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  • 10 ans de Savidan chez les Bleus

Savidan, il était une comète

Par Mathieu Rollinger
Savidan, il était une comète

Dix ans qu'on n'en a pas vu dans le ciel de l'équipe de France. Tel un objet céleste, et face à la Céleste, voir filer Steve Savidan dans son maillot bleu avec son histoire, sa personnalité et ses qualités, avait tout d'une exception, mais qui a pu émerveiller chaque personne qui l'a vu passer. Au point de se demander combien de temps il faudra patienter pour en revoir une de la sorte.

L’équipe de France appartient à tous les Français. C’est ce qui se dit, avec un soupçon de démagogie. Mais en ce 19 novembre 2008, quand Steve Savidan resserre son short à la mi-temps et s’apprête à s’élancer dans ce France-Uruguay, en amical au Stade de France, l’équipe de France appartient à une frange de la population bien particulière. Par l’intermédiaire de l’attaquant du Stade Malherbe de Caen, 30 ans, et encore amateur quatre ans plus tôt, ce sont tous ces footballeurs qui ont galéré, galèrent ou galèreront, ainsi que tous ces joueurs professionnels des clubs petits ou moyens qui mettent un pied en sélection. Au moins par procuration.

Coéquipier de Savidan cette saison-là, Grégory Proment n’a pas spécialement galéré dans sa carrière, mais il fait partie de la seconde catégorie : celle des honnêtes joueurs de Ligue 1. « Je me souviens forcément de la sélection de Steve avec les Bleus, se souvient l’ancien milieu. Qu’un mec de Caen aille en sélection A, c’était quelque part bizarre et inespéré. On était en quelque sorte reconnus à travers sa sélection : on était fiers de ça et notre travail était indirectement récompensé. » Un motif d’espoir pour tous les Benjamin Nivet, Julien Féret ou Gaëtan Charbonnier de l’Hexagone.

VRP de la France d’en bas

Voir Steve Savidan, leader d’attaque du douzième de Ligue 1, au milieu d’Anelka, Benzema, Thierry Henry et Ribéry relevait en quelque sorte de l’anomalie. « Ce n’était pas dans les habitudes de prendre un joueur issu d’un petit club de première division, abonde Proment. Surtout qu’on n’a pas fait une grande saison. C’était un peu paradoxal. » « C’est un garçon qui, à un moment donné, avait l’intention de s’orienter vers autre chose que le football, replace Daniel Leclercq, qui l’avait relancé avec Valenciennes en National en 2004. Moi, j’ai découvert un garçon vraiment talentueux dans son jeu d’attaque. De là à ce qu’il soit en équipe de France, bon… c’est sûr que c’était surprenant. »

Le Druide n’en était plus à une surprise près, avec Savigol, lui qui l’avait scotché lorsque le VAFC avait affronté les amateurs d’Angoulême en National. « Lors du match aller, j’avais vu un garçon qui, pendant une heure et demie, ne lâchait rien. Il nous a perturbés rien qu’à lui tout seul. J’ai toujours gardé un œil sur lui, jusqu’au retour. Il a fait pareil. À l’issue du match, je lui ai dit que je souhaitais le rencontrer et ça s’est fait. Moi, je ne lui ai pas tendu la main, je l’ai pris pour ce qu’il était et ce qu’il pouvait apporter à l’équipe. Bien sûr qu’il y a eu des discussions, mais c’était parce qu’il le méritait. » Tout est une question de mérite chez Savidan. Et quand l’ancien éboueur parle d’une « récompense médiatique » pour qualifier sa présence dans la liste, Leclercq dégonfle rapidement cette fausse modestie : « Steve est arrivé en équipe de France au moment où il le méritait le plus, c’est tout. »

« Au moins, là, on aura vu »

À cette époque, les Bleus de Domenech sortent d’un Euro catastrophique. Et les matchs de novembre poussent le sélectionneur à ouvrir la porte à cet ovni qu’était Savidan. Avec sept buts au compteur, le néo-Caennais Steve Savidan est en forme, sur la lancée de ses deux premières saisons dans l’élite avec Valenciennes. Ce qui alimente la curiosité de Raymond Domenech : « On sait ce qu’il est capable de faire depuis longtemps en championnat. Maintenant, on aimerait savoir s’il peut y avoir une confirmation au niveau international, comment il se comporte avec les autres joueurs. Sur ce qu’il a fait jusqu’à présent, il a montré des signes intéressants. On ne sait jamais tant qu’on n’a pas essayé. Au moins, là, on aura vu. Peut-être… » En 45 minutes, le sélectionneur aura vu. De l’audace, de l’envie et un cœur énorme. Bref, un mec qui croque à pleines dents dans ce qui est déjà le match de sa vie. « Ce match contre l’Uruguay le représente bien, assure Leclercq. Facétieux, toujours en joie et toujours à tenter des trucs. Moi, ça ne m’a pas surpris. Ce n’est pas de l’insouciance, c’est de la confiance et de la sérénité. »

Pourtant, l’expérience ne sera pas reconduite pour diverses raisons. D’abord, parce que le retour sur terre sera compliqué à gérer pour Savidan, ne trouvant plus le chemin des filets pendant les sept matchs suivant, et le Stade Malherbe s’engluant dans une saison compliquée (ponctuée par une relégation). « Il y a forcément un contre-coup, témoigne Proment. Avec son statut d’international, les adversaires étaient encore plus attentifs et motivés face à lui. Et puis passer une semaine avec de grands joueurs, être euphorique, puis se remettre dans la routine de Caen et du championnat, ça a dû faire un choc. » Ensuite, Domenech a continué sa revue d’effectif, lançant notamment André-Pierre Gignac ou Loïc Rémy. Enfin, la carrière de Savidan s’arrête net lors de son transfert à Monaco, où une anomalie cardiaque est détectée à la visite médicale. Mais cette sélection aura tout de même marqué les esprits. « Ça montre à travers ce personnage-là qu’on peut atteindre ses objectifs par le travail. C’est un exemple pour les jeunes, assure Grégory Proment, actuel entraîneur de la réserve du FC Metz. Il était doué par son sens du but, mais il n’avait pas réussi à s’imposer plus tôt. Sa réussite est une belle image pour le foot. »

À quand la prochaine belle histoire ?

Reste à savoir si Savidan pourrait avoir un successeur dix ans plus tard dans ce rôle d’invité surprise, issu du monde amateur ou d’un club de milieu de tableau de Ligue 1. Car entre-temps, rares ont été les joueurs avec ce profil à avoir eu les honneurs de la sélection – et encore moins à s’y imposer. Olivier Giroud et Adil Rami, mais qui d’autre ? Est-ce que Gaëtan Laborde pourrait être appelé par Didier Deschamps ? Grégory Proment veut y croire : « Les petits clubs sont mieux structurés et peuvent acheter des bons joueurs, des joueurs qui n’ont pas réussi à percer dans des grands clubs, mais qui retrouvent leur niveau en descendant d’un étage. Mais le foot devient aussi de plus en plus compliqué. C’est donc possible, mais il y a peu de chance. » Un plaisir rare qui suppose aussi une période de trouble en sélection. Mais si c’est pour s’en souvenir que dix ans plus tard, rien que pour ça, ça pourrait valoir le coup d’essayer.

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Par Mathieu Rollinger

Propos de Daniel Leclercq et Grégory Proment recueillis par MR.

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