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Le football français en Coupe d'Europe : l'inculture de la gagne
Si Marseille s'en est finalement sorti face au Shakhtar, que Lille est toujours qualifié en C4 et que Paris est bien parti pour rejoindre les quarts de Ligue des champions, c'est encore une fois la frustration qui ressort dans le clan français, au lendemain des éliminations de Rennes, Lens et Toulouse.
Au sortir d’une nouvelle soirée européenne décevante pour le football tricolore reviennent à nouveau les mêmes rengaines, celles de la fin de l’hiver, ces vieilles copines que l’on retrouve une fois par an, pour se déchirer, et ressasser ses regrets, lorsque les clubs français ont quitté la Coupe d’Europe. Restent toujours Marseille en Ligue Europa, où l’OM affrontera le Villarreal de son ancien coach Marcelino, Lille qui sera opposé au SK Sturm Graz en Ligue Europa Conférence, et Paris qui doit désormais confirmer son succès étriqué contre une Real Sociedad décimée en Ligue des champions.
Fébrilité quand tu nous tiens
Souvent pointé du doigt pour son manque de maîtrise et sa peur contagieuse lors des matchs couperets, le PSG a semble-t-il contaminé ses homologues de Ligue 1. À Fribourg, Lens pouvait compter sur un nul heureux obtenu lors du match aller. Mais les Artésiens ont surtout mené deux buts à rien à l’extérieur jusqu’à une grosse vingtaine de minutes de la fin du match. Ensuite, c’est un sabordage en règle, une avance dilapidée et une prolongation perdue, qui ont montré le chemin de la maison aux vice-champions de France. Valeureux face à Benfica, mais mis en échec et incapables de marquer le but de la délivrance face aux Portugais, les Toulousains pourront quant à eux regretter leur manque de sérénité et leur reculoir au stade de la Luz dans le temps additionnel du match aller. Dommage, regrettable, mais finalement pas condamnable, pour un club qui atteignait des sphères inconnues jusqu’alors.
Pour Rennes, la fâcheuse impression de ne pas retenir les leçons à tendance à se confirmer. Balayé lors du match aller à Milan, le Stade rennais avait déjà hypothéqué ses chances de qualification avant même de recevoir l’ogre italien, pas dans la meilleure des formes. Le Roazhon Park s’était pourtant vêtu de ses plus beaux habits, avec une ambiance dingue. Malheureusement, les ambitions bretonnes ont vite été fauchées par, là encore, un manque de maîtrise criant, Rennes étant repris 11 minutes après avoir ouvert le score, puis quatre minutes après avoir repris l’avantage. La victoire, historique, est bel et bien là, mais elle a finalement un goût d’inachevé. L’OM, pourtant en pleine tourmente, s’est lui qualifié, au prix d’une victoire qui porte le sceau de ses recrues phares de l’été, celles qui doivent lui permettre de performer en Europe. Mais les maux qui touchent les clubs français ne semblent pas épargner Marseille pour autant. Il y a une semaine à Hambourg, les joueurs de Gattuso n’avaient pas réussi à mener au score plus de cinq minutes, à deux reprises. Les clubs hexagonaux ne sauraient-ils pas gagner en Europe ?
La C1 c’est trop loin, la C3 le grand désarroi, la C4 pour se rabattre
Depuis la saison 2020-2021, soit un an après avoir placé deux (!) représentants en demi-finales et un en finale, la Ligue des champions est plutôt le terrain de dépression que d’expression des ouailles de Ligue 1. Si Paris est toujours sorti des poules, pour mieux se vautrer ensuite, à l’exception d’une confrontation face au Barça expédiée par Mbappé, seul Lille s’est extirpé de son groupe il y a deux ans, terminant même à la première place, avant de tomber face à Chelsea dès les huitièmes. Marseille, par deux fois, et Rennes, terminant chacun dernier de leur poule. Un plafond de verre incassable que seul Paris espère encore – naïvement ? – briser. Dommage, alors même que la compétition n’est plus toujours emballante.
Concernant la C3, Marseille en a bien atteint la finale en 2018, mais depuis ? L’an dernier, Nantes est allé chercher un match nul synonyme d’exploit à Turin avant d’exploser à la Beaujoire, tandis que Rennes et Monaco sont tombés devant le Shakhtar et Leverkusen aux tirs au but en seizièmes. L’année précédente, c’est Lyon qui a finalement été surclassé par West Ham en quarts, alors que Monaco avait trébuché sur la marche Braga au tour précédent. Un Ajax sur la pente descendante avait même sèchement sorti Lille en 2021. Dans sa troisième édition cette année, la Ligue Europa Conférence ressemble finalement à la meilleure amie des clubs français. Rennes y est sorti premier de son groupe, avant de se mettre à l’amende tout seul contre Leicester, avec, encore, un match aller à oublier, tandis que Marseille a atteint les demi-finales dès la première édition, puis été sorti par Feyenoord. L’an dernier, c’est Nice qui a atteint les quarts, sans être invité à la soirée dansante du dernier carré après une élimination contre Bâle.
Des belles images, des souvenirs, mais à l’année prochaine
Resteront, il est vrai, des moments de vie inoubliables pour les fans éliminés depuis hier. L’impressionnant déplacement des supporters rennais à Milan, la transhumance record des Toulousains à Lisbonne ou l’ambiance mise par les Lensois à Fribourg resteront forcément en mémoire, tout comme le triplé de Benjamin Bourigeaud face au Milan. Mais ces moments de vie ne font pas toute l’essence d’une compétition européenne. Les ambiances passent, les résultats restent. En sortant le Shakhtar, l’OM s’est aussi créé une belle page d’histoire, de celles qui resteront en tête des supporters olympiens, dans un contexte qui plus est particulier. Peut-être serait-il temps de se sortir de la tête la simple idée que le football est une fête. Il doit l’être, oui, indéniablement, mais reste un sport où l’objectif final est de l’emporter, pas seulement de raconter de belles histoires.
Avec des équipes comme Rouen, Strasbourg, Le Puy ou Valenciennes encore en lice en Coupe de France, qualificative pour la C3, ou encore une surprenante équipe de Brest plus qu’en pole position pour un ticket européen l’an prochain, faut-il déjà se préparer à apprécier des défaites avec les honneurs ? Les Pays-Bas, dans le rétro à l’indice UEFA pour l’instant, ne voient certainement pas les choses de la même façon. Déjà frileux à afficher des ambitions légitimes en championnat, les clubs français n’osent plus qu’espérer quand vient l’heure de performer sur la scène continentale. Peut-être le grain de sel qu’il manque pour se convaincre qu’un mois de mars, voire avril européen est encore possible dans l’Hexagone.
Par Julien Faure