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Risques et Pérou

Par Alexandre Doskov, à Iekaterinbourg
Risques et Pérou

Après un premier match remporté sur le fil, la France affronte un Pérou revanchard qui jouera sa survie. Autant dire que les Bleus se préparent à une sacrée bagarre. Ça tombe bien, ils ont l'air d'avoir enfin pris la mesure de la compétition qu'ils sont en train de disputer.

Voilà cinq jours que l’équipe de France vit en ayant pour étendard la maxime de Talleyrand : « Quand je me regarde, je me désole. Quand je me compare, je me console. » Cinq jours à marteler les mêmes arguments et à rabâcher les mêmes mots pour faire passer ce message d’une simplicité biblique : vu le sort que cette Coupe du monde a réservé aux autres grosses écuries, le 2-1 laborieux face à l’Australie n’est pas une si mauvaise affaire. Une façon de voir les choses vicieuse, car elle est à la fois vraie, et à la fois fausse. Quand Blaise Matuidi assène « On n’a pas fait un grand match, mais on a gagné, et c’est le plus important » , il a raison. Mais il choisit volontairement d’occulter tout un contexte, et nous demande de faire comme si les Bleus avaient montré la même intensité que l’Espagne quand elle a buté contre le Portugal, et comme si l’Australie avait été aussi redoutable que le Mexique quand il a battu l’Allemagne. Et ni l’un ni l’autre ne sont vrais.

Le bon côté de la chose, c’est que Didier Deschamps est assez malin pour le savoir. Du coup, parmi les éléments de langage qu’il distribue à ses joueurs avant qu’ils n’aillent faire un tour devant les caméras, il a glissé quelques nouveautés. L’obligation de prendre l’adversaire du jour au sérieux, par exemple. Mais aussi et surtout la nécessité pour certains Bleus de prendre conscience qu’ils avaient foutu les pieds en Coupe du monde. C’est-à-dire une jungle sans foi ni loi qui exige un certain code de comportement.

En avant les bosseurs

Pour faire passer un message, rien de mieux que le capitaine, même quand celui-ci est un grand un peu taiseux comme Hugo Lloris. Et au diable les mauvaises langues qui le disent trop mou, l’homme qui fêtera sa 100e sélection ce soir a froncé les sourcils d’entrée de jeu hier face à la presse : « Rien ne remplace l’agressivité. » Le tout en prenant comme modèle le deuxième match des Bleus à la Coupe du monde 2014, au cours duquel la Suisse était passée à l’essoreuse (victoire de la France 5-2). « Il faudra s’en inspirer » , a conclu Lloris. Dans l’esprit de Deschamps, la mue commence par quelques ajustements dans l’effectif, alors il a changé son fusil d’épaule. Contre l’Australie, le sélectionneur avait fait le pari d’un onze de départ excitant pour faire face à une équipe solide. Cette fois, il va aligner un onze solide pour lutter contre une équipe que l’on dit excitante.

Et au moment de distribuer les bons et les mauvais points, DD a applaudi les travailleurs et tapé sur les doigts des surdoués un peu feignants. « Quand Giroud n’est pas là, on se rend encore plus compte de son importance. » Ça, c’est la dédicace aux besogneux. « Chez Mbappé, l’important, c’est sa capacité à attaquer, à faire la différence. Mais il doit faire plus défensivement. » Et ça, c’est pour le petit génie qui se repose sur ses lauriers. Et au-delà des mots et des déclarations, Deschamps va joindre l’acte à la parole en déployant face au Pérou une équipe dans laquelle Giroud et Matuidi seront réintégrés comme par magie.

Le talent, c’est bien, mais…

En plus de faire passer le collectif avant toute chose, les deux vieux briscards ont l’avantage de savoir ce qu’est une grande compétition. Après avoir vu les jambes de certains jeunes trembler contre l’Australie, comment ne pas y voir un avantage. « Contre l’Australie, il y avait beaucoup beaucoup d’intensité » , avait confié Benjamin Pavard deux jours après le match. « Ça m’a vraiment surpris, on sent que c’est une Coupe du monde. » Le genre de phrase que Blaise Matuidi ne prononcera jamais. Le milieu de la Juve a d’ailleurs profité de son point presse pour se muer en Deschamps-bis, en commençant par envoyer un big up à l’Olive : « Giroud a le comportement qu’on doit tous avoir. C’est un exemple pour nous. » Avant de calmer les ardeurs des feux follets : « Le talent c’est super, mais ça ne suffit pas forcément. On a beau avoir la meilleure équipe sur le papier, ça ne veut rien dire » , puis de livrer son interprétation du « Cogito, ergo sum » de Descartes : « Moi, on ne va pas me demander de faire un passement de jambes ! Ce n’est pas mon fort, vous le savez, et j’en suis conscient moi aussi. Je connais mes qualités et c’est là-dessus que j’ai fait ma carrière. » Les Bleus ont trempé leur doigt de pied dans la piscine. Pas de bol, elle était un peu plus froide que prévu, mais ils ont plongé quand même, parce qu’ils n’avaient pas vraiment le choix. Maintenant, il ne reste plus qu’à nager. Surtout quand une victoire ce soir serait synonyme de qualification pour le grand bassin.

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Par Alexandre Doskov, à Iekaterinbourg

Tous propos recueillis par AD

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