutais là-bas. Elle m’avait grillé, je ne pouvais plus lui mentir… Mon père, lui, a appris la nouvelle sur internet. C’est te dire mon envie de voir un jour le Togo remporter un trophée. Ce sentiment est plus fort que le drame que j’ai vécu. Remporter un titre, c’est mon rêve. Je pense que la boucle serait bouclée en quelque sorte.

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Propos recueillis par Romain Duchâteau

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