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Ruben Semedo, en quête de rédemption

Par Jules Thomas
Ruben Semedo, en quête de rédemption

C’est indéniablement la plus grande curiosité du promu Huesca. Pour sa première saison dans l’élite espagnole, la petite ville au nord de Saragosse a fait un pari assez fou : recruter un joueur qui sort de cinq mois de prison. Le Portugais Ruben Semedo, ancien grand espoir acheté 14 millions par Villarreal, a joué 14 minutes lors de la victoire inaugurale à Eibar (1-2) il y a deux semaines et c'est au Camp Nou que son équipe se déplace ce dimanche. Où il espère se relancer après des mois de frasques et de démêlés judiciaires.

Un tout petit budget et un tout petit stade peuvent suffire pour accéder à la Liga. Qui plus est pour la toute première fois. Mais les dirigeants aragonais savaient qu’ils ne pouvaient se permettre de folies pour leur mercato estival. Ayant perdu leur entraîneur Joan Francesc Ferrer ainsi que leur gardien phare Álex Remiro, les Oscenses n’ont pas perdu de temps à superviser les pépites du Mondial russe : ils se sont tout simplement rendus au parloir pour recruter. Plus exactement à celui du centre pénitentiaire de Picassent, au sud de Valence, où Ruben Semedo était incarcéré.

Formé au Sporting, réserve, équipe A, « le futur défenseur de l’équipe nationale » selon Jorge Jesus s’était fait remarquer au moment de son transfert à Villarreal l’été dernier. Puissant physiquement, rapide et capable de marquer, la perle d’origine cap-verdienne impressionnait la plupart des observateurs. Un moment de grâce qui touchera à sa fin bien plus vite que prévu. Car le garçon a vite dérapé.

Une carrière flinguée à coups de batte

En février dernier, il est inculpé par la justice espagnole pour tentative de meurtre et kidnapping sur un homme qu’il aurait, en compagnie de deux personnes, volé, ligoté, battu avec des battes de baseball et séquestré dans sa propre villa, près de Valence. Le Portugais aurait tiré en l’air et menacé de couper un doigt de la victime, qui est finalement sortie de l’épisode avec une cheville cassée. Le mobile d’une telle agression : de l’argent et une preuve compromettante les impliquant dans un autre délit.

Ruben Semedo n’en était pas à son coup d’essai. L’homme aux dreadlocks a vécu une enfance instable dans un quartier pauvre de Lisbonne, avec un père emprisonné lorsqu’il était âgé de cinq ans. Il confiait à Maisfutebol en 2015 que seul le réconfort qu’il pouvait trouver auprès de sa fille, Estela, pouvait l’éloigner de ses « mauvaises influences » , auxquelles il faisait face dans sa ville d’origine. Au moment de la séquestration, Semedo était déjà dans l’attente d’un procès dans une affaire de menaces avec arme à feu à la suite d’une altercation dans une discothèque en novembre, et une autre agression en boîte de nuit en octobre. Un casier bien chargé qui refroidira rapidement Villarreal, alors que son nouveau défenseur n’avait participé qu’à quatre petits matchs. Le sous-marin jaune engage donc une procédure disciplinaire à l’encontre de son joueur, ne pouvant collaborer avec quelqu’un empêtré dans de telles affaires.

Une porte de sortie inespérée

De toute manière, les terrains lui seront rapidement rendus inaccessibles. Arrêté le 20 février 2018, Semedo passera 142 jours à l’ombre. Mais début juillet, le défenseur paie une caution de 30 000 euros pour sortir de prison en attendant son procès. Évidemment les portes de Villarreal resteront closes, mais c’est le CD Huesca qui a donc obtenu son prêt pour un an une semaine plus tard. Ce qui donne lieu à un discours assez lunaire pour sa présentation: « Il est arrivé avec un poids idéal et il a un peu travaillé en prison » , déclarait avec enthousiasme le directeur sportif du CD, Emilio Vega. « Il a même disputé quelques matchs à l’intérieur. Nous respectons la présomption d’innocence et nous avons entièrement confiance dans notre joueur. Une fois que le verdict tombera, nous discuterons de ce que nous ferons. Nous sommes un club sérieux et responsable. Nous prendrons une décision sage et cohérente. »

Vega a aussi insisté sur l’impact de l’ambiance du petit club : « Nous sommes un club de personnes accueillantes, qui facilite la vie à ceux qui arrivent et donne une seconde chance aux joueurs. Tout le monde a le droit de faire ce qu’il aime et être heureux. » Pourtant, Ruben Semedo n’a pas encore repris une vie normale, comme en témoigne la surveillance judiciaire dont il fait l’objet. Le voilà tenu de respecter plusieurs conditions pour conserver sa liberté : interdiction de quitter le territoire espagnol et de s’approcher à moins de 300 mètres de la victime présumée, ainsi que l’obligation de pointer au tribunal chaque semaine.

La confiance de sa nouvelle famille est donc conditionnelle : Semedo doit maintenant se concentrer uniquement sur le football, et prier pour un jugement favorable de la justice. Si sa peine n’est pas alourdie, il pourra se refaire une santé dans une ville tranquille et isolée, peu célèbre pour ses boîtes de nuit, et l’enceinte champêtre d’El Alcoraz devrait à coup sûr lui amener plus de joies qu’un nouvel Alcatraz. Dans la petite équipe aux 4 points en deux journées, le Portugais n’a plus qu’à gagner sa place de titulaire à l’entraînement, pour gagner sa rédemption sur un terrain, avant de l’espérer face au procureur.

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