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Raphaël la dalle

Par Alexandre Doskov, à Saint-Pétersbourg
Raphaël la dalle

Depuis le début de sa carrière, Raphaël Varane traîne la réputation du garçon gentil, propre sur lui, à la personnalité discrète. Pas le genre de type capable de devenir un patron, quoi. Et pourtant, à travers ses dernières sorties sportives et médiatiques se dessine l'image d'un joueur devenu plus autoritaire et affirmé que jamais.

Le principe d’une étiquette bien collée, c’est qu’elle tient longtemps et qu’il est quasiment impossible de l’arracher, même en tentant de gratter les coins avec le bout de l’ongle. Et ce qui est pratique avec ces petites choses adhésives, c’est qu’il ne faut pas grand-chose pour avoir envie d’en coller une à individu. Un théorème qui fonctionne dans le sens inverse puisque généralement, il ne faut pas fournir beaucoup d’efforts pour être catalogué et rangé dans une catégorie. Et ça, Raphaël Varane le sait bien. Bonne gueule, sourire bright, plutôt bien peigné, regard doux, jamais un mot plus haut que l’autre. Bingo, le voilà envoyé chez les gendres idéaux. Varane coche tellement de cases que c’en est presque trop facile. En plus, le défenseur des Bleus n’a jamais rien fait pour essayer de briser son image de gentil garçon propre sur lui pas loin d’être chiant. Après avoir fait tourner la maison Disney Channel pendant quelques années, Selena Gómez a joué dans le vulgos Spring Breakers. Après Baby et Somebody to love, Justin Bieber s’est tatoué, a fumé des joints, et a maravé quelques paparazzi. Raphaël Varane, lui, ne fait aucun effort. Il enchaîne les titres, les conférences de presse et les interviews dans lesquelles il ne dit rien, et garde toujours son sourire un peu niais. Une vie de Sims, dans laquelle rien ne dépasse. Du moins, en apparence. Car en creusant un peu, le bonhomme semble avoir un peu plus de relief que prévu. Et alors que tout le monde a toujours jugé qu’il n’était pas fait pour être un leader, Varane est en train de montrer que le costume de patron ne lui va finalement pas si mal.

Feu et eau, eau et huile

Pour décrypter l’énigme Varane, il faut prendre les questions dans l’ordre. La première d’entre elles est simple : comment le jeune homme s’est-il retrouvé avec une telle réputation sur les bras ? La réponse est toute trouvée. Son caractère, sa prudence lorsqu’il prend la parole, même son style de jeu, tout cela forme le portrait-robot de Mister nice guy. Surtout quand on constate à quel point le contraste avec ceux qui l’entourent est saisissant. Car le monde du football est une jungle à la faune peu commune, et qui regorge de grosses personnalités qui adorent être le centre d’attention. Pour résumer, à côté de Paul Pogba, Varane paraît effacé. « Paul, c’est le feu. Moi, c’est plus l’eau » , confiait d’ailleurs Varane il y a quelques jours. Sur la pelouse, à côté de Sergio Ramos, Varane remplit le rôle du défenseur propre, presque trop, limite timoré.

Résultat, l’observer évoluer dans cette volière donne souvent l’impression d’avoir affaire à un mélange entre de l’eau et de l’huile. Ce que le principal intéressé ne nie pas forcément, même s’il aime mettre en avant une autre facette de sa personnalité, celle du leader qui n’a pas besoin d’en faire des tonnes pour être écouté et respecté : « En club ou en sélection, je dois me comporter de la même façon. J’ai l’habitude de parler beaucoup avant les matchs, quand il faut remobiliser ou replacer les joueurs plus jeunes. Dans les moments un peu plus chauds, c’est important de donner de la sérénité à des joueurs qui ont moins d’expérience. Je le fais aussi en club, je n’ai pas besoin de jouer un rôle. »

De plus en plus agressif

Varane a une autre bonne raison de ne pas trop la ramener : il sort de deux ans et demi entre les mains du maître absolu de l’autorité naturelle. « Je l’ai vu avec Zizou, on n’a pas besoin de parler fort pour être écouté. » Alors plutôt que de forcer sa nature en en rajoutant pour montrer qu’il sait tenir les rênes, le Madrilène préfère laisser les autres tresser ses couronnes de laurier. À commencer par le capitaine des Bleus himself, le sieur Hugo Lloris : « Il s’affirme de plus en plus. Je n’ai que des éloges à faire sur lui, également sur la personne. C’est le leader de la charnière centrale, et je le trouve de plus en plus agressif dans ses duels. » Le Varane nouveau ne serait donc pas un remake de The Artist sans le petit chien Jack. Il parle haut et fort. Et il donne des coups, en plus de ça. Alors pourquoi l’étiquette continue-t-elle à coller ? Une grande enquête qui pourrait partir dans de multiples directions.

Mais la vérité est peut-être toute simple, surtout si on la cherche chez le joueur lui-même. Varane continue d’être caricaturé en joueur sans gros caractère parce qu’il entretient cette légende. Et s’il agit de la sorte, c’est sans doute parce que ça l’arrange. Quand le défenseur des Bleus s’exprime, on le sent en permanence dans le contrôle et dans la retenue. Mais quelques sourires en coin et quelques reflets dans l’œil trahissent une personnalité plus rieuse que la platitude des discours qu’il débite. Mais devenir une bête de scène serait l’assurance d’être emmerdé matin, midi et soir, et de devoir se justifier en permanence pour un oui ou pour un non. Comment jeter la pierre à un garçon qui refuse de sombrer là-dedans, et qui préfère endosser à la place le costume du type sans grand intérêt. Le prix de la tranquillité, en somme.


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Par Alexandre Doskov, à Saint-Pétersbourg

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