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Romain Philippoteaux : « J’ai l’impression que ça fait dix ans que je suis à Nîmes »
Arrivé cet été à Nîmes, Romain Philippoteaux s'offre à 31 ans un come-back plein d'aplomb en Ligue 1. Surtout, l'ailier originaire du Vaucluse retrouve son Sud natal, où il peut profiter de l'ambiance survoltée des Costières et des parties de chasse avec ses nouveaux partenaires. Tout ce qu'il faut pour aborder avec enthousiasme un derby du Languedoc qui s'annonce bouillant entre Héraultais (12es) et Gardois (11es).
Salut Romain. Tu nous a laissés samedi soir avec un joli but contre Toulouse. Est-ce que tu peux nous le raconter ?Ça part d’une récupération haute avec un gros pressing, où le Téfécé a du mal à se dégager. Renaud Ripart va au duel aérien, le ballon retombe derrière lui, Théo Valls le récupère, fixe et me décale. Là, j’essaie de rentrer intérieur, je fais un passement de jambes pour déstabiliser mon défenseur. Je vois qu’il ne bouge pas trop, je veux vite rentrer intérieur et enchaîner par la frappe, et puis c’est vrai qu’elle part très bien et qu’elle va se loger dans la lucarne opposée. J’étais content d’ouvrir le score et d’inscrire mon premier but aux Costières. Je l’ai revu ensuite, et c’est vrai qu’il est très beau.
Ce but, tu le mets à Baptiste Reynet, un gardien que tu connais bien.On a joué ensemble au DFCO, avant qu’il aille à Lorient. Quand moi, je suis parti à Lorient à l’hiver 2015, il faisait le chemin inverse. On se revoit toujours avec plaisir, même si là, j’étais obligé de le brancher après le match. Il m’a dit : « Je ne peux rien faire, c’est imparable. » Cette année, mes deux buts, je les ai marqués à deux gardiens que j’ai côtoyés. À Monaco, c’était Benjamin Lecomte en face. (Ils ont joué 105 matchs ensemble à Dijon, puis à Lorient, entre 2013 et 2017, N.D.L.R.)
C’est le sixième but de ta carrière en Ligue 1, et donc le deuxième cette saison. Qu’est-ce qui fait que tu es aujourd’hui décisif ?En fait, j’ai toujours marqué beaucoup de buts, il y a juste à Lorient où je n’ai pas tant marqué que ça. Je marquais en Coupe de France, Coupe de la Ligue, mais finalement peu en championnat. Là, j’estime que je fais un bon début de saison, surtout que je suis arrivé sans pression dans un groupe qui vit très bien. Ici, on me fait confiance et il y a une identité de jeu dans ce club qui me correspond. On joue tous les uns pour les autres, on est très solidaires. Avec ce public, je me sens aussi pousser des ailes et j’arrive à un âge où je suis plus mature dans mon jeu. Je pense que j’ai élargi ma palette, ce qui me donne plus d’opportunités de marquer.
La saison dernière, la marque de fabrique du Nîmes Olympique était de planter des beaux buts, que ça soit par Téji Savanier, Antonin Bobichon ou Denis Bouanga. Maintenant que ceux-là sont partis, tu t’es senti obligé de reprendre le flambeau ?C’est vrai que l’an dernier, ils étaient magnifiques. La barre est haute ! Mais je ne marquerai pas chaque week-end des buts comme celui contre Toulouse…
Tu vas vivre ce mercredi ton premier derby du Languedoc. Est-ce qu’on t’a briefé à ce sujet ?J’avais vu l’an dernier que les matchs avaient été assez chauds, surtout celui à la Mosson (3-0 pour le MHSC, une barrière qui a cédé faisant deux blessés et une invasion de la pelouse, N.D.L.R.). Les supporters ont eu l’occasion de me dire que c’était un match important pour eux. Quand j’étais jeune, je venais au stade des Costières avec mon père, et je me souviens que quand le speaker annonçait le résultat de Montpellier, il y avait toujours une bronca dans le stade. Ça ne date pas d’hier, cette rivalité a toujours existé. Maintenant que les deux clubs sont au plus haut niveau, ça donne de belles rencontres. J’espère que ça se passera bien et qu’on ira chercher un résultat.
Tu as déjà vécu des derbys avec autant de ferveur ?Dijon et Auxerre, c’est un petit derby régional, mais sans véritable rivalité ni grande passion. À Lorient, il pouvait y avoir de l’ambiance face aux autres équipes bretonnes, mais ce n’était pas aussi chaud. Là, on sent qu’il y a une rancœur entre les deux clubs.
Tu es né à Apt et tu as vécu dans le Vaucluse jusqu’à tes 25 ans. Tu supportais quelle équipe quand tu étais gamin ?Mon père m’emmenait voir Marseille et Nîmes. J’allais voir les deux et je prenais du plaisir dans les deux stades. Nîmes, c’était à l’époque du National ou de la Ligue 2, mais il y avait déjà une belle petite ambiance.
Aujourd’hui, tu retrouves le Sud, six ans après l’avoir quitté.C’est ça. J’ai quitté l’US Pontet assez tard pour aller à Dijon. Aujourd’hui, ça me fait du bien de retrouver ma région. Je vis à Nîmes, mais ça me permet de voir mes proches quand je le souhaite. Ma femme et ma fille s’y plaisent aussi donc pour l’instant, tous les feux sont au vert. Le Sud, ça reste une mentalité particulière, j’y ai grandi, et forcément, c’est plus facile pour m’intégrer. À Nîmes, il y a un super vestiaire et les gars m’ont tout de suite adopté. On s’est compris directement. J’ai l’impression que ça fait dix ans que je suis au club, alors que ça ne fait que trois mois que je suis là.
