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Rennes, pour l’éternité

Par Julien Duez
Rennes, pour l’éternité

Face au Betis, le Stade rennais a déjà écrit la plus belle page européenne de son histoire. Une page qui s’est écrite avec les griffes, avec les dents et avec les tripes. Et qui laisse une grosse flaque de sang vert dans l’enceinte d’un Betis que chacun donnait pourtant favori.

C’est l’histoire d’une forteresse imprenable pour les clubs français. Elle s’appelle Benito Villamarin. En 1995, le Bordeaux de Zidane s’y casse les dents (2-1). En 2002, l’AJ Auxerre de Djibril Cissé s’y casse les dents (2-0). En 2005, le Monaco de Javier Chevantón s’y casse les dents (1-0). En 2013, le Lyon de… Clément Grenier s’y casse les dents (0-0). Le 21 février 2019, le Rennes d’Adrien Hunou les a tous vengés en allant s’y imposer 1-3. Avec la manière donc. L’histoire ne s’écrit pas qu’à base de grandes guerres. Parfois, des petites stats y trouvent leur place. La bataille remportée par le Stade rennais ce jeudi soir en est la preuve. Cette accession aux huitièmes de finale, la première du club rouge et noir, c’est aussi une manière de l’écrire, l’histoire.

Supplément d’âme

On dit souvent que la Liga roule sur la Ligue 1. Que n’importe quel club du sub-top ibérique écraserait n’importe quel poursuivant du PSG. Que sortir un club espagnol en Coupe d’Europe, ce n’est pas anodin. C’est vrai. Surtout quand on n’a que 14% de chances de le faire. « Est-ce qu’on considère que lorsqu’on a 14 % de chances et qu’on se qualifie, on fait un exploit ? Je vous laisse juge » , posait Julien Stéphan avant la rencontre. Dans le parcage bourré à craquer, les 2700 supporters du SRFC devaient avoir les nerfs en pelote. Partagés entre l’envie d’y croire et l’obligation de se confronter à la réalité, que le Betis, en dépit du match nul arraché à l’aller (3-3) a roulé sur leur Stade rennais (74% de possession) sans jamais paraître fatigué, tandis que les leurs tiraient la langue pour essayer de survivre en limitant les dégâts.

Ce jeudi soir, le match retour avait des airs du match aller. Séville a été dominateur, certes moins qu’il y a une semaine (55% de possession), mais la différence avec le jour de la Saint-Valentin, c’est que le Stade rennais a su exploiter ses temps forts, sans jamais craquer dans ses temps faibles. « Le coach avait un plan pour nous » , déclarait Hatem Ben Arfa après la rencontre. On imagine en effet que rien n’a été laissé au hasard. Car si Rennes était une nouvelle fois en dessous techniquement et physiquement, personne n’a eu l’impression de voir une équipe de peintres sur le terrain. Mieux encore, dans la peau de l’outsider, Rennes a eu ce supplément d’âme qui permet aux petits d’aller créer un exploit chez les gros.

M’Baye le chien fou, Niang le chien enragé

Pour résister aux assauts sévillans, il y a d’abord eu un superbe Tomáš Koubek qui, avec ses six arrêts décisifs, a empêché toute répétition du cauchemar d’encaisser un but en toute fin de rencontre. En attaque, Ismaïla Sarr a répondu aux espoirs placés en lui en se procurant les meilleures occasions, à commencer par ce centre-tir qui termine dans le pied d’or d’Adrien Hunou, lequel a répété son exploit du match aller en inscrivant son deuxième pion européen. Propre, précis, glaçant presque. Et surtout, un pion de break, qui fait suite au coup de casque ravageur de Bensebaini après un corner de Grenier. Cette fois-ci, pas de penalty, pas de CSC foireux, que du but bien construit, du but de patron. La suite, on la connaît, le Betis s’est réveillé dans le dernier quart d’heure de la mi-temps, et la panique a commencé quand Lo Celso a réduit la marque juste avant la pause. D’autant plus que la domination andalouse a continué pendant vingt-cinq bonnes minutes au retour des vestiaires.

Mais M’Baye Niang l’avait promis dans les colonnes de L’Équipe la veille du jour J : « Quand on sera dans le stade, on sera dix-huit chiens. » Mais il n’a pas précisé de quelle race. En en faisant trop avec le ballon du 1-3 qui lui collait au pied en fin de partie, on a d’abord pensé à un chien fou. Mais alors que tout laissait croire qu’il faudrait finir par se résigner à garer ce foutu bus, les Rennais prennent tout le monde de court dans le temps additionnel. Niang précise que ces chiens dont il parle, ce sont des molosses enragés. Partant seul au but avec Sarr à ses côtés, il a mille fois le temps d’offrir un caviar à ce dernier, mais choisit finalement d’expier sa faute lui-même. Pas le temps de s’appesantir sur les « et si » et les « oui, mais » . Rennes devait gagner, Rennes avait peu de chances de le faire, mais Rennes l’a fait et l’a bien fait. On voulait que la nuit soit courte, elle le sera.

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