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Rosenthal : « Je n’ai jamais voulu donner d’importance à ces minorités extrémistes »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
Rosenthal : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je n’ai jamais voulu donner d’importance à ces minorités extrémistes<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

En 1989, Ronny Rosenthal s’apprête à devenir le premier joueur israélien de l’histoire de la Serie A, mais les dirigeants de l’Udinese annulent son transfert, prétextant un problème physique peu après que des ultras du club ont tagué des phrases antisémites sur les murs de la ville frioulane. Interview.

Comment sont nées les négociations avec l’Udinese ?Cela faisait trois ans que j’évoluais en Belgique, d’abord deux saisons à Bruges où j’avais remplacé Jean-Pierre Papin et une au Standard de Liège. J’avais fait une superbe saison chez ces derniers en plantant beaucoup, et l’Udinese est venue me faire signer au mois de juin pour un million de dollars. Pour moi, c’était un rêve, la Serie A était le top à l’époque, comme la Premier League maintenant. Je ne connaissais pas ce club, mais le principal était de pouvoir évoluer dans ce championnat, peu importe où, cela valait pour tous les joueurs. Je suis venu passer mes visites médicales pendant deux jours, j’ai eu le temps de visiter la ville, je me plaisais bien quoi.

Comment apprenez-vous que le transfert capote ?D’abord sur les journaux, puis lors de la reprise des entraînements début juillet, c’était pour un problème de tassement vertébral, une malformation de naissance qui ne m’a jamais empêché de jouer.

Quelques jours plus tôt, des tags antisémites ( « Pas de juifs dans le Frioul » ) signés par le groupe de supporters du club Hooligan Teddy Boys étaient apparus dans la ville… Eh bien, j’ai lu cela comme tout le monde, mais je n’ai rien vu de mes propres yeux, ni ressenti une quelconque animosité à mon égard lors de mon court passage. Chaque club a ou peut avoir une frange de supporters antisémites ou d’extrême droite. Je ne pense pas que ce soit la raison de l’annulation de mon transfert même si cet incident avait fait beaucoup de bruit à l’époque.

Sûr ? Les dirigeants ont quand même reçu des menaces de mort par courrier.Ah ça, je ne sais pas, je n’avais été mis au courant de rien.

Ces pressions ne sont donc pour rien dans l’annulation de votre transfert ?Quelques semaines après, ils ont fait signer Adel Balbo, un attaquant argentin qui avait trois ans de moins que moi, ça signifiait un meilleur business pour eux. Pour moi, cette histoire de problème physique n’était qu’un prétexte pour l’engager.

Vous en êtes resté là ?Non, j’ai poursuivi le club en justice par principe et non pour l’argent, vu que j’étais très bien payé dans mon nouveau club. Trois semaines sont passées entre ma visite médicale et ce problème physique, c’est bien que c’était louche et surtout lié au recrutement de Balbo. J’ai d’ailleurs eu le droit à une compensation financière (de 65 millions de lires, ndlr).

Où êtes-vous transféré alors ?Je suis rentré au Standard où l’entraîneur ne m’a pas aligné tout de suite malgré mon statut de meilleur buteur, mais j’avais loupé toute la préparation, donc… Enfin, huit mois plus tard, je m’engage avec Liverpool où je remporte le championnat, le dernier en date, tandis que l’Udinese est reléguée en Serie B. On peut dire que c’était un happy end !

Est-ce le seul acte d’antisémitisme auquel vous avez été confronté dans votre carrière ?Quand je jouais, il y a toujours eu une, dix ou vingt personnes qui en avaient après moi pour cette raison. Mais moi, je n’ai jamais voulu donner d’importance à ces minorités parce que c’est exactement ce qu’elles veulent. Je n’ai pas non plus cherché à être interviewé vis-à-vis de ce qui m’est arrivé, si on m’appelle, j’en parle volontiers, mais ça s’arrête là.

Vous facturez 11 buts en 60 sélections avec Israël, une sélection qui ne semble ni progresser ni régresser depuis 20 ans.Tout à fait. Il y a eu des gros progrès au niveau des infrastructures, avec des stades modernes et rénovés, mais il aurait fallu mettre d’abord de l’argent dans les terrains d’entraînement et après les stades, car l’Israël manque d’espaces ouverts. Le sommet de la pyramide de notre foot doit le comprendre. Des petites nations comme la Slovénie, la Slovaquie, la Bosnie se qualifient, or, pour y arriver, il faut au moins 15/20 bonhommes qui jouent dans les grands championnats européens.

Vous qui êtes talent-scout, les joueurs israéliens doivent avoir une bonne cote avec leur profil très technique ? Mais ça ne suffit pas, dans le foot actuel, il faut être aussi un athlète de top niveau. En Israël, il n’y a pas moins de talent qu’ailleurs, mais il manque cette prérogative physique, et pour cela, il faut identifier les top athlètes dès leur plus jeune âge et bosser dessus.

Ronny, votre nom est lié à une des pires déroutes de l’histoire des Bleus, quasiment trois passes décisives contre la France un soir d’octobre 1993.Comment oublier ce match ! Ce qu’on a fait ce jour-là, ça arrive une fois tous les 30/40 ans. Ma rapidité leur avait fait beaucoup de mal, ça avait attiré le regard de clubs français, notamment Bordeaux et Saint-Étienne, mais je n’étais pas un inconnu, puisque j’évoluais à Liverpool. J’ai finalement choisi Tottenham en 1994, en revanche, je n’ai jamais eu une autre occasion de signer en Italie, mais si j’avais eu l’opportunité d’y retourner plus tard, je l’aurais fait sans me soucier de possibles réactions antisémites.

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