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Florin Niță, destin doré

Par Alexandre Lazar

Préféré à Horațiu Moldovan pour être le portier de la Roumanie à l’Euro, Florin Niță (37 ans en juillet) a pris part à la plus large victoire des Tricolorii en compétition internationale, face à l’Ukraine lundi. Un destin à la Slumdog Millionaire pour « Chucky », longtemps plus proche du travail à la chaîne à l’usine que d’une place de titulaire en club.

17th June 2024; Munich Football Arena, Munich, Germany; Euro 2024 Group E Football, Romania versus Ukraine; Florin Nita (ROU) Goalkeeper, celebrates their win   - Photo by Icon Sport
17th June 2024; Munich Football Arena, Munich, Germany; Euro 2024 Group E Football, Romania versus Ukraine; Florin Nita (ROU) Goalkeeper, celebrates their win - Photo by Icon Sport

L’équipe de Roumanie a pris de court les « experts » lundi dernier, en dominant nettement l’outsider ukrainien dans une arène munichoise investie par 50 000 supporters tricolores et relocalisée à Bucarest le temps d’une journée. Non seulement elle n’est pas le petit Poucet attendu, mais au milieu de ses grands talents que sont Radu Dragusin ou Dennis Man, l’histoire personnelle de certains de ses éléments clés détonne, qu’ils soient issus de la diaspora ou non. C’est comme si, après des années de souffrance et de désillusions, alors que le pays attend toujours de retrouver la Coupe du monde au XXIe siècle, tout était enfin réuni pour que le parcours ne s’arrête pas au bout de trois petits matchs. À une dizaine de jours de son 37e anniversaire, le gardien Florin Niță fait office de vétéran dans l’effectif d’Edward Iordănescu. Un vétéran aux vies multiples, entouré de femmes fortes, qui a forcé son destin pour devenir un symbole de résilience, d’humilité et d’humanité unanimement respecté au pays. Et le gardien titulaire d’une sélection peut-être enfin décomplexée par sa victoire inaugurale historique (le plus large succès de la Roumanie en compétition internationale, excusez du peu), devant un joueur de l’Atlético de Madrid.

Enfance sacrifiée

Il faut dire que le sort a frappé tôt le jeune Florin en plein cœur, lui qui est désormais le joueur roumain le plus âgé à disputer un tournoi, devant le maître artificier Lucian Sânmărtean et le légendaire Miodrag Belodedici. Issu d’une famille très modeste du quartier Drumul Taberei, détruit par les plans d’urbanisme du dictateur Nicolae Ceaușescu pour y implanter la misère sociale, il perd son père à l’âge de cinq ans, en 1992, et sa mère a la santé fragile. Sans figure paternelle et avec des piliers familiaux flous, Florin n’a d’autre choix que d’affronter la vie en duel, sans savoir si demain lui offrira une chance d’éviter les aiguilles des quelques drogués de son quartier.

Je n’ai jamais refusé de travailler et il n’y a aucune honte à le faire dans une usine, pour avoir quelque chose à mettre dans l’assiette.

Florin Nita

« Si je commence à raconter ma vie, je peux vite pleurer, résume-t-il à Gazeta Sporturilor. Il y a eu tellement de moments difficiles dans mon enfance, je ne pourrais même pas choisir lesquels ont été les pires. Quand je suis resté tout seul, sans parents, sans grands-parents, sans personne, alors j’ai compris que je devrais me battre. C’est une voisine de Drumul Taberei, Madame Pansela, qui m’a beaucoup aidé. Un jour, elle m’a pris par la main pour me dire que si je refusais de travailler dans la vie, je ne réussirais pas à survivre. C’est elle qui m’a emmené à Chiajna, dans une usine de fabrication de cozonaci (un gâteau roumain traditionnel, NDLR). Oui, oui, j’emballais des gâteaux. Je devais ramener de l’argent à la maison, faire quelque chose pour aider ma famille. Qu’est-ce que j’avais mal aux jambes à force de rester debout… mais je revenais toujours avec un cozonac le soir, et ça suffisait à notre bonheur, à celui de ma mère et de ma sœur. Je n’ai jamais refusé de travailler et il n’y a aucune honte à le faire dans une usine, pour avoir quelque chose à mettre dans l’assiette. Dans les rues de Chiajna, tout le monde me connaissait, j’étais tout frêle quand je rentrais dans le froid le soir. J’avais vraiment peur de finir à la rue », abonde le futur portier.

