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Rangnick et les amours contrariés à Schalke

Par Côme Tessier
Rangnick et les amours contrariés à Schalke

Par deux fois, Ralf Rangnick a pris les rênes de Schalke 04 pour un bilan contrasté, fort d'une relation à part avec les supporters, de bons résultats avec un sytle spectaculaire, mais des nerfs mis à rude épreuve qui l'ont poussé à démissionner à cause d'un burn out. C'est dans le costume de directeur sportif du RB Leipzig qu'il croisera le chemin du club de Gelsenkirchen.

En septembre dernier, le RB Leipzig avance encore à pas feutrés en Bundesliga. Pour sa première saison dans l’élite, le club monté de toutes pièces par la firme des boissons énergétiques autrichienne représente le facteur X, cette inconnue qui peut bousculer les rangs. Pour son premier choc de la saison, dans son grand stade, le RB affronte le Borussia Dortmund. Quatre-vingt-dix minutes plus tard, les 42 959 spectateurs célèbrent une victoire 1-0. Et parmi les personnes en tribune, un homme se fait remarquer : David Rangnick, fils du directeur sportif, tend une écharpe de 2010 aux couleurs de Schalke et du RB. Le cache-nez n’est pas là par hasard. À l’époque, son père, Ralf Rangnick, explique volontiers l’histoire dans Bild. Cette écharpe est un cadeau d’un « fan de Schalke » , qu’il a reçu « à [ses] débuts à Leipzig » . Aujourd’hui, Rangnick se fait plus discret et évite les sollicitations des journalistes pour évoquer Schalke. Parce que sa relation avec le club de Gelsenkirchen et ses deux passages sont un mélange d’amour non réciproque, de gâchis et d’une pression intenable.

Un tour d’honneur et puis s’en va

La première arrivée du « professeur de football » chez les Knappen remonte à 2004. Schalke a le vent en poupe, mais continue d’être malmené par cette incapacité à gagner le titre suprême. Le club cherche alors à maximiser ses chances avec le football offensif prôné par Rangnick. Cependant, un homme ne semble pas prêt à accueillir le professeur. Il s’agit du manager du club, Rudi Assauer, qui met régulièrement des bâtons dans les roues du coach. Cela commence dès la conférence de presse de présentation, lors de laquelle il annonce « Rolf Rangnick » . Dès lors, pendant dix-huit mois, les deux caractères vont lutter pour le pouvoir. Pourtant, du point de vue sportif, tout se passe plutôt bien pour les Knappen. Avec les incontrôlables Ebbe Sand et Ailton en pointe, les Königsblauen font même une remontée fantastique pour menacer sérieusement le Bayern Munich pendant de longues semaines. À la suite de la victoire 2-0 contre le Rekordmeister, le club semble même avoir une voie royale vers le titre. Les quatre défaites en cinq matchs qui suivent mettent fin au rêve. Schalke rentre dans le rang, termine deuxième, et Assauer reprend son rôle de père Fouettard. La saison suivante, la question du contrat de Rangnick devient essentielle alors que le club subit une déroute en Pokal contre Francfort (6-0) et sort dès les poules de la C1. Les dirigeants de Schalke décident de ne pas le renouveler, et Rangnick l’annonce publiquement. Alors, à six mois de son départ, le coach a le droit à un tour d’honneur sous les acclamations du stade avant un match contre Mayence. C’est une provocation de trop. Les joueurs prennent mal ce coup de force et les dirigeants encore plus. Deux jours plus tard, le contrat de Rangnick est mis à la poubelle plus tôt que prévu. Fin du premier round.

Demi-finale de C1 et burn out

Six ans plus tard, deuxième round. Felix Magath vient d’être viré à cause des résultats en dents de scie de Schalke en Bundesliga – le club est coincé à la 10e place. Le board choisit de rappeler Rangnick à la rescousse. Le choix est gagnant à plus d’un titre. Si le club ne décolle pas en Bundesliga et plonge finalement à la 14e place, sauvant sa peau malgré tout, il termine spectaculairement ses matchs à élimination directe. En Ligue des champions tout d’abord, Schalke offre un spectaculaire aller-retour face au tenant du titre, l’Inter Milan de Leonardo (2-5 puis 2-1), avant de céder contre plus fort, Manchester United, en demi-finales.

En Pokal ensuite, les Knappen bouclent leur parcours en gagnant largement la finale à Berlin contre Duisbourg (5-0). Le premier titre depuis 2002 est pour Rangnick. De quoi le rendre intouchable ? Pas tout à fait. Dans le vestiaire, avant la nouvelle saison, quelques joueurs râlent contre leur mise à l’écart, comme Peer Kluge. Le milieu de terrain ne comprend pas sa relégation en équipe B pour un match amical et le fait savoir dans la presse. Sur le moment, Rangnick est de marbre face aux critiques : « Ce sont des déclarations tout à fait normales. Je peux comprendre que certains soient déçus. Mais ce n’est qu’une situation temporaire. » Cependant, Rangnick ne tient pas longtemps. En septembre, les médecins diagnostiquent ce qu’on appelle un Erschöpfungssyndrom dans la langue de Matthäus. Autrement dit : un burn out. L’entraîneur est épuisé mentalement et l’explique à la presse : « Mon niveau d’énergie actuel ne suffit pas pour réussir et pour faire avancer la progression de l’équipe et du club. » Les dirigeants acceptent de le laisser partir en cours de saison. Une fois de plus, Rangnick est victime d’un trop-plein d’enthousiasme et d’amour pour Schalke. En mars, il ne devait pas récupérer le poste de Magath. Ce n’était pas dans ses plans. Début 2011, il quitte Hoffenheim sur une brouille et compte se reposer six mois minimum. Schalke l’avale malgré tout et le crame définitivement. Rangnick comprend alors qu’il a besoin de construire dans le calme. Plus que l’émotion et la passion des Königsblauen, il choisit la nouveauté et le calme du laboratoire à ciel ouvert de Red Bull entre Salzbourg et Leipzig. Si Rangnick est finalement contraint de reprendre le chemin des entraînements pour faire monter le RB jusqu’à la Bundesliga, il se tient en retrait au moment de rejoindre l’élite. Le match contre Schalke ne fait pas exception. Mais au fond de lui, « Rolf » sait que l’Arena auf Schalke l’attend de pied ferme. Pour le meilleur et pour le pire.

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