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« Réaliser un film, c’est devenir un numéro 10 »

Propos recueillis par Albert Marie
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La surface de réparation sort en salles aujourd’hui. Le film raconte l’histoire d’un joueur formé au FC Nantes, joué par Franck Gastambide, qui a échoué à devenir professionnel, mais continue de s’accrocher à son rêve en vivotant dans l’ombre du club. Christophe Régin, son réalisateur, revient sur le tournage de ce premier long-métrage pendant lequel il s’est senti comme « un numéro 10 de National qui signe en Ligue 1 ».

La surface de réparation est ton premier long-métrage. Auparavant, tu avais réalisé trois courts-métrages, dont deux tournaient déjà autour du monde du football. C’est un univers qui a l’air de te fasciner. Oui, d’une certaine façon, il me captive. Ce n’est pas la gloire qui me fascine, mais les petites histoires, les personnages secondaires.

Ça te vient d’où ?J’ai joué au foot jusqu’à mes vingt ans en amateur, à très bas niveau. À l’AS Ferney-Voltaire, dans l’Ain, puis dans des petits clubs parisiens, entre le 16e et Boulogne-Billancourt. Cela m’a amené à côtoyer plein de gens qui ont pu espérer, à un moment, faire carrière dans le foot avant de finalement échouer, comme ça arrive souvent. J’aimais bien ces personnes-là, il y avait chez elles quelque chose d’assez touchant. Cette façon de montrer le football à travers ceux qui ne réussissent pas, ceux qui restent dans les coulisses, je trouvais ça beau.

Justement, le plus souvent, les films de football racontent des épisodes glorieux, comme Goal ou, dans une moindre mesure, 3 zéros. Ta muse à toi, c’est plutôt la lose ? Ce n’est pas tant la lose, c’est de raconter l’envers du décor. J’ai du mal à qualifier mes personnages de losers, c’est plutôt des anti-héros, des figures de l’ombre. C’est ce qui m’intéresse et c’est aussi pour ça que j’aime énormément les joueurs comme Xavier Gravelaine, par exemple. Sa carrière en dents de scie, puis son explosion, sans jamais parvenir à vraiment confirmer derrière… Il avait quelque chose d’un anti-héros, lui. Paul Scholes, pareil. Il avait l’air de sortir de nulle part, mais il avait un talent unique.

Le personnage principal de ton film, joué par Franck Gastambide, ce sont tes amis du foot qui te l’ont inspiré ?Oui, des potes portugais. Des types que je côtoyais à vingt ans et qui sortaient de centres de formation, à Sochaux et Auxerre, sans avoir obtenu de contrat. C’étaient des gros fans du PSG, ils vivaient toujours chez leurs parents, ils faisaient les déplacements. Ils essayaient de vivoter avec le foot, en vendant des maillots. Ils ne se projetaient absolument pas dans l’avenir. Cette forme de stagnation m’a beaucoup inspiré.

Ça n’a pas été évident de vendre ce projet. Moi-même, d’ailleurs, je n’ai pas tellement vu de films de foot.

Ce personnage, il est aussi autobiographique…Énormément. J’ai 41 ans et je ne sors mon premier film qu’aujourd’hui. J’ai beaucoup traîné dans le milieu du cinéma, comme beaucoup de gens, car il y a de nombreux appelés et peu d’élus. On peut facilement faire le parallèle avec le football. Beaucoup restent longtemps dans cette antichambre sans jamais parvenir à devenir ce qu’ils aimeraient être, comme le personnage du film. Moi-même, j’en suis passé près.

Sortir son premier long-métrage pour un cinéaste, c’est l’équivalent de signer pro pour un footballeur ?Quand les producteurs m’ont permis de faire mon film, j’ai eu le sentiment de devenir une espèce de numéro 10. Un numéro 10 de National qui signe en Ligue 1 et auquel on dit : « On va bâtir une équipe autour de toi. » Et pendant tout le tournage, j’avais l’impression d’être ce gars de National qui devait se hisser au niveau de la Ligue 1.

