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Raymond Kopa, un destin qui dépasse le football

Par Nicolas Jucha
Raymond Kopa, un destin qui dépasse le football

Premier Ballon d'or français, demi-finaliste de la Coupe du monde 1958 et contemporain d'Alfredo Di Stéfano au Real Madrid, Raymond Kopa a vécu une carrière de footballeur hors normes. Comme sa vie commencée dans les mines du Nord de la France et que le Polonais d'origine a mis à profit pour être un pionnier du business et du syndicalisme dans le foot hexagonal.

« Chaque fois que j’entrais sur un terrain, je me disais : « Quand même, Raymond, quelle chance tu as de faire un métier extraordinaire ! Quel sacré veinard ! Imagine un peu que tu pourrais être dans les gradins en train d’admirer deux équipes en attendant l’heure de descendre à la mine. Tu te rends compte de ton bonheur ? » Et je m’en rendais parfaitement compte. » Dans Raymond Kopa : D’hier et d’aujourd’hui, ouvrage de Bernard Verret publié en 1980, Raymond Kopa faisait déjà étalage d’une lucidité unique. Ballon d’or 1958, héros du Mondial suédois la même année, ancien joueur du Real Madrid avec lequel il a gagné la Coupe d’Europe et où il a côtoyé Alfredo Di Stéfano, le meneur de jeu français avait pourtant de quoi perdre pied avec la réalité. Il faut croire que l’enfant d’immigrés polonais de Nœux-les-Mines a su se servir de son passé dans les mines : « J’étais rouleur. Je remplissais les berlines, je chargeais tout, je faisais remonter. » Et pas question, malgré son talent pour le ballon rond, de bénéficier de passe-droit. « L’ingénieur de cette mine, c’était le président du club où j’évoluais. Il aurait pu faire le nécessaire pour me trouver un meilleur emploi, mais il ne l’a pas fait. C’était un con. » Il est proche de perdre une main – son index est sectionné – lors d’un éboulement, « des choses qui arrivent » se souvient-il. Ses deux pieds intacts, il se fait repérer au concours du jeune football 1949, où il finit deuxième, mais tape dans l’œil du SCO d’Angers. Il accepte un contrat semi-pro accompagné d’un job d’électricien, tandis que son entraîneur Camille Cottin raccourcit son patronyme. Raymond Kopaszewski devient Kopa, car « cela se retient mieux » . Il lui faut deux ans pour convaincre Albert Batteux, l’entraîneur du Stade de Reims, de le faire venir en Champagne, une terre où le milieu offensif exploite tout autant son talent qu’un caractère d’homme d’affaires impitoyable.

L’équipe de France boit des jus de fruits Kopa au Mondial 58

Dès la négociation de son transfert du SCO Angers au Stade de Reims, il fait monter les enchères. De 300 000 francs de prime à la signature prévus, il passe à 500 000 après avoir vu que le club angevin a négocié son indemnité de mutation à la hausse. Il n’a que 20 ans, les grandes heures du football business sont encore loin, mais Raymond Kopa connaît déjà la valeur de son talent. Et n’hésite pas à le faire fructifier avec chaussures, sodas, jus de fruits, vêtements et articles de loisir à son nom. « Il faut être connu pour attirer l’attention des acheteurs. Mon nom sonnait bien en plus. » Tellement convaincant que l’équipe de France de football boit les jus de fruits Kopa pendant le Mondial 1958 en Suède, avant que la marque n’occupe un stand aux 24H du Mans l’année suivante. Mais cet esprit entrepreneurial ne traduit pas tant une soif de richesse que de liberté pour l’homme, qui, à un an de la fin de son contrat au Real Madrid, refuse une prolongation particulièrement lucrative de cinq ans, afin de pouvoir rentrer en France. Car il a beau avoir un statut de star à Madrid, il n’est pas totalement épanoui en Espagne, où il doit souvent évoluer sur le flanc droit. « L’argent, c’est très beau. Mais il y a des choses qui ne s’achètent pas. Voilà pourquoi je veux revenir en France » , explique-t-il à l’époque à François Thébaud, rédacteur en chef du Miroir du football. Une posture qui explique, quatre ans plus tard, qu’il prenne fait et cause pour l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), syndicat alors nouvellement créé – entre autres – par son compère Just Fontaine et dont il deviendra l’un des vice-présidents.

« Les joueurs sont des esclaves. » Raymond Kopa en 1963

Le rapport de force est alors assez simple dans le football professionnel : les joueurs signent des contrat « à vie » et, jusqu’à leurs 35 ans, sont liés à leur employeur qui choisit de les transférer ou non. Alors que l’UNFP lutte pour que l’engagement des joueurs soit limité dans le temps, Raymond Kopa apporte sa pierre à l’édifice en juin 1963. Sous forme d’un gros pavé dans la mare puisqu’il déclare sans ambages que « les joueurs sont des esclaves » dans la presse. Six mois de suspension avec sursis et une polémique majeure que l’intéressé ne regrette pas, comme il l’a expliqué dans son autobiographie Kopa par Raymond Kopa : « C’est Dominique Colonna, le gardien du Stade de Reims, qui m’a demandé de le faire. Lors de cette entrevue, je vide mon sac, dis ce que j’ai sur le cœur sur la manière dont sont traités les joueurs liés à vie au club de leurs débuts. Je trouve choquant que les dirigeants puissent décider seuls de la carrière d’un footballeur, négocier son transfert sans même l’en avertir, prendre des sanctions financières sans qu’il soit en mesure de se défendre. Je réclame pour tous la liberté que j’ai acquise pour moi, à force de volonté. J’ai eu la chance de décider seul, refusant l’offre de l’AC Milan, préférant celle du Real Madrid, parce que je tenais à reprendre ma liberté au terme de mon contrat. » Et de se comparer à Zola et son « J’accuse » , signe d’une estime personnelle forte, sans aucune fausse modestie. Mais avec une vraie touche d’altruisme : « Je n’avais pas besoin d’être aidé, mais je pense qu’il faut aider les autres. » Le contrat à temps est créé le 12 juin 1969, et inaugure une série de victoires pour le syndicat des joueurs, où même Zlatan Ibrahimović s’est encarté. Pas le moins bel accomplissement de Raymond Kopa pour le football français.

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Par Nicolas Jucha

Propos de Raymond Kopa extraits du So Foot n°136 (interview par Thomas Pitrel et Ali Farhat) sauf mentions

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