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Quinley Quezada, la patte de l’expat

Par Andrea Chazy

Historique comeilleure buteuse des Philippines, Quinley Quezada raconte à travers son histoire ce que sont aujourd’hui les Filipinas : une sélection bâtie via la diaspora nord-américaine qui espère profiter de ce Mondial australien et néo-zélandais pour impulser un élan national.

Philippines Women soccer team seen acknowledging the fans during the FIFA Women's World Cup 2023 match between Philippines and Switzerland held at the Dunedin Stadium. Final score Switzerland 2:0 Philippines. (Photo by Luis Veniegra / SOPA Images/Sipa USA) - Photo by Icon sport
Philippines Women soccer team seen acknowledging the fans during the FIFA Women's World Cup 2023 match between Philippines and Switzerland held at the Dunedin Stadium. Final score Switzerland 2:0 Philippines. (Photo by Luis Veniegra / SOPA Images/Sipa USA) - Photo by Icon sport

Personne ne rêve de perdre son premier match en Coupe du monde. Pourtant, au coup de sifflet final de Philippines-Suisse (0-2) à Dunedin en Nouvelle-Zélande, les Filipinas sont là, à communier avec leurs fans, sachant pertinemment qu’elles viennent de marquer l’histoire : 42 ans après la création de l’équipe nationale féminine, les protégées d’Alen Stajcic viennent de disputer les premières minutes du pays – avant les hommes – en phase finale de la plus grande compétition internationale de foot. Même en étant sortie à la 70e minute, préservée par son coach australien pour le second match de mardi face à la Nouvelle-Zélande, Quinley Quezada savoure. « Nous étions très excitées, très fières de chanter notre hymne national, nous confie la comeilleure buteuse de la sélection (22 buts) depuis l’autre bout du globe. C’est presque mieux que dans mes rêves. » Des rêves, « Q » en avait un paquet plus jeune, mais celui de représenter un jour les Philippines en mondovision n’en faisait pas partie. Logique, car Quinley est née et a grandi aux États-Unis comme 70% de ses compagnes de route durant la compétition.

Project Jordan et diaspora 

Pour Quinley comme les Philippines, tout a changé un beau jour de novembre 2017. Alors qu’elle est à l’université de Riverside, à une heure de Pasadena où elle a grandi en Californie, le coach de son équipe universitaire Nat Gonzalez s’approche d’elle et lui fait : « Hey Q, t’es originaire des Philippines, toi, c’est ça ? Parce qu’ils organisent des essais pas très loin pour rejoindre la sélection, tu devrais y aller ! » Si Nat Gonzalez a cette info, c’est parce qu’il est très proche de Richard Boone, un Américain en passe de prendre en main la sélection asiatique et qui copilote le Projet Jordan. Initialement conçu et supporté par la FIFA et la fédération locale pour aider les Philippines à progresser et participer à la Coupe du monde en France, ce projet avait pour but d’aller chercher des joueuses d’origine philippine et de les naturaliser pour augmenter le niveau de la sélection.

Je n’étais jamais allée aux Philippines de ma vie avant le premier rassemblement. Le fait de représenter aujourd’hui les Philippines depuis cinq, six ans me permet d’adopter encore plus cette culture.

Quinley Quezada

Du fait de l’histoire des Philippines, colonisées pendant près de 50 ans par les États-Unis au siècle dernier et dont les premières vagues d’immigration remontent même au XVIe siècle, c’est logiquement au pays de l’Oncle Sam, où réside la plus grande diaspora mondiale de citoyens philippins (4 millions environ), que le camp de détection est installé. Plus précisément à l’El Cerrito Sports Complex de Corona, situé en Californie, où réside un quart de la communauté philippino-américaine. Quinley tape dans l’œil du staff, tellement qu’elle ne sortira plus jamais du groupe à compter de cette date. « Je ne savais même pas que jouer pour les Philippines était une option pour moi à ce moment-là, avoue la deuxième joueuse la plus capée de la sélection avec 50 apparitions. J’étais dans le championnat universitaire américain, focus pour donner le meilleur de moi-même. »

