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Sat : «  L’OM se dirige vers un immense gâchis »

Maxime Delcourt
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Il y a quelques années, Karim Haddouche remplissait les Zénith de France et écoulait les disques par milliers au sein de la Fonky Family. Le groupe séparé, la carrière solo en stand-by, celui que l'on connaît plus généralement sous le pseudo de Sat l'Artificier officie depuis 2010 au sein des médias de l'OM. Une nouvelle vie au contact des joueurs qu'il détaille aujourd'hui.

Comment passe-t-on de rappeur à journaliste sportif ?

Les membres de la FF me disaient toujours qu’ils me verraient bien être journaliste après le rap. À l’époque, c’était souvent moi qui répondais aux interviews, qui parlais sur scène avec le public entre les titres. Ce qu’ils me disaient me faisait rire, je n’ai d’ailleurs jamais cru un moment que ça deviendrait réalité. Tout commence en fait en 2010 : après la sortie de mon dernier album solo, Diaspora, j’avais besoin de prendre du recul avec le milieu du rap. Durant la promo, que ce soit à la télé ou à la radio, les journalistes me posaient souvent des questions sur le foot et l’OM, auxquelles je répondais avec plaisir. Puis, certains journalistes m’ont fait comprendre que j’avais quelques qualités à faire valoir. Tout confiant, je suis donc allé toquer à la porte de l’OM et on m’a confié la gestion d’un blog, en sommeil, à l’occasion de la Coupe du monde 2010. Entre ma tournée au Canada, la promo et les comptes-rendus des matchs, c’était compliqué à gérer, mais c’était tout bénef. D’autant que je pouvais interagir avec les supporters qui, bien souvent, m’envoyaient des messages pour savoir ce que je foutais là (rires).

Tu te sentais à ta place au début ?

Bien sûr. D’abord, parce que j’ai toujours été un passionné de foot et de l’OM. Avec la Fonky Family, j’enregistrais même les matchs pour les regarder le lendemain lorsqu’on avait un concert ou autre. Et puis, parce que je ne pense pas avoir quoi que ce soit à envier à d’autres journalistes. C’est vrai, je ne sors pas d’une école de journalisme ou de communication, mais je sais écrire, je sais m’exprimer, je suis à l’aise avec les mots. Je pense l’avoir démontré. Ma discographie parle pour moi. Après, on ne va pas se mentir, écrire des textes de rap et des articles de foot, ça n’a rien à voir. J’essaie juste de ne pas tomber dans le journalisme sportif lambda où l’on se contente de demander le ressenti d’un joueur sur un match.

Aujourd’hui, quel est ton quotidien ?

En fait, suite à cette première expérience, il y a eu une réunion pour envisager la suite. J’avais dans l’idée de tenir une rubrique sur les paris en ligne et ça a plu. D’autant que Marseille allait être sponsorisé par Betclic à ce moment-là. En parallèle, je collaborais également avec Media365, qui ne savaient rien de mon passé, et qui m’ont proposé d’être leur correspondant sur place. En conférence, les journalistes, qui me voyaient avec une caméra et un micro, pensaient tous que c’était une caméra cachée (rires). J’ai dû leur prouver que je méritais d’exercer ce métier. Ce que j’ai réussi, puisque le rédac chef d’OM.net, le site officiel de l’Olympique de Marseille, m’a proposé d’intégrer la rédaction du site. C’est un beau challenge. En marge de mes contributions classiques, Le rendez-vous de Karim me permet de réaliser des interviews poussées avec les joueurs. C’est l’exercice que je préfère. Je laisse libre cours à ma créativité, je peux aller au fond des choses. Comme avec Valbuena qui, avant de partir, me confiait avoir régulièrement souffert des railleries sur sa taille ou Steve Mandanda qui me racontait, avec émotion, son retour à Kinshasa.

Du coup, j’imagine que tu as des instants privilégiés avec les joueurs ?

Ouais, d’autant que j’assiste à presque tous les entraînements et que je fais tous les déplacements avec eux. Ça crée forcément des affinités. Ce qui est marrant, c’est que certains écoutaient la FF, que ce soit durant leur adolescence ou plus jeunes. Ils ont donc un double regard sur moi : une fois la journée finie, à leurs yeux, je redeviens Sat, le mec dont ils regardaient les clips et rappaient les textes. C’est clairement un avantage pour moi ! Gignac, par exemple, m’avouait il y a peu qu’il passait beaucoup de temps à nous écouter lorsqu’il était à Lorient. Il connaît nos paroles par cœur. L’autre jour, pour me chambrer, il est sorti de l’entraînement en mettant Mystère et Suspense à fond dans sa voiture. Pareil pour Lemina. Juste après son arrivée l’été dernier, je le raccompagne chez lui et, sur la route, il me dit : « Je t’écoutais quand j’étais petit » . Ça m’a fait éclater de rire : le mec devait avoir 8 ou 10 ans quand on était au sommet (rires). Thauvin, lui, n’a pas eu le choix. Son compagnon de chambre, en centre de formation, le réveillait avec la FF tous les jours (rires).

