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River-Boca : silence, ça coule

Par Ruben Curiel, à Buenos Aires
River-Boca : silence, ça coule

Un bus attaqué, des supporters innocents volés à la sortie du stade, des dirigeants de la CONMEBOL et de la FIFA incapables de prioriser la santé des joueurs blessés de Boca et une finale historique au dénouement totalement incertain. L'Argentine a offert ce qu'elle sait faire de mieux dernièrement : le chaos.

« Une opportunité de démontrer la maturité de notre pays. » C’est ainsi que Mauricio Macri, président de la République argentine, annonçait que la finale de Copa Libertadores se disputerait en présence de supporters visiteurs. Quelques heures plus tard, les présidents de Boca Juniors et River Plate avaient calmé les ardeurs chimériques du chef de l’État. C’était le premier épisode tragi-comique d’une finale historique qui devait redonner un peu de vie à un football argentin atrophié depuis bien longtemps. Mais ce n’était que le début.

Après une finale aller à l’organisation dramatique à cause des conditions météorologiques, ce qui devait être « le match du siècle » s’est transformé en désastre sous les yeux du monde entier. Cette fois-ci, la santé des joueurs a failli être risquée, celle de milliers de supporters a été mise en péril et ce qui restait de dignité aux dirigeants de la CONMEBOL et de la FIFA s’est envolé dans l’atmosphère viciée du Monumental. Alors que l’avenir de ce match est encore flou, une seule certitude subsiste : défendre le football argentin est vain. Les vils dirigeants l’ont tué, les barras ont dansé autour de sa tombe pendant des années et ses millions d’amants ne peuvent désormais qu’acquiescer devant ce qui semblait comme une absurdité balancée par les médias locaux pendant deux semaines : « Rien ne sera plus comme avant. »

À vomir

Si l’on tente de résumer la débâcle, cela ressemblerait à ceci. Une escorte policière qui mène littéralement le bus de Boca Juniors dans l’embuscade. Des vitres brisées, un chauffeur qui évite une situation encore plus dramatique et s’évanouit. Des forces de l’ordre dépassées, qui ont recours au gaz moutarde et aux balles en caoutchouc – deux spécialités locales au même titre que l’asado et l’empanada – dans la zone des joueurs xeneizes. Ces mêmes joueurs qui entrent furieux, certains têtes baissées, d’autres avec des vomissements, dans l’enceinte du Monumental. Une mère qui scotche des fumigènes sur sa gamine pour éviter les contrôles. Les portes fermées du stade alors que des personnes qui possédaient un ticket n’ont pas pu y entrer. Les mouvements de foule qui vont avec. Puis pendant trois heures, l’incertitude. Une ambiance de salle d’attente.

Cette attaque semble porter le sceau de la barra brava de River, après la saisie de fausses entrées et de plusieurs millions de pesos chez deux pontes mafieux. La décision logique de la CONMEBOL semble de reporter directement le match. Mais l’on parle ici de l’entité la plus corrompue du monde du football. Avec un petit coup de pression de Gianni Infantino, le président de la FIFA, venu pour un voyage express assister au Superclásico, l’un de ses rêves, paraît-il. Les faits sont aberrants et ne semblent être qu’un reflet de ce qu’est l’Argentine aujourd’hui. Un pays chancelant, une société pernicieuse, une histoire qui rabâche. Essayiste local, Santiago Kovadloff résume parfaitement sa patrie : « L’Argentine est une société où l’expérience ne se transforme jamais en enseignement. »

Un SAV tout aussi honteux

Alors que le gouvernement argentin et celui de Buenos Aires (il faut tout de même signaler que Mauricio Macri, président de la nation, a pris deux jours de repos dans une retraite historique des chef d’État argentins pour suivre ce match) se rejettent la faute, il faut souligner que l’ineptie a encore gagné. Le président de la CONMEBOL a assuré que le match se jouerait aujourd’hui. Alors que Pablo Pérez, capitaine de Boca, n’est pas en état de disputer la finale retour, selon les médecins du club.

Pire : alors que les présidents des deux clubs auraient signé un accord pour éviter que le futur vainqueur soit décidé dans un bureau, Daniel Angelici, numéro un de Boca Juniors, a soulevé l’hypothèse d’une requête pour obtenir la victoire sur tapis vert. Le prochain épisode de cette série dérisoire promet.

En quelques heures, le monde entier a pu témoigner de l’état végétatif dans lequel est plongé l’Argentine depuis des années. Peut-on vraiment laisser une place au football après de tels dégâts ? Cette honteuse Copa Libertadores doit-elle vraiment offrir une conclusion sur le terrain ? Quelle gueule aura le vainqueur de cette finale scandaleuse ? L’hémorragie semble impossible à endiguer. Silence, ça coule.

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Par Ruben Curiel, à Buenos Aires

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