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Ronaldo et le foot français : peur sur la Ligue 1
Cristiano Ronaldo reste hors norme. Même encore aujourd’hui, dans son beau costard de VRP pour l’Arabie saoudite. Au point de mettre la fièvre au foot tricolore après une déclaration qui aurait seulement dû faire sourire les acteurs d’un "grand championnat"…
« La Ligue saoudienne n’est pas pire que la Ligue 1. La Saudi Pro League est plus compétitive que la Ligue 1, je peux le dire après un an passé là-bas. Nous sommes déjà meilleurs que le championnat français maintenant. Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, je sais ce que je dis. C’est mon avis. » Personne n’aurait prêté attention à la cérémonie des Globe Soccer Awards, à Dubaï, si Cristiano Ronaldo n’avait décidé de venir y égratigner l’orgueil hexagonal. Commençons par l’évidence. Ambassadeur grassement rémunéré d’un foot saoudien à l’appétit et à l’ambition sans borne, le Portugais se révèle aussi robotique dans son rôle de communicant que sur le terrain. Son propos ne surgit d’ailleurs pas de nulle part. Après un mercato en forme de tsunami, les premières désillusions se multiplient, laissant craindre un scénario à la chinoise, avec le cas emblématique de Karim Benzema en guise de bad buzz. Il importe, après la pluie de pétrodollars, de promouvoir un « vrai » championnat. La stratégie de com saute aux yeux et aurait donc dû provoquer simplement un haussement d’épaules. « Je pense que les personnes intelligentes comprendront pourquoi il a fait cette déclaration », s’est d’ailleurs amusé son compatriote Paulo Fonseca, coach du LOSC.
Nous avons eu droit au contraire à un léger vent de panique, qui a traversé le pays et les plateaux télé. Laure Boulleau, consultante Canal+, a brodé sur les théories explicatives. « J’ai été hyper étonnée de sa communication. Pourquoi s’attaquer à la Ligue 1 ? Parce que Lionel Messi a joué ici ? Je me suis posé la question, pourquoi il a cité la Ligue 1 et pas d’autres championnats. Je trouve déjà que ce n’est pas de son niveau de dire ça ; je pense qu’il a joué dans plein d’autres championnats, sauf celui-là, donc je trouve ça nul. » L’argument massue. Il n’a jamais connu les joies d’un match contre Lorient ou Strasbourg, quelle légitimité possède le vétéran d’Al-Nassr ? De là à imaginer qu’il envie secrètement son ancien rival du Barça…
« Mais euh »
Sauf que de fait, Ronaldo a fort bien choisi sa victime. Il n’a pas goûté les plaisirs discrets de la Ligue 1, mais il a pu observer les performances de ses représentants dans les compétitions européennes. De plus, il sait qu’en tapant sur la Ligue 1, il ne prend aucun risque. S’il avait cité la Premier League ou la Liga, le ridicule l’aurait tué sur-le-champ et sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, aurait-il seulement pris le risque de froisser les ligues où évoluent ses ex-clubs du Sporting, de Manchester United, du Real Madrid ou de la Juventus ? Les réactions indignées dans l’Hexagone, le besoin d’argumenter, de donner des chiffres pour se justifier, illustrent surtout la fébrilité du foot français qui se sent ou se sait vulnérable et contesté.
Au-delà d’une arrogance permanente de façade, le niveau de la Ligue 1 déçoit cette saison encore, pour rester poli. Les négociations sur les droits télé, avec l’ombre d’un départ de Mbappé, soulignent la fragilité de son statut et ce que pèse réellement notre championnat sur le Vieux Continent. L’entraîneur brestois Eric Roy le concède presque à moitié : « Ce n’est pas que je ne suis pas d’accord, mais Cristiano Ronaldo n’a jamais joué en Ligue 1. Comment il peut se donner un étalonnage ? Il faut y avoir joué. C’est son opinion, on la respecte, mais après, il n’y a pas grand-chose à dire par rapport à ça. » Toujours la même ligne de défense du côté du coach bordelais Albert Riera, lui qui mène un club de Ligue 2 : « Je ne comprends pas comment il peut dire ça assis derrière sa télé, sans jamais avoir joué ici. » Justement, quelque part, il n’a jamais pensé faire cet effort, autant pour des raisons économiques que sportives. La Ligue 1 a donné une fois encore l’impression d’être un animal blessé qui se lamente dès qu’on égratigne son amour-propre, et qui doit montrer les crocs pour se défendre. Sans ce doute lancinant, les paroles de Ronaldo n’auraient été qu’une story de plus sur Instagram…
Par Nicolas Kssis-Martov