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Sakai, lost in translation

Par Maxime Brigand
Sakai, lost in translation

Au niveau sur le plan offensif, encore en apprentissage dans son apport défensif, Hiroki Sakai, l’inconnu du mercato estival marseillais, a réussi à se faire une place sur le terrain et a déjà fermé quelques gueules. Problème : Rudi Garcia ne veut plus le gérer en solo.

Droit derrière son pupitre, serré dans un costume parfait qui relève une mèche saccagée par une raie au milieu, Rudi Garcia, dans son rôle de professeur principal, a une cartouche à vider : « En français, nul. Nul, je suis méchant, mais je le dis, car c’est important. Hiroki, tu ne parles pas bien français ! Et faut que tu te bouges. C’est important pour la communication. Là, on est obligés de lui faire des vidéos individuelles, de lui réexpliquer tout en anglais, et mon staff n’est pas fait pour ça, Hiroki. » Le sergent a cogné, car il sait que franchir un cap se fait avec un tout et non avec des cas gérés individuellement. Un groupe professionnel ne peut être un 34+1, surtout quand le +1 est un titulaire quasiment devenu intouchable depuis plusieurs mois. Le voyage d’Hiroki Sakai, arrivé libre d’Hanovre en juillet dernier, est donc ainsi fait. Lui se sait comme « un OVNI pour le public français » . Il sait aussi qu’un footballeur japonais est forcément regardé avec un œil plus attentif, plus suspicieux, surtout à Marseille où on avait jusqu’ici pris davantage l’habitude de rire de leurs performances sur terrain enneigé. Alors, l’international japonais (trente-deux sélections) est arrivé sans faire de bruit, a bossé, a été testé et s’est finalement imposé jusque dans les têtes des supporters de l’OM. Avec une question : est-ce qu’il lui arrive d’être fatigué ? Non, Hiroki Sakai ne s’arrêtera jamais de courir, quitte à lâcher un peu de lucidité, car il est ici en mission : se faire aussi un nom, chez lui, au Japon.

Hiroki, trop mimi

Un instant raconte parfaitement qui est le personnage Sakai, réputé lisse, presque gendre idéal, au point d’être honnête jusqu’au bout des ongles. 16 mai 2015, Hanovre est à Augsbourg pour l’avant-dernière journée de Bundesliga. La bande à Michael Frontzeck tient sa victoire (2-1), mais à un quart d’heure de la fin de la rencontre, Hiroki Sakai est expulsé. Va-t-il se plaindre ? Non, le latéral japonais se cache dans le couloir et attend, fébrile, le coup de sifflet final. Mieux, il se met à chialer une fois le match terminé. La raison ? La peur de la défaite, mais surtout la sensation d’avoir abandonné ses potes. Certains parlent de Sakai comme d’un mec trop gentil dans un sport qui est, par essence, malhonnête. D’autres préfèrent discuter de son refus de plier face à l’adversité, de sa rigidité dans son mode de vie, de ses séances minutées ou encore des doutes qu’il a réussi à évacuer en quelques mois alors qu’au moment de son recrutement, le responsable de la cellule de l’OM, Jean-Philippe Durand, avait balancé à la paire Labrune-Passi qu’il n’avait « aucune certitude sur son intégration » . Il y a aujourd’hui deux Sakai.

Le potentiel ambassadeur

Il y a le Sakai du terrain, qui a été titulaire vingt-deux fois en Ligue 1 cette saison, qui affiche de solides statistiques offensives, qui a créé une belle complicité dans son couloir avec Florian Thauvin, mais qui reste perfectible défensivement comme les récentes grosses affiches l’ont montré. Et, il y a le Sakai hors terrain, celui que Rudi Garcia a fauché cette semaine en conférence de presse avant le déplacement à Nantes. Il n’y a rien à dire sur le professionnel, le joueur, ni vraiment sur l’homme, mais plutôt sur ce problème qu’est l’intégration. Oui, un joueur étranger doit se mettre au français pour qu’un entraîneur ne perde pas son temps, surtout à un moment où l’OM n’en a pas vraiment. C’est la prochaine étape de la vie de Sakai qui ne cesse d’être accompagné de sa traductrice, ce qui était déjà le cas en Allemagne. Apprendre le français n’est pas simple, demande du temps, mais si Hiroki veut être une tête de l’OM Champions Project, ça passera par là. Histoire que le Japon commence aussi à se soucier de ses performances en France, qu’il devienne une marque et un ambassadeur. Il en a le coffre et, avec encore un peu de temps, les épaules. Histoire, aussi, que la mèche de Rudi se remette en place.

Par Maxime Brigand

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