Le réalisateur et le numéro 10 sont les chefs d’orchestre de leur équipe.C’est ça. Tu dois passer le ballon, faire jouer tes partenaires, décider de comment s’organise l’équipe. Je me suis battu toute ma vie pour pouvoir évoluer à ce poste de numéro 10 sur mon propre film. J’ai énormément apprécié, mais c’est un premier long-métrage, donc ça s’est parfois fait dans la douleur. C’est normal, on ne peut pas survoler tous les matchs.

Il paraît que le foot n’attire pas trop en salles, tu es d’accord ? C’est ce qu’on m’a dit, oui. C’est une atmosphère pas facile à filmer, le foot. Dès que tu te mets à filmer des actions, des moments de match, ça ne passe jamais très bien.

D’ailleurs, tu n’as mis aucune scène de foot dans le film.Non, il y en a seulement une où les deux personnages principaux vont assister à un match de jeunes à Marcel Saupin, et puis une scène d’entraînement à la Jonelière. Mais il n’y a pas de scènes de match dans l’enceinte du FC Nantes. Le foot est toujours loin, en fait. De toute façon, le cinéma ne peut pas concurrencer le vrai foot, surtout à notre époque où tu as vingt-six caméras et angles différents pour chaque action. Je l’ai vu auprès de certains distributeurs ou financiers, qui me disaient : « Les films sur le foot, ça ne marche jamais. Ça ne nous intéresse pas. » Ça n’a pas été évident de vendre ce projet. Moi-même, d’ailleurs, je n’ai pas tellement vu de films de foot. En mémoire, j’ai Les Petits Princes, 3 zéros, Coup de tête

Quand on a présenté le projet au FC Nantes, nos interlocuteurs ont été assez vite intéressés et nous ont ouvert les portes de la Jonelière. Ils ont compris que, bien que l’on raconte dans ce film les coulisses du foot, on ne le faisait pas de manière sale et qui puisse nuire au club.

Le dernier que tu cites est un film culte pour certains amoureux de ce sport. Tu l’as aimé, toi ?J’en ai un souvenir mitigé. Il y avait ce côté : « le prolétariat ils sont gentils, le patronat ils sont méchants » , et Patrick Dewaere qui ne savait pas du tout jouer, ça se voyait. Ce n’est pas un film qui m’a spécialement marqué, mais il faudrait que je le revoie aujourd’hui. En revanche, un film comme Joue-la comme Beckham, ce n’est pas un grand film, ok, mais c’est un film malin parce que l’histoire au-delà du foot est suffisamment forte. Ou bien Shaolin Soccer, qui propose carrément une forme de divertissement dépassant le cadre du foot et qui t’emmène ailleurs. J’ai trouvé ça sympa.

Pourquoi avoir choisi le club de Nantes comme toile de fond à ton film ?J’ai tout de suite choisi Nantes en écrivant le scénario, pourtant je ne suis jamais allé voir un match là-bas. Mais dans mon imaginaire, je me représentais le FC Nantes comme un club familial, sans trop de sales histoires, qui donne leur chance aux jeunes et dégage certaines valeurs qui m’intéressaient. Des valeurs qui m’ont servi à construire le personnage joué par Franck Gastambide.

Au moment du tournage du film, à l’automne dernier, le football club de Nantes est en pleine crise (défaite 0-6 contre Lyon, éviction de René Girard)…Quand on a présenté le projet au club, nos interlocuteurs ont été assez vite intéressés et nous ont ouvert les portes de la Jonelière. Ils ont compris que, bien que l’on raconte dans ce film les coulisses du foot, on ne le faisait pas de manière sale et qui puisse nuire au club. Après, il y a eu, en effet, un problème de timing : on débarque au moment où ils viennent de prendre le 6-0. C’est la crise, des supporters envoient des menaces de mort au président. Il y avait une ambiance hyper délétère à ce moment-là, qui a amené le club à se refermer sur lui-même, ce qui a compliqué un peu le tournage. Et puis tout est rentré dans l’ordre avec l’arrivée de Conceição.

Le film sort aujourd’hui dans les salles. Qu’est-ce que tu as prévu ?Je suis assez détendu par rapport à tout ça. Je pensais aller traîner un peu à la sortie des cinémas parisiens mais, finalement, je vais plutôt aller jouer au foot au parc avec mon fils.

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