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Sarri, la fête est finie

Par Adrien Candau
Sarri, la fête est finie

Recruté en grande pompe à l'été 2019, Maurizio Sarri devait changer en profondeur la Juventus. Mais c'est finalement le contraire qui s'est produit, alors que la Vieille Dame a semblé formater idéologiquement l’entraîneur qui, avec Gian Piero Gasperini, a su faire bouger le plus de lignes dans le football italien de la dernière décennie. Alors que la Juventus se cherche encore stylistiquement à l'heure de défier Lyon en C1 ce mercredi, une question demeure : le romantisme du Sarrismo est-il déjà mort et enterré à Turin ?

Il y a comme un sentiment de stagnation qui règne sur le Piémont. Le dimanche 16 février, Paulo Dybala signait un maître coup franc pour lancer la victoire des siens face à Brescia (2-0), avant de demander aux tifosi juventini, très vindicatifs à l’Allianz Stadium, de se calmer avec les sifflets. Bien sûr, la Vieille Dame a gagné sans trop transpirer. Sans enthousiasmer non plus. Et tout ça commence à faire désordre quand votre entraîneur, Maurizio Sarri, s’est construit une réputation d’inflexible prophète d’un football léché et collectif, que l’on espérait le voir capable d’exporter à Turin. Neuf mois après son arrivée, la magie Sarri n’opère toujours pas et le Mister lui-même avait tenu à jouer cartes sur table, après le succès des siens lors de cette 24e journée de Serie A : sa méthode n’est pas encore calibrée pour mijoter à point à Turin.

Les fantômes d’Allegri

Le discours de Sarri, intelligent, argumenté et structuré, a au moins eu le mérite de la clarté. « Cette équipe a des caractéristiques très bien définies, elle ne jouera jamais comme mes équipes du passé. J’essaie juste de m’adapter à ces caractéristiques. Par le passé, par exemple, je n’aurais jamais donné une liberté offensive comme celle que j’ai donnée à Dybala aujourd’hui, avec tous les autres joueurs qui ont dû s’adapter à lui. Mais ce sont des acteurs atypiques, individualistes et très forts qui s’expriment le mieux de cette façon. Si vous vous attendez à une organisation collective comme celle que j’ai mise au point dans mes autres équipes, vous ne la verrez jamais ici, tout simplement parce que les caractéristiques des joueurs sont complètement différentes. » Le verbatim est pragmatique : à entendre le technicien bianconero, il serait impossible de reproduire l’animation virtuose entrevue au Napoli dans le Piémont.

Sa Juve, de facto, est restée une équipe de fulgurances, où les inspirations individuelles des uns et des autres viennent masquer les insuffisances d’un bloc équipe prévisible et statique. Exactement, en définitive, comme celle de son prédécesseur, Massimiliano Allegri ? Oui et non. D’un, parce que la Vieille Dame version Allegri avait prouvé être capable d’atteindre des sommets d’intensité physique et de cohésion tactique dans les gros matchs de Ligue des champions, comme en attestaient ses deux présences en finales de C1, en 2015 et 2017. Un don du dépassement de soi et un art consommé de la discipline dont doit encore faire démonstration la Juventus de Sarri. De deux, parce que les statistiques sont impitoyables cette saison en Serie A avec l’écurie piémontaise : troisième attaque du championnat lors de l’exercice précédent et surtout meilleure défense, la Vieille Dame n’est que la quatrième équipe qui marque le plus de buts cette saison (derrière l’Atalanta, la Lazio et l’Inter) et figure seulement au quatrième rang des défenses de la Botte (derrière l’Inter, la Lazio et à égalité avec le Hellas Vérone). Les victoires piémontaises sont d’ailleurs inhabituellement étriquées cette saison : 13 des 19 succès glanés par la Vieille Dame en championnat ont ainsi été obtenus par un petit but d’écart, et seulement deux victoires l’ont été avec plus de deux buts d’écart.

Dybala, le voilà

Et si cette Juve-là avait finalement dés-évolué ? Les fondations de l’ère Allegri ne semblent plus aussi solides, quand celles posées par Sarri sont chancelantes, voire à la limite du palpable. Les propos de l’ex-gourou napolitain semblent même pointer vers une forme de renoncement, de capitulation, à tenter de transformer la Juventus en une équipe qui lui ressemble. Tout n’est néanmoins pas à jeter dans le travail du Mister, qui a su maintenir une forme d’équilibre : la Vieille Dame garde la main en Serie A et c’est la Ligue des champions qui constituera le vrai révélateur de la saison piémontaise. Le retour de Giorgio Chiellini derrière, la remobilisation des corps et des esprits juventini vers une compétition qui obsède le club depuis sa dernière victoire en 1996 peuvent potentiellement refaire de la Juventus l’une des plus impitoyables et brillantes machineries tactiques du plateau.

Si les flamboyances de son jeu sont intermittentes et trop dépendantes des coups de pétard de Cristiano Ronaldo, elle pourra néanmoins s’appuyer sur Paulo Dybala, meilleur Bianconero de la saison, pour souffler sur les braises de son attaque. Après avoir alterné entre la Joya et Higuaín devant pour accompagner Ronaldo, Sarri semble en effet avoir tranché en faveur du premier pour commencer les grands rendez-vous, alors que le numéro 10 de la Juve semble être le seul joueur capable de fluidifier l’animation souvent empâtée des siens. Voilà qui pourrait suffire pour sauter sans trop d’encombre au-dessus de l’obstacle lyonnais au parc OL. Reste qu’un éventuel succès en Ligue des champions cette saison ressemble pour l’instant à une perspective lointaine pour Mauzirio Sarri et cette Vieille Dame-là.

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Par Adrien Candau

Tous propos issus de la Gazzetta dello sport.

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