ACTU MERCATO
Comment réussir son message d'au revoir pour un footballeur ?
C’est désormais devenu une tradition dans le monde du football. L’annonce de son départ, à la retraite ou dans un autre club, ne se fait plus par un simple communiqué. Les joueurs sortent maintenant la plume ou se mettent devant les caméras pour clore une histoire. Alors, comment fait-on pour ne pas se manquer pour son message d'au revoir ?
La vidéo a été visionnée par près de 500 000 personnes sur Youtube. Dans un court métrage de 33 minutes et 23 secondes nommé Obrigado, le défenseur emblématique portugais Pepe a annoncé qu’il tirait sa révérence. Un adieu devant les caméras, grandiose, avant de définitivement fermer la porte sur une carrière de plus de 900 matchs professionnels. Cette initiative, totalement dans l’air du temps, démontre toute l’importance de la dernière image que l’on veut laisser aux yeux du monde du football. La légende du Real Madrid et de la Seleçao a fait les choses en grand, très grand même. À ce niveau, c’est une première. Un modèle dans ce qui se fait actuellement en termes de communication, et une manière de baisser le rideau une bonne fois pour toute en ayant regroupé l’essentiel en quelques minutes.
<iframe loading="lazy" title="Obrigado ♾️" width="500" height="281" src="https://www.youtube.com/embed/bWRr7fl8vQI?feature=oembed" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" referrerpolicy="strict-origin-when-cross-origin" allowfullscreen></iframe>
Je suis venu vous dire que j’en m’en vais
Le dernier coup de pinceau d’un joueur de football sur sa carrière passe désormais par un message affiché publiquement sur ses réseaux sociaux. Dans une vidéo ou un simple montage photo, chaque mot, chaque parole, chaque virgule, tout est soigneusement scruté. Le jeune retraité Benjamin Corgnet, qui a rangé les crampons au placard à l’été 2022, est passé par ce moment tant redouté pour les footeux : résumer une dizaine d’années de carrière (douze pour l’ancien Stéphanois) en quelques lignes. « J’avais une idée assez précise de ce que je voulais faire, pose-t-il. Parfois, ce sont des idées qui me venaient, des souvenirs que je souhaitais évoquer, des mots que je notais dans un coin. Il faut quand même prendre le temps de savoir ce que l’on souhaite écrire. »
L’ancien milieu de terrain, qui a terminé son aventure avec le ballon rond du côté de Bourg-en-Bresse en National, avait fait les choses simplement. Un message de remerciement, accompagné d’un montage dans lequel il apparaît avec le maillot des différents clubs pour lesquels il a joué. Efficace, comme quand il jouait aux renards de surface sous les ordres de Christophe Galtier, mais surtout à l’image de la personnalité du joueur. « Ça me tenait à cœur de faire mes adieux de cette façon-là, insiste Corgnet. Comme beaucoup de footballeurs, je voulais mettre des remerciements et des choses à dire de toute la carrière, de tous les clubs par lesquels j’ai pu évoluer. C’était ce message là que j’avais envie de transmettre à tout le monde. » Le message a été passé, et deux ans après, il n’aurait absolument « rien changé ». Même pas pour une vidéo à la sauce Pepe pour refermer la boucle ? « Non, même pas, une image ça reflétait bien mieux ma carrière, ça reflétait mieux ce que je voulais laisser comme empreinte. »
Post Instagram Voir sur instagram.com
Souriez, vous êtes filmés
Aujourd’hui, la vidéo reste le biais le plus tendance. Pepe, Georges Mikautadze ou encore Mohamed Bayo, ils ont tous sollicité une boîte de production pour annoncer soit leur retraite, leur départ ou même leur prolongation. « Cet engouement pour la vidéo, je le situerai à partir de Karim Benzema. À partir du moment où il a fait ses vidéos lifestyle, il y a eu un premier step de franchi, explique Jordan Abecassis, qui gère la gestion d’image complète de certains joueurs de football. La force des réseaux sociaux, les nouveaux formats Instagram et le fait de commercialiser et de monétiser certains contenus, les joueurs se sont vite pris au jeu. » Ce pro de l’image a d’ailleurs profité de cet engouement pour lancer sa boîte de production, ABK6, en 2020, après un début de carrière dans des médias sportifs comme beIN Sports ou encore la chaîne Téléfoot.
Depuis, il a collaboré avec une trentaine de footballeurs, en France mais aussi à l’étranger. C’est d’ailleurs son entreprise qui a réalisé la vidéo d’au revoir de Georges Mikautadze lorsqu’il a annoncé son départ du FC Metz, en juin : « Pour Georges, on s’est concerté puis on a choisi ce que l’on voulait mettre en place. On a opté pour le résumé de sa saison mais d’un point de vue émotionnel. Finalement, elle a duré 9 minutes et 29 secondes avec les moments forts, les moments clés de sa saison. » Un court métrage, qui se conclut net sur le penalty de l’espoir lors du barrage retour face à Saint-Étienne. On voit alors le Géorgien lâcher quelques remerciements et faire sa petite signature : un ciao travaillé qui a un coût.
Post Instagram Voir sur instagram.com
« Certains joueurs ont du mal à se dire qu’il faut payer assez cher pour avoir du contenu de qualité, continue Abecassis. La vidéo de Pepe, avec le nombre de caméras, de drones, et les effets 3D, c’est environ 10 000 euros de coûts de production. » Une somme qui peut paraître dérisoire quand on s’appelle Pepe et qu’on a joué au Real Madrid pendant une décennie, mais « les footballeurs sont très près de leurs sous », rappelle l’agent d’image, car beaucoup de gens gravitent autour d’eux, donc il y a de la méfiance. Avant de préciser : « Et il y en a aussi beaucoup qui travestissent leur travail pour être dans le milieu, pour faire partie du game. Ça casse le marché. Mais le résultat final sera forcément de moins bonne qualité. »
Au fur et à mesure des montages, qui parfois peuvent s’éterniser (allant parfois même jusqu’à cinq jours), Jordan Abecassis pense avoir cerné ce à quoi doit ressembler un message d’adieu, ou d’au revoir : « Il faut savoir jouer sur l’émotion, il faut que ce soit authentique, que le joueur joue le jeu. Il faut aussi une bonne patte éditoriale, pour savoir quelle musique, quelle instru choisir. C’est un mix en fait. Le mieux c’est aussi d’utiliser la voix du joueur, pour le rapprocher encore plus de ses supporters. L’idée aussi c’est d’avoir un scénario bien ficelé. Mais tout ça ce sont des choses qui se discutent. Il faut savoir orienter le joueur pour aboutir à quelque chose qui va marquer les esprits. » Avant, pourquoi pas, de s’offrir une deuxième carrière devant les caméras, comme Éric Cantona ?
Par Victor Lamand
Tous propos recueillis par VL