C’est cette même Madame Pansela qui pousse pour Niță la porte de l’académie de football du Steaua Bucarest, dans le quartier voisin de Ghencea, à ses sept piges : «  Elle me disait de juste m’amuser, parce que c’est un plaisir de la vie, que je serais au moins heureux quelque part. » « Chucky », comme il est surnommé, passe huit ans chez les Militaires, avant qu’on lui fasse comprendre qu’il n’aura jamais sa chance. Un passage par la réserve du Rapid plus tard, il revient à… Chiajna, dans le club local de la commune limitrophe, le Concordia. Dans le même temps, en 2006, sa mère succombe à une maladie cardiovasculaire. Elle aura tenu un an, seulement, après avoir perdu sa maison à cause des mensonges d’une «  amie ».

Détruit par cette nouvelle perte, Florin Niță alterne le bon et le moins bon à Chiajna, allant jusqu’à rendre fou un de ses entraîneurs de l’époque, Ilie Stan, qui voit en lui un simple numéro 2. Il y connaîtra d’ailleurs une relégation. Laurențiu Reghecampf, celui qui a fini par croire en ses qualités au Concordia, le ramène au Steaua en 2013. Ou plutôt au FCSB, qui a perdu « la marque » du club de l’armée et le droit d’être connu comme tel. L’ancien grand club de la capitale n’est plus que l’ombre de ce qu’il était, à la suite d’un schisme intenté par des généraux au propriétaire Gigi Becali. Excellent sur sa ligne, il reste sujet à des micro-absences qui font que son statut n’est jamais très clair. Pour autant, la recette est la même, et les fans l’adorent pour son caractère. S’il a le droit à des apparitions sporadiques en sélection – en amical –, il reste loin dans l’ombre de Ciprian Tătărușanu.

À cœur vaillant…

Jusqu’au début des éliminatoires pour le Mondial qatari, après la retraite de l’ancien Nantais. Malgré la concurrence dans un pays à cheval sur la formation des portiers, il saisit sa chance et signe une performance surréaliste avec dix arrêts contre l’Allemagne (0-1), qui poussera Manuel Neuer à lui adresser des louanges en zone mixte. Mais alors qu’il évolue au Sparta Prague, il n’entre plus dans les plans du club du jour au lendemain, et passe une moitié d’année sans jouer. La donne change encore et un nouveau portier émerge (Horațiu Moldovan, lui aussi révélé sur le tard), en même temps qu’un autre refait surface (Ionuț Radu). «  Après ce premier match sensationnel, il se peut que le passé que nous, anciens joueurs, incarnons, ne soit enfin plus un fardeau sur les épaules des joueurs, évoque Viorel Moldovan, ancienne gloire nantaise et tout frais président du Rapid Bucarest. J’espère que l’équipe actuelle dépassera nos exploits. Niță a fait ce qu’il avait à faire en se couchant sur les quelques ballons au-devant des Ukrainiens, en plongeant, en lisant bien le jeu. Comme toute l’équipe, il a été extrêmement déterminé, vigilant et discipliné. Il mérite ce qui lui arrive, le choix était rude entre lui et Moldovan pour la place de numéro 1, mais Edi (Iordănescu) a tout simplement tranché en faveur de celui qui joue en club et pourrait être moins sujet aux sautes de concentration. »

Du côté de Gaziantep, Niță est en effet vu comme un des meilleurs gardiens de Süper Lig turque, alors que Moldovan, malgré son niveau affiché en qualifications notamment (face à la Suisse et au Kosovo), n’a toujours pas pu démarrer une rencontre à l’Atlético, restant dans l’ombre de Jan Oblak après son transfert retentissant en provenance du Rapid. Il faut dire que Niță, qui fut sur les tablettes du LOSC – pour être la doublure expérimentée de Lucas Chevalier – il y a un an, reste jeune dans sa tête : «  Ce qui m’impressionne le plus, c’est son envie et son implication à l’entraînement. Il déborde d’énergie sur chaque séquence et à son âge, c’est remarquable. C’est un vrai compétiteur, qui refuse la défaite, il ne pouvait en être autrement avec toutes les épreuves personnelles qu’il a traversées », remarque Bogdan Racovițan, l’international franco-roumain des Tricolorii, entré en jeu face à l’Ukraine. Ce samedi, Florin Niță devra – comme dans sa jeunesse – mettre la main à la pâte face aux offensifs belges.

Par Alexandre Lazar

Propos de Viorel Moldovan et Bogdan Racovițan recueillis par AL.

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