Cette mentalité dont tu parles, tu la résumerais comment en quelques mots ?C’est une culture méditerranéenne, c’est passionnel, tout est à l’extrême. Il faut savoir gérer cet engouement.
Tu sortais de deux belles saisons à Auxerre. Pourquoi partir cet été, sachant que l’arrivée de Jean-Marc Furlan annonçait d’autres ambitions pour le club ?Ce n’était pas prévu que je parte. J’étais sous contrat, j’avais fait de belles années et j’étais un élément important. Quand Nîmes est arrivé, je ne pensais pas que mon départ serait accepté par Auxerre. Les années précédentes, Caen et d’autres clubs de Ligue 1 m’avaient sollicité, et Auxerre a toujours dit que j’étais intransférable. Mais cette fois-ci, ils ont laissé la porte ouverte. Moi-même, j’en étais surpris. Je ne sais pas si c’est le coach ou le board qui voulait changer de philosophie. À partir de là, je n’ai pas hésité une seule seconde pour rejoindre la Ligue 1 et surtout me rapprocher du Sud en signant à Nîmes.
Tu as signé au tout début du mercato. Mais à la fin du mois d’août, l’effectif nîmois était décimé, au point que Bernard Blaquart disait le 30 août : « On n’a pas d’équipe » . Comment vous avez vécu en interne cet été ? Nîmes a perdu la moitié de son effectif (16 joueurs, N.D.L.R.), dont beaucoup de pièces importantes. Et seulement trois joueurs sont arrivés au mois de juillet (Philippoteaux, Ferhat et Martinez, N.D.L.R.). Dans ces conditions, c’est normal de se faire du souci. Le recrutement s’est bouclé tardivement, certains transferts ont capoté, donc forcément il y a eu une espèce d’affolement. On sentait cette tension. Ceci dit, on a toujours bien travaillé pendant la préparation, l’ambiance restait bonne et ça n’a pas trop pesé sur les joueurs.
Tu avais prévu d’être aussi rapidement un cadre dans cette équipe ?Pas du tout. Je suis arrivé sans pression avec un petit transfert (300 000 euros d’indemnités, N.D.L.R.), un peu sur la pointe des pieds. Bon, en revanche, ça m’a fait bizarre d’être le plus vieux de l’équipe (la moyenne d’âge est de 23,6 ans, N.D.L.R.).
C’est sûr que j’ai de l’expérience, mais il faut quand même respecter les anciens du club, même s’ils sont plus jeunes que moi. J’essaie d’apporter mes qualités, ma bonne humeur et mon sérieux. Si parfois, je peux dire un petit mot pour aider, je le ferai, mais il ne faut pas dépasser ses fonctions.
Tu as déjà pu faire des parties de chasse avec ton capitaine Anthony Briançon ?Ah oui ! Et la pêche aussi. Anthony m’a super bien accueilli. C’est un super mec. Ici, on peut se retrouver à 5 ou 6 pour faire une sortie pêche, aller à la chasse, faire une partie de boules ou de cartes. C’est tout ça qui fait qu’on arrive à créer des liens qui se voient ensuite sur le terrain.
Qui est le meilleur joueur de pétanque à Nîmes ?Aux boules, on va dire que c’est Briançon. Mais à la coinche, c’est moi le meilleur avec (Gaëtan) Paquiez. (Rires.)
Il y a un autre joueur expérimenté dans le vestiaire, c’est Lucas Deaux. Comment a-t-il vécu l’histoire des insultes sur Twitter, auxquelles sa mère a répondu ? On en a parlé vite fait, parce qu’on lui a posé la question, mais ça nous a plus fait rire qu’autre chose. C’est un bon mec, et finalement, l’histoire se termine plutôt bien.
Tu as déjà vécu ce genre de lynchage quand tu avais raté une panenka avec Auxerre face à Brest (défaite 1-0). Comment on fait, quand on est un joueur de foot professionnel, pour supporter ces insultes gratuites ?Il faut se mettre dans sa bulle. Souvent, ceux qui insultent aussi violemment sont derrière un écran, rarement directement en face des gens. Des courageux, il n’y en a pas beaucoup. C’est pour ça qu’il ne faut pas prendre ça trop à cœur. Dans mon cas, c’était plus pour l’équipe que ça me peinait. Sur le geste, je suis impardonnable. Personnellement, trois semaines avant, j’en avais réussi une, et tout le monde me disait que j’étais un dieu vivant. Trois semaines plus tard, on m’insultait de tous les noms. Bon, j’avais été élu joueur du mois de janvier juste après, donc ça avait calmé l’affaire, mais ce n’est pas facile à gérer quand ça s’éternise. Et puis, à 31 ans, on encaisse plus facilement ça qu’à 21. Pour quelqu’un qui est en délicatesse, ça peut être terrible. Mentalement, il faut être fort et être bien entouré.
Tu t’attends à quel type d’ambiance à la Mosson ?Ça va être fou. Moi, ça m’excite. Après, j’ai connu le monde amateur et des stades difficiles à jouer, donc ça, c’est de la gnognotte. C’est un derby, ça sera engagé, il y aura du monde. Mais ça reste dans un cadre où ça sera beau à jouer. Il n’y a rien d’impressionnant. Je me souviens de matchs où il y avait plus d’agressivité sur le terrain et dans les tribunes. Quand on allait dans certains coins de Marseille, ça pouvait être tendu. On n’avait même pas joué qu’on se battait sur le parking. Un Montpellier-Nîmes, c’est un match de Ligue 1, il est censé n’y avoir que du plaisir.
Propos recueillis par Mathieu Rollinger