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Roux cool

Par Alexandre Doskov
Roux cool

Qui c'est qui a marqué plus de buts en championnat que Benzema, Griezmann, Gameiro, Lacazette et Giroud cette saison ? C'est Nolan Roux, le vilain petit canard que plus personne ne prenait au sérieux.

« Celui qui marquera, tant mieux, tant que ça rapporte les trois points. Si ça tombe sur moi, tant mieux. » L’air de dire « tiens, si par le plus grand des hasards une puissance supérieure décide de m’autoriser à marquer un but, ben je ne crache pas dessus. » Qui a dit qu’un homme était toujours obligé d’être maître de son destin ? Pour être footballeur professionnel, attaquant de surcroît, et tenir ce genre de discours, il faut vivre totalement détaché des statistiques. Il faut voir sa propre personne comme un pion au service de quelque chose de plus grand, tout miser sur l’abnégation, la combativité, et assumer à fond le fait d’être un attaquant qui surprend toujours un peu son monde quand il marque. Bref, il faut être Nolan Roux.

Après avoir bien vérifié qu’il y avait marqué « attaquant » sur sa fiche de paye, Roux avait sobrement ajouté : « Je suis là pour ça. » Lucide. Au moment où il prononce ces paroles au micro de beIN, en septembre dernier, le garçon n’est que le buteur inefficace du FC Metz, l’élève Ducobu de la Ligue 1 englué à la dernière place avec son bonnet d’âne. Au fond, était-ce bien étonnant ? Metz avait déjà arraché son maintien à l’héroïsme la saison passée, et Nolan Roux n’a pas attendu d’être aux confins de la ligne Maginot pour avoir un panneau « grosse banane » cloué dans le dos. Mais ce qui est beau dans le football, c’est que six mois suffisent parfois pour renverser quelques tables.

Crapaud devenu prince

Depuis l’interview du « Si ça tombe sur moi, tant mieux » , Metz est toujours à la traîne, c’est un fait. Mais le grenat du maillot est un peu plus vif, et la croix de Lorraine un peu plus droite. Surtout, Nolan Roux est un peu plus performant. Beaucoup, même. En s’emballant un peu, on pourrait en faire le crapaud devenu prince d’un conte pour enfants. Ou la tête de Turc du lycée devenu beau gosse d’un film pour ado, pour ceux qui préfèrent le bruit des bagarres contre les casiers. En effet, pour la première fois de sa vie, Nolan Roux a le fusil à l’épaule avec dans le viseur la barre des dix buts marqués en une saison de Ligue 1. Première bonne nouvelle. La deuxième, c’est que nous ne sommes que début février et que l’attaquant messin peut s’imaginer au-delà des quinze pions en mai prochain.

Roux le répète matin, midi et soir depuis le début de sa carrière, il n’en a rien à carrer des chiffres, et dans un long entretien accordé à France Football avant son doublé face à Nice, il continuait de marteler qu’il ne mangeait pas de ce pain-là : « Si vous me demandez de choisir entre marquer plus de sept buts ou se maintenir avec Metz, eh bien je reste à sept buts. » Mais tout comme le crapaud des contes est heureux quand la princesse l’embrasse et le change en prince charmant, le corbeau de la fable a du mal à rester insensible face aux flagorneries du renard. Alors après avoir juré croix de bois, croix de fer que le collectif primait sur ses ambitions personnelles, Nolan Roux avait enlevé ses œillères : « C’est vrai que j’ai pu me dire :« Mince, pourquoi pas dix ? »Depuis le temps que j’ai fait neuf, une fois huit… À chaque saison, je me dis que c’est maintenant ! »

Le clash avec Mathieu Duhamel

Personne ne s’était préparé à jeter des fleurs à Nolan Roux, alors personne ne sait comment faire. En même temps, il y a peu de temps, il était l’attaquant le plus moqué du pays, le genre de joueur dont on se demande ce qu’il fout là. Alors devoir saluer ses performances quasiment du jour au lendemain sans palier de décompression, ça fait tout drôle. Pas franchement maître du timing, l’ancien Messin Mathieu Duhamel pourrissait encore Nolan Roux sur France Bleu le 22 janvier dernier en lui taillant un costume de pistonné : « Je n’ai rien contre lui, mais si je m’appelais Nolan Roux, avec un père qui a été professionnel, peut-être que je n’aurais pas fait la même carrière. Est-ce que Nolan Roux a mis dix buts en L1 sur une saison ? Non. Mathieu Duhamel, il les a mis sur ses deux premières saisons. Et en étant blessé deux mois et demi. Mais ça, on ne le voit pas. »

Difficile de résister au plaisir de parler de soi à la troisième personne, encore moins à celui de faire du Nolan Roux bashing. Surpris, les moqueurs d’hier accueillent la belle saison de Roux avec le sourire, en faisant circuler sur les réseaux des montages amusants rappelant que l’ami Nolan marque plus en championnat cette saison que Cristiano Ronaldo. Sur le terrain, Roux est baladé par Fred Hantz sur l’aile gauche, joue plus bas sur le terrain. Lui s’en accommode et marque près de 50% des buts de Metz. En mettant le nez dans les journaux, il a même pu tomber sur les pages sport du Républicain Lorrain qui titraient il y a peu : « Nolan Roux président ! » 2022 est encore loin, mais après tant d’années à être raillé, Roux est enfin dans un club qui l’aime. Et si on lui demandait son avis sur cette popularité inédite, sans doute hausserait-il négligemment les épaules en lâchant : « Tant mieux. »

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