Quinley Quezada, joueuse phare des Philippines

Si Quinley n’avait jamais envisagé au préalable de défendre les couleurs de la 46e nation au classement FIFA Féminin, c’est parce qu’elle-même n’a pas vraiment baigné dans la culture philippine plus jeune. Mais plutôt dans celle mexicaine du côté de son père : petite, elle se souvient « entendre le commentateur des chaînes mexicaines hurler comme un dingue sur les buts des Chivas de Guadalajara ». Le foot arrive vite, à même pas 7 ans, et les premiers rêves où elle reproduit les gestes de la star américaine Mia Hamm aussi. Des Philippines, elle n’en entend que la langue parlée par ses grands-parents les week-ends et sa mère raconter les pluies diluviennes des confins de Bataan. « Je n’étais jamais allée aux Philippines de ma vie avant le premier rassemblement, explique Quinley. Le fait de représenter aujourd’hui les Philippines depuis cinq, six ans me permet d’adopter encore plus cette culture. »

Le temps de l’apprivoisement

Si le tableau est idyllique pour cette fan de JK Rowling et Stephen King, il l’est aussi sportivement pour les Philippines en apparence : depuis 2018, les féminines se sont donc qualifiées pour leur première Coupe du monde, ont terminé sixièmes en 2018 puis en demies en 2022 de la Coupe d’Asie, sans oublier leur victoire dans le Championnat d’Asie du Sud-Est l’an passé. Le début d’un élan pour le « soccer » aux Philippines en cas de rebelote à la Coupe du monde ? Cela reste à voir. « Aux Philippines, le foot n’est ni le sport numéro 1, ni même numéro 2 ou même 3, glisse Ryan Fenix, commentateur philippin présent au Mondial. Hormis les fans de foot philippins, le grand public ne s’intéresse pas vraiment à cet événement. Au pays, le gros événement sportif qui passionne le pays, ce sont les championnats du monde de basket qui vont se tenir chez nous, au mois d’août. »

Les locaux ont un peu du mal à accrocher, car quand elles étaient sur les plateaux télé, elles parlaient anglais pour la majorité. C’est difficile de s’identifier.

Rabah Benlarbi

Un scepticisme partagé par l’ex-sélectionneur français de l’équipe féminine philippine, Rabah Benlarbi. Pour l’ancien adjoint de Philippe Troussier, d’autres facteurs entrent en jeu, et notamment la faible représentation des locaux (seulement 2 des 23 joueuses présentes au Mondial sont nées au pays) : « Quand on est revenus en 2018 de la Coupe d’Asie, on n’a même pas été invités par les autorités, notamment parce que le gouvernement ne considérait pas qu’on était une équipe féminine des Philippines. Plutôt une équipe philippino-américaine… Les locaux ont un peu du mal à accrocher, car quand elles étaient sur les plateaux télé, elles parlaient anglais pour la majorité. C’est difficile de s’identifier. Peut-être que là, avec l’exposition mondiale, ça va plus accrocher. » Autre frein potentiel : la mainmise sur le football national féminin par Jefferson Cheng, le team manager de l’équipe et businessman respecté au pays, qui a grandement participé à l’exposition actuelle de la sélection. « Tout est basé sur son bon vouloir, car c’est lui qui finance en grande partie les salaires, poursuit Benlarbi. Sur le long terme, ça ne peut pas fonctionner. Je l’ai vécu en Chine aussi : tu vis selon les desiderata des milliardaires. Quand les mecs n’ont plus envie, tout se casse la gueule. » En attendant de le savoir, les Filipinas espèrent décrocher leurs premiers points et marquer leur premier but dans la compétition. « J’espère que les gens regardent ce que l’on fait et sont fiers, appuie Quinley Quezada. On a beaucoup progressé et travaillé pour arriver là. Nos principaux objectifs ont toujours été d’inspirer, d’aider au développement du foot aux Philippines, et que le soutien grandissant dont on bénéficie aujourd’hui se poursuivra après la Coupe du monde pour que cela donne des opportunités aux futures générations. » Un discours engagé qui ne doit pas non plus faire oublier aussi qu’au niveau personnel, les joueuses philippines bénéficient là d’une opportunité rare pour se montrer au reste du monde. Quinley en fait partie. « Elle est super intelligente, capable de tout faire avec et sans le ballon, confie Rabah Benlarbi. Elle a le niveau pour jouer en Europe (elle évolue actuellement à l’Étoile rouge de Belgrade, NDLR) et avec une période d’adaptation, elle a le niveau pour évoluer dans un club de D1 Arkema. Pas forcément dans les gros clubs, mais sur des clubs de deuxième partie de tableau. » Nul doute qu’une masterclass ce mardi face aux Football Ferns (coup d’envoi à 9h30) autoriserait Quinley Quezada à rêver encore plus grand.

Par Andrea Chazy

Tous propos recueillis par AC.

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