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Roma, la belle vie sans Totti

Par Mathieu Rollinger
Roma, la belle vie sans Totti

Voilà un an que Francesco Totti a rangé le maillot giallorossi au placard. Et étonnamment, il a fallu qu’Il Capitano se retire pour que sa Roma fasse sa meilleure saison européenne. Chat noir ou réacteur ?

« Je me plais à penser que ma carrière deviendra pour vous une histoire à raconter. Maintenant, elle est vraiment finie. J’ai enlevé le maillot pour la dernière fois. Je ne suis pas prêt à dire « basta » et je ne le serai peut-être jamais.[…]Éteindre la lumière n’est pas facile. Maintenant, j’ai peur. » C’est par ces mots pleins d’humilité et d’émotion que Francesco Totti avait fait ses adieux au Stadio Olimpico, le 28 mai 2017. Une déclaration qui trouve aujourd’hui un nouvel écho. Oui, il restera considéré comme une légende que les supporters de la Louve continueront d’entretenir, mais celle-ci a été rangé plus vite que prévu dans la case « souvenirs » que dans celle « remords » . Oui, sa carrière est bien finie et la relève s’est empressée de reprendre le flambeau pour lui éviter d’être tenté par un retour messianique. Oui, il n’est pas simple d’éteindre la lumière après 25 ans de service. Mais non, il n’y a plus aucune raison d’avoir peur. Car son AS Rome a décroché son billet pour le dernier carré de Ligue des champions. Ce qu’il n’a jamais su faire.

Francexit

Certes, Il Capitano avait organisé son départ en prenant petit à petit du recul, contraint par son physique de jeune quadra et sa lucidité vis-à-vis des besoins de son club. Mais il représentait encore ce talisman sur lequel comptait une équipe dans les moments de doute. Aujourd’hui, à défaut de s’appuyer sur son « âme » , cette équipe fait preuve de beaucoup de cœur. En tout cas assez pour sortir aux forceps en tête d’un des groupes les plus relevé du premier tour, avec Chelsea et l’Atlético de Madrid (en plus de la sympathique formation de Qarabağ). Sous le règne de Totti, rares étaient les fois où les Giallorossi se sont extirpés de ce genre de situation, éliminés sans panache par le Bayern et City en 2014, pour ne citer qu’un exemple. Pour situer la différence de réussite en Europe, le Shakhtar Donetsk peut servir de bon baromètre : lors des huitièmes de finale 2011, les Ukrainiens avaient désossé les coéquipiers de Totti (2-6 score cumulé), piège dans lequel ne sont pas tombés les hommes de Di Francesco cette année.

Mais finalement, c’est la « rimonta » face au Barça qui restera le premier exploit post-Totti de la Roma. De quoi faire frissonner l’idole en tribune et lui procurer une sensation qu’il a vécue pour la première fois avec un regard extérieur. « C’est pour des moments comme celui-ci que c’est génial de vivre pour ces couleurs. Allez Rome ! » , avait-il écrit sur Twitter dans la soirée. Car en regardant dans son rétro, Francesco ne peut faire le parallèle qu’avec une élimination du Real Madrid en 2008. Sinon ? Beaucoup de désillusions quand ce n’est pas des humiliations, comme le 6-1 face au Barça en 2015 ou la déculottée suprême face à United en 2007 (7-1 à Old Trafford sur le match retour). Ce mois-ci, la Roma aurait pu faire respecter la tradition et son image de loser en revenant sans espoir du Camp Nou avec un 4-1. Mais elle a démontré une capacité de révolte insoupçonnée. La preuve que pour se débarrasser des traumatismes, mieux vaut que les victimes ne soient plus sur la pelouse.

Briser le signe anglais ?

Eusebio Di Francesco a tâtonné dans les premiers mois, comme si l’apport de « Tottigoal » n’avait pu être remplacé en un claquement de doigts. Mais le coach romain peut finalement compter sur Daniele De Rossi pour endosser le leadership et le tablier du Romain pur jus, sur Raja Nainggolan et sa grinta, évidemment sur Edin Džeko et son efficacité, et même sur Grégoire Defrel pour chauffer la place sur le banc de touche. Probablement libérés ou du moins responsabilisés depuis qu’Il Capitano ne s’occupe plus de tout, la promotion 2017-2018 de la Roma a fini par s’affirmer. Mais au lieu de désigner un mec qui a porté ce club sur ses épaules deux décennies comme un probable porte-malheur, il faudrait plutôt considérer qu’il a réussi à transmettre les notions de respect des couleurs et de l’institution, montrant en mai dernier combien la Louve pouvait être généreuse avec un joueur qui y a consacré sa vie.

Après avoir assuré l’après-Totti et changé de réputation, l’AS Rome peut aussi profiter de ces demi-finales de Ligue des champions pour se débarrasser d’un vieux caillou qui traîne depuis un moment dans sa chaussure. Car depuis 2000, la Roma et Totti ont toujours été éliminés lorsqu’ils rencontraient des clubs anglais en phase finale. Que ça soit en Coupe de l’UEFA face à Leeds (huitièmes en 2000), Liverpool (huitièmes en 2001), Middlesbrough (huitièmes en 2006) ; ou en Ligue des champions face à Arsenal (huitièmes en 2009) et donc Manchester United (quarts en 2007 et 2008). Un mal qui hante le club depuis 1984 et une certaine finale de C1, disputée en 1984 à Rome face à Liverpool et perdue aux penaltys face à Bruce Grobbelaar et ses « spaghettis legs » . Le moment de tourner la page, pour de bon.

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