Comment expliques-tu ce lien entre rap et foot ?

Ce sont deux disciplines populaires par excellence. Il n’y a pas d’études sur ça, mais la plupart des rappeurs et footballeurs viennent des mêmes milieux, il y a un terreau similaire. De plus, je pense que chaque rappeur a rêvé un jour d’être footballeur et chaque footballeur a fait le rêve inverse. À 90%, les joueurs ont du rap dans le casque ou dans leur voiture. La dernière fois, Batshuayi m’a demandé de lui faire un freestyle. Je lui dis : « Le jour où tu claques un doublé, je t’en fais un » . Le problème, c’est qu’il en a marqué quelques-uns depuis plusieurs semaines. Du coup, je lui ai offert un freestyle personnalisé avec son nom et son numéro. Je l’ai régalé ! Il était comme un dingue. Comme moi lorsque je le vois faire un super contrôle suivi d’une frappe en lucarne. J’avoue, j’ai du mal à conserver mon calme, en tribune de presse, pendant les matchs. Le côté supporter reprend vite le dessus. Je suis incontrôlable (rires).

Tu arrives à trouver du temps pour enregistrer de nouveaux morceaux ?

C’est compliqué, il y a beaucoup de boulot. Ça demande beaucoup d’exigence. D’autant que l’OM n’est vraiment pas un club comme les autres. C’est le plus grand club du pays, celui avec le plus grand palmarès. Partout en France, il est représenté. Lors de Lens-Marseille, au Stade de France, les trois quarts du stade étaient marseillais. À chaque déplacement, c’est pareil : il y a toujours des centaines de supporters locaux qui attendent la sortie des joueurs marseillais. Ce n’est pas rare qu’on vienne me demander un autographe ou une photo. Mais je trouve ça déplacé. Avec l’OM, je ne suis pas Sat. Je suis juste un journaliste au service des médias du club. Alors, pour passer incognito, je mets une capuche et je me fais tout petit. Cette activité ne me laisse que très peu de temps pour ma vie personnelle. Malgré tout, j’ai quelques projets en stock que j’espère pouvoir mettre en route une fois la saison achevée, d’autant que mon contrat arrive à son terme.

La saison de l’OM, justement, tu en penses quoi ?

La première partie de saison nous a fait rêver, la seconde est un véritable cauchemar. On est passé de l’état de grâce à l’état de crise. À la mi-temps d’OM-PSG, on était à 1 point du leader, on jouait le titre. Une mi-temps et quatre défaites plus tard, on est 5es, à lutter péniblement pour une place en Ligue Europa. C’est complètement fou. Inexplicable. On se dirige vers un immense gâchis. À moins d’un retournement de situation exceptionnel, rarement une saison n’aura laissé autant de regrets. Quand les joueurs répètent à tout va que « tout peut aller très vite dans le football » , ça peut paraître bête comme phrase, apprise par cœur, mais ils n’ont pas entièrement tort dans le fond. Si les choses en restent là, on pourrait résumer cette saison à « Tout ça pour ça ! »

Malheureusement, on sait que beaucoup de clubs où Bielsa est passé ont connu le même destin. Comment le définirais-tu ?

C’est quelqu’un de très énigmatique. Je le croise presque tous les jours, et pourtant je n’ai eu le droit à un bonjour qu’à deux reprises. Et encore, je peux m’estimer chanceux (rires). C’est quelqu’un de spécial, c’est le feu et la glace. Je n’arrive pas à le cerner. Une chose est sûre, la majorité des supporters en sont fous. Ils scandent son nom, y compris les soirs de défaite. C’est du jamais vu à Marseille. On ne peut pas lui enlever qu’il aura ramené une forme de passion, une flamme qui s’était quelque peu éteinte à Marseille ces dernières années. Son style de jeu ultra offensif, fidèle à la devise du club « Droit au but » , ses systèmes de jeu auxquels on ne comprend pas toujours tout, ses conférences de presse lunaires ne laissent pas indifférents. Mais si le club termine 5e ou 6e en fin de saison, il aura l’un des plus mauvais bilans de ces dernières années. Il n’aura pas fait mieux qu’Élie Baup ou José Anigo.

Maxime Delcourt

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