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Roger Taillibert : Le Parc des Princes, ce ventre de l’architecte

Par Nicolas Kssis Martov
Roger Taillibert : Le Parc des Princes, ce ventre de l’architecte

Son nom est inconnu du grand public. Pourtant, sans lui, le PSG aurait été tout autre, sûrement moindre. Roger Taillibert, l’architecte du « nouveau Parc des Princes », nous a quittés à l’âge de 93 ans. Ce stade, qui accueillera aussi longtemps les matchs de l’équipe de France, et ceux du XV de France, a, par sa vision et sa conception du bâtiment, forgé le destin du club parisien. Le symbole toujours vivant et vibrant d’une autre époque et d’un autre rapport au foot.

Petite ironie de l’histoire, au moment où sa dernière grande création, le « Khalifa Stadium » de Doha, se retrouve sous le feu des critiques, notamment autour de ce principe hallucinant de climatiser un stade ouvert, Roger Taillibert quitte une scène professionnelle où il fut toujours actif et présent jusqu’à la fin. Il ne subira donc pas le cycle pour le moins douloureux qui va désormais inévitablement accompagner la préparation de la Coupe du monde 2022 dans l’émirat, et durant lequel tous les acteurs impliqués (coucou Michel Platini) auront des comptes à rendre…

Le Parc des Princes, monument national

Le personnage restera donc finalement peut-être surtout dans nos esprits et dans la légende du foot pour une contribution essentielle : le Parc des Princes. Plus qu’un stade, il a donné à Paris et même à la France un de ses grands monuments. Nous avons eu de fait la chance de voir émerger sous nos yeux un de ces « lieux de mémoire » qui façonnent dans le marbre, et désormais le béton, l’histoire d’un pays. Il en va d’abord ainsi pour le PSG, qui ne s’y est pas trompé en rendant immédiatement hommage dans un tweet : « L’architecte du Parc des Princes s’est éteint ce jeudi à Paris. À sa famille et ses proches, le club présente ses sincères condoléances. » Car si le stade olympique de Montréal constitue peut-être le chef-d’œuvre de l’artiste, c’est bien l’enceinte parisienne qui laissera sa trace la plus importante, toujours vivante.

Il est en effet impossible pour tous les amoureux du foot, de Paris bien sûr, mais aussi simplement de la Coupe de France, du Tournoi des six nations ou des Bleus de 1984, d’y pénétrer, d’en monter les marches, d’en contempler la majesté, sans avoir un pincement au cœur, même aujourd’hui alors que le public s’est assagi et que les Loges ont grignoté l’espace de la passion. Même les « visiteurs » savaient s’incliner devant cette maison dédiée à la ferveur du ballon rond. Jasé, ancien leader des South Winners, l’avouait sans fausse pudeur, se souvenant des premiers déplacements du Classico : « Il faut dire qu’ils ont la chance de profiter d’un outil fantastique pour mettre de l’ambiance avec le Parc des Princes. C’est un lieu extraordinaire, sans comparaison en France. On croirait que l’architecte qui l’a dessiné était un ultra. » Il ne s’agissait sûrement pas de l’intention originelle, ce qui rend encore plus belle cette rencontre improbable entre le rêve d’un archi et le peuple des tribunes.

Finalement, un stade naît dans l’esprit d’un architecte. Les ingénieurs et le BTP le construisent, et ensuite les supporters s’en emparent, ou non. L’alchimie est complexe, et ne peut s’inventer. Le Stade de France n’a ainsi jamais réussi à détrôner son prédécesseur dans la mémoire collective. D’abord parce que le Parc des Princes est le fruit d’un autre contexte, dans lequel Paris voulut son écrin et un club, pour enfin rivaliser avec les autres capitales européennes. Et ce destin commun entre une ville (toujours propriétaire de l’enceinte, et prions en bon citoyen pour qu’elle n’y renonce jamais), une équipe et une vision urbanistique explique l’impossibilité, même pour QSI, d’abandonner l’endroit. Une sainte trinité : le sens du sacré qui habitent les supporters, y compris dans ses drames, conjugué avec une politique publique, le tout sous les auspices d’un art qui dresse son temple laïc et moderne en plein quartier bourgeois.

La trinité : une ville, un club, un stade

Ce « nouveau Parc des princes » constitue d’abord un héritage direct de la France de Georges Pompidou, qui avait décidé de tourner un peu la page du gaullisme. Nous sommes dans les années 1970, Paris n’a pas son stade intra-muros. Pour voir du spectacle, il faut se déplacer à Yves du Manoir à Colombes, dans le 92 (depuis 1968, l’ancien département de la Seine a été divisé), ou à Bauer, du côté de Saint-Ouen. L’ancien Parc des Princes, lui, conserve la marque indélébile du cyclisme, et le tour de France y termine traditionnellement sa grande boucle jusqu’en 1967.

Voilà que Paris redevient un grand chantier (une tradition d’Haussmann, qui court jusqu’à aujourd’hui avec les pistes cyclables d’Hidalgo). La finalisation du périphérique ouvre une brèche. Roger Taillibert emporte le concours et y pressent avant tout un « défi urbain » , à conjuguer avec le fleuve automobile qui enserre désormais Paris. Il propose surtout, à travers cette soucoupe qui éclaire le match directement des toits, sans pylônes, de repenser l’horizon du spectacle sportif, désormais tout entier tourné et descendant des gradins vers le rectangle vert, presque replié sur lui-même. Il assume, ou anticipe, par son projet, le règne du football. Malgré une facture qui s’alourdit au fur et a mesure, l’enceinte est prête pour accueillir le 25 mai 1972 un match « inaugural » , une rencontre qualificative pour les JO. Les amateurs tricolores se font étriller par les Soviétiques de Blokhin, futur Ballon d’or, devant 30 000 écoliers invités pour remplir les sièges vides.

La légende peut commencer. Le PSG s’y installe à demeure. La Coupe de France en fait l’œil du cyclone national une fois dans l’année. L’histoire singulière du club parisien et de ses supporters, les Coupes d’Europe, l’Euro 1984 où la bévue d’Arconada donne son premier triomphe international au foot français, terminent de graver son nom au fronton de la République. Parc des Princes. Jamais un stade n’aura à ce point si bien porté son nom. À ce titre, merci, monsieur Taillibert.

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